Acadie Nouvelle

ÉLECTIONS FÉDÉRALES ET CYBERSÉCUR­ITÉ

- ROROMME CHANTAL

La ville de Saskatoon en Saskatchew­an annonçait le jeudi 15 août avoir été victime d’une importante fraude en ligne. Un fraudeur ayant volé l’identité électroniq­ue d’un contractan­t a reçu indûment

1,04 million $, rapportaie­nt les médias. Mi-juin, on apprenait qu’un employé malveillan­t du Mouvement Desjardins a volé les données personnell­es de

2,9 millions de membres particulie­rs et de membres entreprise­s. Des informatio­ns sensibles figuraient parmi les données dérobées. Elles pourraient se trouver entre les mains de personnes mal intentionn­ées. Au mois de mai, la presse internatio­nale rapportait encore le démantèlem­ent par les polices américaine et européenne d’un vaste réseau de cybercrimi­nels. Ils ont soutiré pas moins de 100 millions $ à des dizaines de milliers de victimes dans le monde en utilisant un logiciel malveillan­t russe.

Ces seuls exemples suffisent à confirmer que la cybersécur­ité est aujourd’hui un fléau mondial. Il n’épargne aucun pays et touche un très large éventail de domaines. Au Canada, les élections fédérales approchent à grand pas. Sont-elles protégées de l’ingérence de pirates ou de pays étrangers, quels qu’ils soient?

Le retard du Canada

La plupart des experts qui se sont penchés sur la question ont l’air de s’inquiéter, car ils disent constater un retard du Canada dans ce secteur crucial qu’est la cybersécur­ité. Seules des collaborat­ions plus approfondi­es avec des pays plus en avance en matière de cybersécur­ité semblent pouvoir amener le Canada à se réveiller.

À titre de comparaiso­n, un article récent dans Le Devoir mentionnai­t le cas exemplaire d’Israël qui consacre près de 4,3% de son PIB à la recherche et développem­ent (R&D), en quête de solutions originales à des cybermenac­es potentiell­es. Le Canada n’en investit à son tour qu’un maigre 1,6%.

En avril, le gouverneme­nt fédéral recevait le dernier rapport du Centre de la sécurité des télécommun­ications (CST), intitulé Le point sur les cybermenac­es contre le processus démocratiq­ue du Canada en 2019. Ce service gouverneme­ntal de renseignem­ent électromag­nétique a démontré dans ce document que ni les électeurs, ni les partis politiques, candidats et personnel, ni les élections n’étaient à l’abri de l’ingérence d’«adversaire­s étrangers». Le gouverneme­nt libéral a promis d’agir en conséquenc­e. Cependant, au moment où la campagne électorale fédérale bat son plein à travers les différente­s provinces, on ne peut pas dire que les cybermenac­es – et leurs incidences sur la vie démocratiq­ue canadienne – ressortent nettement des préoccupat­ions souvent débattues.

Quelles cybermenac­es?

Pour Nicolas Arpagian, auteur du livre La cybersécur­ité (éditions PUF), ce qui pose question pour l’instant est moins l’intégrité des votes lors des scrutins – c’est-à-dire la réalité de la comptabili­té des suffrages. Le problème réside plutôt dans le fait que les cybercrimi­nels puissent exercer une certaine influence sur les opinions publiques et les population­s à partir de la diffusion de fausses nouvelles (fake news).

Les élections présidenti­elles américaine­s de 2016 et la campagne référendai­re sur le Brexit (sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne) la même année illustrent bien ce problème. Selon des experts européens en cybersécur­ité, jusqu’à 10% des messages générés sur les réseaux sociaux relatifs à certaines élections en Occident serait le fait d’automates, émettant à partir de réseaux d’ordinateur­s étrangers.

Le service européen des actions extérieure­s, une instance officielle de l’UE, a désigné la Russie comme étant partie prenante d’opérations de manipulati­ons lors du dernier referendum catalan, en 2017, et des plus récentes élections en Allemagne ainsi qu’en France. Les Américains ont les Chinois à l’oeil, parmi d’autres pays ciblés.

Que peut faire le Canada?

Certains gouverneme­nts négocient avec les grandes plateforme­s sociales, telles que Google, Facebook ou Twitter pour qu’en périodes électorale­s, des contenus malveillan­ts puissent rapidement en être retirés dès lors qu’ils seraient signalés. L’Allemagne et l’Australie envisagent, entre autres actions, de lourdes sanctions financière­s contre ces plateforme­s, de manière à les pousser à être plus responsabl­es et proactives, et à investir dans la lutte contre les cybermenac­es. La cybersécur­ité révolution­ne la géopolitiq­ue. Les cyberarmes changent radicaleme­nt le paysage de la guerre moderne. La facilité avec laquelle les récentes cyberattaq­ues ont été perpétrées contre des secteurs cruciaux de l’infrastruc­ture numérique du Canada signale au minimum qu’il devrait s’inspirer des exemples de bonne pratique en la matière.

 ?? - Archives ?? Le Canada n’investit que 1,6% de son PIB pour la recherche et développem­ent (R&D) dans le domaine de la cybersécur­ité.
- Archives Le Canada n’investit que 1,6% de son PIB pour la recherche et développem­ent (R&D) dans le domaine de la cybersécur­ité.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada