La tablette en classe: «Plus de suivis individuels, moins de gestion de classe»
Dany Émond, qui dispense des cours d’arts et de français à l’école AbbeyLandry de Memramcook, fait partie des enseignants convaincus par la tablette. L’outil lui permet de partager du contenu rapidement ou de se déplacer dans la classe tout en écrivant à l’écran.
«Je n’utilise presque plus le tableau blanc», assure-t-il, devant un groupe d’élèves de 8e année penchés sur leurs écrans, absorbés par la conception de cartes d’Halloween.
L’enseignant peut par exemple demander à ses protégés d’illustrer une rédaction de français à l’aide d’une animation image par image ou de réaliser une vidéo pour présenter un résumé de livre.
«C’est quelque chose qui les engage. Ça veut dire moins de cours magistraux, plus de suivis individuels et moins de gestion de classe.»
Avec sa classe de 5e année, Monique Bourque se sert de l’application Book Creator pour créer des livres multimédias pouvant intégrer sons, textes et vidéos au sujet d’enjeux environnementaux.
«Ils travaillent souvent par groupe de deux, il y a toujours de la communication» décrit-elle.
L’enseignante a vu certains jeunes dévorer des livres électroniques grâce à l’application Epic! que l’on pourrait qualifier de Netflix des ebooks pour enfant. L’interface s’adapte au jeune lecteur et intègre un système de progression qui débloque des récompenses au fur et à mesure que ses choix de lecture évoluent.
Le caractère ludique de la tablette augmente la motivation d’un cran, constate Monique Bourque.
UN OUTIL PLUS QU’UN GADGET?
Le directeur de l’école, Pierre Roy, souligne que l’iPad n’a pas vocation à remplacer le travail de l’enseignant. Il n’est pas question non plus de l’utiliser pendant les pauses ou pendant l’heure du midi.
«Un jeune ne passe pas plusieurs heures par jour là-dessus. On l’utilise lorsque c’est le meilleur outil. Nos élèves ont toujours accès à des interactions sociales, de la lecture. Ils passent du temps dans notre serre pédagogique, ils continuent de faire l’activité physique. On essaie d’innover mais aussi de garder un équilibre.»
Pierre Roy reconnaît que le virage technologique ne s’est pas nécessairement reflété dans les résultats scolaires, mais note un «plus grand niveau de motivation et d’engagement».
«Ça amène les jeunes à être initiateurs de projets, que ce soit du codage, de la vidéo pour faire découvrir la communauté de Memramcook ou créer la chanson thème de l’école. Ça leur permet d’être connectés au monde qui les entoure.»
Le directeur affirme également que les parents ne se sont pas plaints de l’orientation prise par son établissement. Le corps enseignant reçoit d’ailleurs de la formation proposée par Apple.
«On ne nous impose pas une philosophie. On nous aide à intégrer le meilleur choix d’application dans la salle de classe», décrit Pierre Roy.
Michel Léger, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton, a étudié de près le cas de l’école
«On peut aller chercher tous nos élèves, dit-elle. On leur apprend aussi à être de bons citoyens dans l’ère numérique: savoir protéger son identité, faire preuve de pensée critique, s’assurer que l’information est fiable, naviguer en sécurité.»
Abbey-Landry. Il constate qu’une pleine année d’enseignement dans un environnement riche en technologies semble mener à un changement significatif dans l’acquisition et la persistance de la compétence numérique chez les enseignants et les élèves.
À ses yeux, cette modernisation de la salle de classe est essentielle pour donner aux travailleurs de demain les armes pour réussir dans l’économie du numérique. Seulement, l’intégration de technologie n’est pas nécessairement garante d’un meilleur apprentissage, prévient Michel Léger.
«Ajouter des technologies pour le plaisir n’est pas nécessairement avantageux. Il faut que ça soit un levier à l’apprentissage, que ça ait une fonction pédagogique sinon ça n’apporte rien d’autre qu’une distraction.» ■