Quand les valeurs chrétiennes sont troquées contre le pouvoir politique
Impossible de comprendre le phénomène Trump sans une certaine connaissance de la droite religieuse américaine. Le journaliste français ClaudeJean Bertrand en a fait, jadis, une analyse intéressante dont on peut s’inspirer. Elle constitue la base électorale de l’actuel président.
Ce regroupement religieux aurait compté jusqu’à 50 millions d’adhérents dont les baptistes forment un nombre important. Surtout situé dans les États du Sud, il est également connu sous l’appellation «Bible Belt». Ses membres sont de discipline très stricte et souhaiteraient imposer au reste du monde un ordre moral qui est le leur. Ils voudraient bien que le pays soit de confession chrétienne, entendre par là, d’un conservatisme réactionnaire. La Bible, selon eux, constituerait, en tout point, la parole de Dieu qu’il faut suivre à la lettre.
Chacun doit se préparer à la seconde venue du Christ et devenir des «born again Christians». Les Américains auraient été mandatés d’une mission particulière, soit celle de sauver le monde.
Ces fondamentalistes trouvent dans la Bible tout ce qu’il faut pour justifier l’esclavage, la ségrégation et la peine capitale. Ils maudissent les organisations ouvrières et favorisent le capitalisme sauvage. Tout cela pour aboutir à l’«American Dream».
Il importe de combattre l’éducation sexuelle dans les écoles, l’obscénité des médias, la législation sur l’avortement et l’acceptation de l’homosexualité. Il faut retourner à la prière dans la salle de classe, purger les bibliothèques, enseigner le créationnisme autant que l’évolutionnisme.
Pionniers de l’Église électronique avec ses supers-prédicateurs qui martèlent les grandes valeurs de la droite religieuse et qui font du lavage de cerveau, les pasteursvedettes s’enrichissent de façon indécente. On a connu des scandales de proportions gigantesques impliquant autant le sexe hétérosexuel qu’homosexuel, les infidélités, les vols excessifs, la fraude et les abus de confiance. Nous n’avons qu’à penser au télévangéliste Jim Bakker qui a détourné des millions pour financer son luxueux mode de vie et fait des paiements importants à sa secrétaire pour qu’elle entoure du plus grand secret ses escapades sexuelles. Quant à Jimmy Swaggart, il a payé cher ses infidélités avec des prostituées. Son empire religieux et financier s’est écroulé du jour au lendemain.
Et, pourtant, ce sont ces mêmes chrétiens qui ont troqué leurs valeurs contre le pouvoir politique. Ils ont accepté d’appuyer Trump, les yeux fermés, un candidat et président corrompu, incompétent, menteur, infidèle, manipulateur et dangereux. Un dirigeant populiste qui aura profité des peurs du monde religieux fondamentaliste pour promettre de redonner à l’Amérique sa grandeur: «Make America Great Again». Il fera du pays un éden pour les citoyens de race blanche et de confession protestante. Il coupera les taxes, tentera d’empêcher l’immigration de personnes n’ayant pas la même religion et la même couleur de peau. Il mettra fin aux guerres, rapatriera les soldats américains, imposera des tarifs douaniers à la Chine. Il aura surtout créé le chaos, la division, l’incertitude dans l’état actuel du monde et perturbé les relations internationales.
Quant à la diminution de taxes, Trump, qui avait promis au citoyen moyen une augmentation de son revenu, endettera le pays de près de trois billions (trillions en anglais) et enrichira ses amis multimillionnaires et multimilliardaires de sommes exorbitantes. C’est le 1% de la population très riche qui en bénéficiera. Les frères Koch, par exemple, ces richissimes Américains, auront, en conséquence, un milliard de dollars de plus annuellement dans leur compte de banque, et, en retour, donneront jusqu’à 400 millions en dons politiques pour faire élire les candidats républicains qui savent appuyer de telles politiques. Alors qu’on a autant d’argent à donner aux riches, le pays refuse d’établir un programme d’assurance-maladie alors que de nombreux Américains connaissent la ruine.
De nombreux membres de la droite religieuse appuient Trump malgré ces injustices et la corruption. Mais, le jour où les gens de condition moyenne se réveilleront pour constater qu’on les a roulés et manipulés, il pourrait ne pas faire beau dans les États-Unis d’Amérique.
Le grand perdant dans tout ce branlebas, pourrait bien être le Parti républicain dont les élus n’aiment pas le comportement de Trump, mais qui, pourtant, ferment les yeux devant un lot de mensonges, de chaos et de perturbations plutôt que de dénoncer. Les élections de 2020 pourraient bien être révélatrices.
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