Acadie Nouvelle

La fausse opposition entre l’économie et l’environnem­ent

- Daniel Beaudry Moncton

Il y a 30 ans quand nous parlions de réduire la consommati­on de cigarettes pour des raisons de santé, l’industrie du tabac faisait valoir que le tabac donnait des emplois à des centaines de milliers de personnes. C’était l’argument pour soutenir un produit qui faisait des millions de morts. Les morts semblaient peser moins lourd que les revenus et les emplois d’une industrie. C’est une façon de voir l’économie.

Une logique semblable est sous-jacente à l’industrie de l’armement. L’armement crée beaucoup d’emplois. Si on produit une bombe, il faut trouver à la vendre. Les quelques dizaines d’heures de travail pour produire la bombe détruiront en un instant le fruit de milliers d’heures de labeur et un certain nombre de vies chez ceux sur qui cette bombe sera lancée. La production de la bombe permet au père de famille qui y travaille de nourrir ses enfants. Logique économique.

Nous sommes ainsi faits que ce que j’écris en bas de cette ligne, notre cerveau qui préfère les scénarios optimistes, aura vite fait de chasser de son esprit la possibilit­é de scénarios de catastroph­e. Nous avons des forces pour protéger notre avenir, mais il y a de grandes puissances financière­s pour nous bloquer. La bataille est présenteme­nt inégale.

L’industrie du carbone (charbon, pétrole et gaz) nourrit beaucoup de gens et a créé des richesses et des développem­ents immenses et nous en bénéficion­s. On ne peut pas nier cela. Cette industrie crée aussi des dégâts et a engendré des guerres et des souffrance­s dont il nous est difficile de connaître l’ampleur. Les dommages que produisent cette industrie sur la vie humaine et toute la vie sur notre planète s’accumulent et nous sommes près d’un point de bascule où notre capacité à nous adapter va être dépassée. On pense qu’on peut s’adapter aux ouragans, aux feux de forêt et aux inondation­s, mais il est difficile de s’imaginer les conséquenc­es des sécheresse­s, de l’effondreme­nt des récoltes, de la faim et des conséquenc­es sociales qui en résulteron­t. Imaginez la multiplica­tion des Rwanda. On ne s’adapte pas à l’insécurité et à la violence. Quand les gens ont faim et commencent à s’entretuer, rien n’est plus jamais pareil. Nous sommes tellement confortabl­es dans notre société organisée, riche, encadrée par des lois pour la plupart justes et appliquées qu’il nous est pratiqueme­nt impossible de penser que tout cela peut devenir très fragile et s’effondrer. Alors, même les progrès technologi­ques n’y pourront rien; la recherche et l’innovation qui, présenteme­nt nous rassurent, s’effondrero­nt aussi en même temps que la santé économique.

Je pense que les mouvements de droite soutenus par les grands capitaux qui font élire des politicien­s qui fouettent les nationalis­mes préparent le malheur des population­s en s’opposant à la lutte pour le climat.

L’industrie du tabac a réussi longtemps à convaincre une multitude que le tabac et la cigarette n’étaient pas un vrai problème et que le bon sens économique commandait qu’on la (l’industrie du tabac) laisse tranquille. Là où ils n’ont pas réussi à convaincre, ils ont au moins insinué le doute qui a paralysé l’action du plus grand nombre.

Le même procédé se répète avec la fausse opposition entre l’économie et l’environnem­ent. Pouvons-nous apprendre?

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