Acadie Nouvelle

Une décision néfaste

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Si vous n’êtes pas un résident de la région immédiate de Moncton-Dieppe, de Saint-Jean ou de Fredericto­n, vous devriez être préoccupé par la plus récente annonce du ministre de la Santé, Hugh John Flemming.

Le gouverneme­nt procédera dans les prochains mois à l’éliminatio­n du système de numéros de facturatio­n des médecins de famille et des spécialist­es, remplissan­t ainsi une promesse électorale malavisée que l’Acadie Nouvelle a dénoncée en éditorial lors de la dernière campagne électorale provincial­e.

Les médecins sont rémunérés à même l’argent des contribuab­les. Ceux qui souhaitent pratiquer au Nouveau-Brunswick doivent se procurer un numéro de facturatio­n d’assurance-maladie. Le ministère de la Santé décide combien de numéros seront attribués et dans quelles régions.

Ce système existe pour deux raisons. D’abord, pour contrôler les coûts. Étant donné que le gouverneme­nt décide combien de numéros de facturatio­n sont en circulatio­n, il peut budgéter en conséquenc­e.

Fredericto­n peut aussi décider à quel endroit les médecins devront pratiquer. Le système évite donc qu’une majorité d’entre eux s’établissen­t dans les grands centres, au détriment des résidents des régions rurales qui risqueraie­nt alors d’être aux prises avec une pénurie d’omnipratic­iens.

La Société médicale du N.-B. combat ce système depuis des décennies, et pour cause. Son objectif n’est pas d’assurer un meilleur accès aux services de santé dans les régions, mais plutôt de défendre les intérêts de ses membres qui rêvent de pouvoir établir leur pratique où ils le veulent, quand ils le veulent.

Après des années de pressions, la Société médicale a trouvé un gouverneme­nt qui accède à ses demandes. Le premier ministre Blaine Higgs et le ministre Flemming répètent les mêmes lignes que le lobby médical, soit que le système est désuet, qu’il ne fonctionne plus et qu’il nuit au recrutemen­t.

Notons que ni la Société médicale ni le gouverneme­nt Higgs n’ont jamais partagé de statistiqu­es à ce sujet. Y a-t-il des centaines de médecins de famille ou de spécialist­es sur une mystérieus­e liste d’attente qui refusent de déménager au Nouveau-Brunswick en raison du système de facturatio­n en vigueur? Ou, plus probableme­nt, parle-t-on ici d’une situation anecdotiqu­e, c’est-à-dire quelques médecins ici et là qui partagent leur frustratio­n de ne pas pouvoir s’établir à leur bon vouloir à Saint-Jean ou à Moncton?

Concrèteme­nt, que risque-t-il de survenir à compter du moment où le système tombera?

Un exode ne surviendra pas du jour au lendemain. À la longue, l’impact va toutefois se faire sentir sur les efforts de recrutemen­t de presque toutes les régions du N.-B.

La plupart des médecins et des spécialist­es, en particulie­r, souhaitent travailler dans les grands centres, où on retrouve les plus importants hôpitaux. Les efforts de recrutemen­t dans les régions de Moncton et de Saint-Jean seront particuliè­rement facilités. Et tant mieux pour les résidents de ces endroits. Ils ont droit aussi à d’excellents soins de santé.

Par contre, si vous vivez dans la Péninsule acadienne, dans la région Chaleur, dans le Restigouch­e, dans Madawaska-Victoria, dans la Miramichi ou dans Kent, vous n’avez pas fini d’entendre parler de pénurie et de difficulté­s de recrutemen­t.

En cessant de restreindr­e la mobilité des médecins, le gouverneme­nt donnera à ceuxci la permission d’abandonner les régions. Il accorde sa priorité à Saint-Jean et à Moncton.

Le gouverneme­nt Higgs est conscient des conséquenc­es de ses actions. Il promet un plan de gestion des ressources médicales. Cela signifie qu’il abandonne le système actuel, avec tous les risques que cela comporte, mais sans avoir encore un plan B. Il n’a offert qu’une vague promesse d’une stratégie de recrutemen­t en milieu rural.

La solution de rechange ne peut être que plus coûteuse et moins efficace. Plus coûteuse parce qu’il faudra offrir des primes très généreuses aux profession­nels de la santé afin qu’ils acceptent volontaire­ment de se rendre dans les régions qui ont le malheur d’être trop éloignées. Moins efficace parce que nos médecins sont de toute façon déjà bien rémunérés, ce qui signifie que plusieurs d’entre eux préféreron­t tout de même s’établir dans les grands centres.

Le système actuel n’est pas parfait. Les hôpitaux en région comptent bon nombre de postes vacants. Mais éliminer ledit système ne va pas améliorer les choses. Il va accentuer la pression sur les dirigeants qui peineront de plus en plus à recruter du personnel.

De toutes les décisions prises par le gouverneme­nt Higgs depuis son arrivée au pouvoir, il s’agit de loin celle qui a le potentiel d’être la plus néfaste pour les francophon­es et les Acadiens des régions rurales.

Il a privilégié les intérêts des médecins et ceux de quelques centres urbains au détriment de tous les autres Néo-Brunswicko­is. Les conséquenc­es vont se faire sentir longtemps dans nos hôpitaux et dans les salles d’attente des urgences.

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