TOUCHE PAS À MA BIBLIOTHÈQUE!
Le gouvernement du NouveauBrunswick a provoqué des craintes de coupes budgétaires dans les bibliothèques publiques, en lançant des consultations à propos de leur gestion en août. Durant les huit dernières années, les proportions des usagers de ces établissements et des personnes qu’ils servent ont baissé. La province investit déjà peu dans ces services, comparé à d’autres.
À quoi servent les bibliothèques publiques après la révolution d’Internet? «Au fil des siècles, les missions et les usages de la bibliothèque se sont enrichis sans que les nouveaux n’annulent les anciens, répond à cette question Erik Orsenna de l’Académie française, dans un rapport de 2018 à destination du président Emmanuel Macron. Les bibliothèques ne sont plus celles que vous croyez. Toujours patries du livre, elles ont grand ouvert leurs portes à la vie. Le numérique est passé par là, avec sa toile et ses surfs.»
Cette constatation vaut pour tous les pays occidentaux, dont le Nouveau-Brunswick. Les preuves sont multiples: présentation d’un opéra de Mozart dans l’établissement Mgr-W-J.-Conway d’Edmundston, prêt d’instruments de musique à la bibliothèque publique de Fredericton, club de lecture culinaire à celle de Moncton et, bien sûr, arrivée des ordinateurs et des connexions Wi-Fi dans tous les anciens temples du papier.
Ces évolutions n’ont toutefois pas évité une diminution de la proportion des NéoBrunswickois qui se rendent dans l’une des 63 bibliothèques de leur province. Ils étaient de 43% en 2011-2012, contre 34% en 2018-2019, selon le Service des bibliothèques publiques de la province. Le pourcentage qu’ils représentent tend toutefois à augmenter à nouveau depuis 2014-2015, d’après la même source.
Les proportions d’usagers de bibliothèques publiques parmi les populations totales du Québec (33% en 2017, selon l’Institut de la statistique du Québec) et de Nouvelle-Écosse (35% en 2016-2017, d’après un rapport annuel de cette province) sont du même ordre.
LES ORDINATEURS, FAIBLE ATTRAIT
Les ordinateurs ne semblent d’ailleurs pas constituer un argument valable pour attirer davantage d’usagers. Tandis que le nombre de postes informatiques a augmenté de 325 à 416 de 2010 à 2017, dans les bibliothèques du Nouveau-Brunswick, celui de leurs utilisations annuelles a baissé de 277 000 à 231 000. Le gouvernement semble l’avoir constaté. Il a en effet réduit leur nombre à 379 postes durant les deux années dernières.
Un élément peut expliquer, au moins en partie, la diminution du nombre d’usagers des bibliothèques publiques au Nouveau-Brunswick. La proportion de la population desservie par ces établissements a diminué entre 2010 et 2018, passant de 78% à 60%. À titre de comparaison, elle était de 96% au Québec, en 2017, et de 95% en Ontario, en 2018, selon ces provinces.
Le gouvernement tait encore ses intentions à propos du financement futur des bibliothèques publiques. Ses dernières annonces laissent néanmoins présager des coupes. «Trop longtemps on a dépensé de l’argent pour garder en vie des choses qui n’en valent pas la peine», a déclaré le vicepremier ministre Robert Gauvain, à la fin du mois de septembre, à propos d’éventuelles mesures d’austérité concernant toutes les dépenses gouvernementales.
DES BIBLIOTHÈQUES PEU FINANCÉES
Le budget que le Nouveau-Brunswick accorde à ses bibliothèques est déjà faible. Il est proche de 20$ par habitant, selon les rapports annuels de son Service des bibliothèques publiques. Celui de la NouvelleÉcosse est similaire, allant de 12 à 22$ par habitant en fonction de ses localités, d’après cette province. Toutefois, l’Institut de la statistique du Québec et le gouvernement de l’Ontario rapportent respectivement un budget de 53$ et 65$ par habitant pour les bibliothèques publiques.
La différence d’investissement entre le Québec et le Nouveau-Brunswick dans leur institution de prêts de livres se reflète notamment dans leur collection respective: Plus de 25 millions d’ouvrages imprimés pour la première (trois par habitant) et moins de deux millions pour la seconde (deux par habitant).
DES LIVRES PLUS CHERS EN FRANÇAIS
«Nos bibliothèques ont beaucoup de livres et sont très organisées, affirme pourtant la présidente de l’organisme sans but lucratif Lire et faire lire Acadie, Odette Albert. Elles font des envois à la maison et tout et tout.»
Le nombre de livres disponibles est un enjeu pour les francophones qui doivent acheter ces objets plus cher s’ils veulent les lire dans leur langue maternelle. Le prix moyen des ouvrages achetés par le Service des bibliothèques publiques du Nouveau-Brunswick est de 20$ pour ceux écrits en français contre 18$ pour ceux écrits en anglais.
La collection des livres en français reste stable depuis 2011 dans les bibliothèques de la province (environ 580 000). Encore fautil que les francophones les empruntent. Et puissent le faire facilement. - CT ■