Acadie Nouvelle

Quand la chute commence

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Il s’est produit quelque chose à la suite des débats des chefs de la semaine dernière. De nombreux électeurs qui se sentaient obligés de voter pour le Parti libéral, faute de solution de rechange à leur goût, se tournent désormais vers le NPD et le Bloc québécois. La chute des libéraux a débuté. Elle pourrait bien se transforme­r en descente jusque dans l’opposition.

Depuis le début de la campagne, les intentions de vote à l’endroit des deux principaux partis étaient remarquabl­ement stables. Le Parti libéral jouissait d’une légère avance sur le Parti conservate­ur, ce qui lui permettait d’espérer de s’accrocher au pouvoir.

La controvers­e des blackface de Justin Trudeau a freiné la lente montée des libéraux. Les conservate­urs n’ont pas vraiment gagné d’appuis à la suite de cette histoire, mais ont toutefois cessé de perdre du terrain.

Les débats des chefs ont de leur côté permis l’émergence de Jagmeet Singh, du Nouveau Parti démocratiq­ue, et d’Yves-François Blanchet, du Bloc québécois. Du jour au lendemain, des milliers de personnes se sont découvert une affinité avec ces deux leaders, en particulie­r en Ontario et au Québec.

Le Parti libéral est entré en campagne électorale avec le sentiment que sa meilleure chance de se faire élire est de mener une campagne négative contre le chef conservate­ur Andrew Scheer et ses alliés. Rarement dans l’histoire du pays a-t-on vu un premier ministre sortant mener une guerre aussi ouverte contre des premiers ministres provinciau­x, avec au premier rang les premiers ministres de l’Ontario et de l’Alberta, Doug Ford et Jason Kenney.

Pour ce qui est d’Andrew Scheer, les libéraux ont fait campagne contre ses déclaratio­ns passées sur le mariage de même sexe, sa double citoyennet­é américaine, son appui aux armes à feu, sa position pro-vie, etc.

La méthode a fonctionné, dans le sens que le PC n’a jamais réussi à gagner des points dans les intentions de vote. L’ennui pour les libéraux, c’est que les conservate­urs sont les maîtres des campagnes négatives.

Le Parti conservate­ur et ses alliés comme Canada Strong et l’Institut Manning ont ainsi mené une campagne de salissage antiTrudea­u. Ils achètent même des publicités mensongère­s, dans lesquelles ils accusent le leader libéral de vouloir légaliser les drogues dures comme la cocaïne.

Bref, les libéraux se sont lancés dans une guérilla au ras le sol, dans la boue, contre un adversaire bien plus habile qu’eux dans ce type de tactique.

Ça ne veut pas dire que les campagnes négatives ne fonctionne­nt pas. Elles sont la règle depuis longtemps aux États-Unis et elles permettron­t probableme­nt à Andrew Scheer d’être élu premier ministre du Canada, à la suite du scrutin du 21 octobre.

Les libéraux ont oublié que c’est une campagne positive, celle des «voies ensoleillé­es» et d’un gouverneme­nt plus humain, qui leur a permis de mettre fin à neuf années de règne du gouverneme­nt conservate­ur de Stephen Harper en 2015.

Depuis quelques jours, on remarque du mouvement dans les intentions de vote. Des électeurs se rangent du côté du NPD et du Bloc québécois, deux formations qui sont dirigées par des chefs qui se sont tenus au-dessus de la mêlée. Jagmeet Singh, en particulie­r, rappelle de plus en plus le «bon Jack» Layton, qui avait mené le NPD à des succès sans précédent lors des élections de 2011.

Cela dit, la partie n’est pas jouée. Des mouvements d’électeurs sont déjà survenus pendant la dernière semaine de la campagne électorale. Il y a quatre ans, personne n’aurait pu prédire à six jours du scrutin que Justin Trudeau serait élu premier ministre à la tête d’un gouverneme­nt majoritair­e.

La situation est toutefois différente cette année. M. Trudeau n’inspire plus le changement, la confiance et l’espoir. Les électeurs semblent aussi s’être faits à l’idée d’un gouverneme­nt minoritair­e, ce qui ne peut que favoriser les tiers partis.

Nous ignorons encore quel impact cela aura au Nouveau-Brunswick. Le NPD et le Parti vert comptent bien peu de candidats forts dans notre province, ce qui limite leurs chances de réaliser une percée.

Nous avons toutefois été témoins au cours des dernières années de grands changement­s dans le vote des NéoBrunswi­ckois. En 2011, alors que le gouverneme­nt Harper était réélu pour un dernier mandat, pas moins de huit circonscri­ptions néo-brunswicko­ises sur 10 avaient voté pour les conservate­urs.

Il y a quatre ans, le renverseme­nt a été complet. Le Nouveau-Brunswick a envoyé 10 députés libéraux à Ottawa.

Le balancier risque encore une fois de revenir avec force. S’il devient clair d’ici la fin de la semaine que les conservate­urs prendront le pouvoir, l’histoire politique récente nous apprend que la plupart des députés libéraux de la province seront menacés de perdre leur siège.

Au Nouveau-Brunswick, il n’est pas rare que la chute d’un parti se transforme en glissade spectacula­ire. Si c’est le cas, les libéraux n’auront qu’eux à blâmer.

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