Le Nobel d’économie récompense des experts de la lutte contre la pauvreté
L’Académie royale des sciences de Suède a choisi de récompenser les trois chercheurs pour leurs travaux sur les façons de réduire la pauvreté dans le monde, notamment en s’attardant à des enjeux tels que l’éducation et la santé des enfants. Cinq millions d’enfants meurent chaque année avant l’âge de cinq ans, souvent de maladies qui peuvent être prévenues ou guéries facilement et à faible coût. La moitié des enfants du monde quittent l’école sans connaissances de base en lecture et en mathématiques.
Le prix Nobel d’économie 2019 a été décerné lundi à un trio d’économistes pour leurs travaux novateurs sur la lutte contre la pauvreté.
Les trois lauréats vivent aux ÉtatsUnis. La Française Esther Duflo et l’Indien Abhijit Banerjee, qui sont mariés, enseignent tous deux au Massachusetts Institute of Technology (MIT), tandis que l’Américain Michael Kremer enseigne à l’Université Harvard. Les trois professeurs ont fréquemment travaillé ensemble.
Mme Duflo, âgée de 46 ans, est la plus jeune lauréate du prix Nobel d’économie et seulement la deuxième femme à le recevoir, après Elinor Ostrom en 2009.
Ils ont révolutionné l’économie du développement en menant des expériences inédites sur le terrain qui ont permis de mieux comprendre comment les personnes pauvres réagissent aux programmes d’éducation, de santé et autres destinés à les sortir de la pauvreté.
«Sans passer du temps à comprendre les subtilités de la vie des pauvres et pourquoi ils font les choix qu’ils font (...) il est impossible de concevoir la bonne approche», a expliqué Esther Duflo lundi lors d’une conférence de presse à Cambridge, au Massachusetts.
Leur travail dans les zones rurales du Kenya et de l’Inde, par exemple, a révélé que fournir plus de manuels scolaires, de repas à l’école et d’enseignants n’aidait pas beaucoup les élèves à apprendre davantage.
Ils ont cependant déterminé que rendre le programme scolaire plus pertinent pour les élèves, travailler en étroite collaboration avec les élèves les plus vulnérables et responsabiliser les enseignants - en leur attribuant par exemple des contrats à court terme était plus efficace dans les pays où, souvent, les enseignants ne se donnent pas la peine de se présenter au travail.
Quelque cinq millions d’enfants indiens bénéficient maintenant du programme de tutorat qu’ils ont mis sur pied, a indiqué l’Académie.
Dans le domaine de la santé, M. Kremer et d’autres chercheurs ont constaté que la gratuité des soins faisait une grande différence: seuls 18% des parents donnaient à leurs enfants des comprimés contre les infections parasitaires quand ils devaient les payer, comparativement à 75% lorsque c’était gratuit.
L’Organisation mondiale de la santé recommande maintenant que le médicament soit distribué gratuitement dans les zones où les taux d’infections parasitaires sont élevés.
M. Bannerjee, Mme Duflo et leurs collaborateurs ont aussi déterminé que les cliniques de vaccination mobiles en Inde augmentaient considérablement les taux de vaccination par rapport aux centres de santé traditionnels, qui se retrouvent souvent sans personnel.
Le taux de vaccination a augmenté encore davantage lorsque les parents recevaient un sac de légumineuses en prime lorsqu’ils faisaient vacciner leurs enfants.
En dépit des grands progrès réalisés, la pauvreté dans le monde reste un défi majeur, a noté l’Académie. Plus de 700 millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté.
Les trois lauréats recevront officiellement leur prix le 10 décembre lors d’une cérémonie à Stockholm.
Ils se partageront aussi une somme de 9 millions de couronnes suédoises (1,2 million $ CA). ■