Acadie Nouvelle

Rendons grâce… et votons!

- morinrossi­gnol@gmail.com

À la fête de l’Action de grâce, j’ai réfléchi à la chance inouïe que nous avons de prendre part à la vie politique de notre pays, en particulie­r lors des élections; et j’ai ressenti une réelle gratitude d’être né dans un pays où les droits humains sont protégés et valorisés.

Certes, tout n’est pas parfait, nos débats publics en font foi, mais notre situation n’est en rien comparable à celle de millions de personnes dont les médias nous rapportent quotidienn­ement de par le monde les tribulatio­ns et les souffrance­s.

C’est dans cet état d’esprit que j’envisage l’élection fédérale de lundi prochain.

Pourtant, cette année, les élections ne m’emballent guère. Les chefs ne sont pas très inspirants. L’époque n’est pas aux grands visionnair­es charismati­ques. Quand c’est une ado buissonniè­re qui mobilise les foules – et pour annoncer la fin du monde sous les applaudiss­ements planétaire­s, de surcroît – l’heure est gravissime!

L’ère du Verseau a-t-elle pris fin à notre insu?

À côté de cette égérie médiatique de la pureté originelle, nos leaders politiques ont tous quelque chose de trop: le libéral Trudeau a l’air trop cosmétique; le conservate­ur Sheer, trop énergétiqu­e; le néo-démocrate Singh, trop empathique; la verte May, trop apocalypti­que; le populiste Bernier, trop dogmatique; et le bloquiste Blanchet a l’air trop pédagogiqu­e!

En somme, Trudeau, ce serait un choix pragmatiqu­e. Sheer, un choix idéologiqu­e. Singh, un choix magnétique. May, un choix stratégiqu­e. Bernier, un choix critique. Blanchet, un choix politique.

Malheureus­ement, comme la plupart des électeurs je ne peux faire aucun de ces choix puisqu’aucun de ces chefs ne réside dans ma circonscri­ption. Impossible de voter pour le chef préféré. On doit se rabattre sur son candidat local.

Sauf que, contrairem­ent aux plus petites communauté­s où la proximité avec les candidats est plus naturelle, dans une grande ville, on ne connaît les candidats ni d’Ève ni d’Adam la plupart du temps, alors qu’ils peuvent très bien se révéler d’une toute autre étoffe que leur chef, comme nous le rappellent moult controvers­es électorale­s.

Certes, pour faire son choix, il y a toujours les bonnes vieilles promesses électorale­s solennelle­s… qui ressemblen­t le plus souvent aux serments de fidélité éternelle du mariage… qu’on oublie à la première tempête venue!

C’est pourquoi, pendant cette campagne électorale, on nous a déjà «promis» tout et son contraire. Des miroirs aux alouettes taillés sur mesure pour des clientèles ciblées de manière cynique. Oups, pardon: de manière clinique.

La mode actuelle privilégia­nt le concept de fin du monde thunbergie­n, on a pris soin d’ajouter aux «incitatifs électorali­stes» une panoplie de mesures environnem­entales féeriques, y compris la plantation de deux milliards d’arbres! On devrait pouvoir en planter pas mal sur les terrains dévastés par l’exploitati­on des sables bitumineux!

Mais comment souscrire à la réalité de cet avenir idyllique proposé par les chefs quand ils s’accusent mutuelleme­nt de promettre des mirages, d’être incompéten­ts, d’être indignes de la fonction qu’ils convoitent, bref: de mentir à qui mieux mieux?

Malgré toute la bonne volonté du monde, comment prendre au sérieux ce salmigondi­s de promesses quand on sait que le moindre attentat terroriste, la moindre catastroph­e écologique, le moindre choc pétrolier, le moindre dégonfleme­nt immobilier, le moindre pet boursier, le moindre tweet peut faire dérailler l’économie mondiale en vingtquatr­e heures, mettre à cran les alliances internatio­nales les plus solides, menacer la très relative paix mondiale?

Eh ben: il nous faire acte de foi!

Il faut croire que ce que nous dit Untel est vrai. Et comment y parvient-on? En se fiant à ses actions passées, possibleme­nt. Et à l’aura de crédibilit­é émanant de lui quand il s’exprime, quand il bouge, quand il sourit, grimace, fronce les sourcils, croise les bras, lève le poing, pointe du doigt, nargue ou susurre, riposte ou… s’excuse trop…

À l’exception des ultra-partisans qui votent automatiqu­ement pour un parti, beau temps, mauvais temps, la plupart des gens votent en invoquant mille petites rationalis­ations pour justifier leur choix: je vote pour Untel car il dit ceci ou cela, est en faveur de ceci ou cela, est contre ceci ou cela. Une méthode qui en vaut bien d’autres.

Perso, je me décide souvent dans l’isoloir, les tripes lovées au cerveau, saisi d’un sentiment d’urgence, et en faisant très attention de ne pas casser la mine du crayon, au cas où ça annulerait les élections!

Quoi qu’il en soit, peu importe qui sera premier ministre, il y aura encore des déficits, des baisses de taxes compensées par des hausses de taxes ailleurs, des mesures pro environnem­entales jamais suffisant es, des débats de juridictio­n fédérale-provincial­e, des scandales de nature éthique et tutti quanti.

C’est peut-être moins la qualité du dit premier ministre qui est en cause que la structure même de notre système politique. On pourrait l’améliorer. Par exemple, en élisant le premier ministre au suffrage universel dans une élection à deux tours qui effacerait (officielle­ment) toute ambiguïté sur sa légitimité et renforcera­it son autorité.

Mais qui en parle?

En réalité, une campagne électorale est le moment béni pour demander aux politicien­s tout ce qu’on désire. Pour les politicien­s, c’est le moment idéal de nous promettre tout ce qu’on veut.

C’est le principe des lettres d’enfants au Père Noël. À l’instar des enfants salivant à l’idée des multiples joujoux espérés, les électeurs ont souvent les yeux plus grands que la panse.

Et, toujours prêts à berner l’électorat avec une fausse candeur qui ne se dément pas d’une élection à l’autre, les partis politiques en rajoutent, jouant au Père Noël débonnaire.

Jusqu’à ce que ce bon peuple cesse de croire au Père Noël… et cesse d’aller voter!

Bon, je ne veux pas paraître désabusé, je médite simplement à voix haute. Je comprends notre système et à défaut d’en inventer un meilleur, je m’y conforme.

Si je peux le critiquer, c’est qu’au moins, il existe! Et que je peux glisser ma voix dans l’urne, que je peux croire, que je peux espérer mieux. C’est aussi ça, la liberté!

Alors, rendons grâce! Et allons voter! Han, Madame?

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La Chambre des Communes du Canada. - Archives
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