LE GRAND DÉFI DU CINÉMA EN FRANÇAIS À MONCTON
Le succès récent du Lundi franco au Cinéplex était-il un feu de paille ou existe-t-il un réel intérêt pour le cinéma de langue française dans la région de Moncton? La direction de l’entreprise de divertissement, qui compte une quinzaine d’écrans à Moncton et à Dieppe, envisage diverses possibilités pour répondre à la demande des francophones, sans toutefois rien promettre.
Si le projet de cinéma indépendant est maintenant mort, il reste qu’il y a toujours une demande pour des films de langue française, soutient Donald Langis, porteparole du comité appelé à se dissoudre. À son avis, le projet de cinéma indépendant était viable. Face à l’impossibilité d’obtenir du financement, les promoteurs ont dû mettre un terme à leurs aspirations.
«On avait fait une demande à la Société d’aménagement régional. Tout semblait marcher très bien, mais la demande a été refusée», a partagé M. Langis.
Celui qui a travaillé à ce projet pendant plusieurs années demeure convaincu qu’il y a de la place pour du cinéma français à Moncton. Il faut juste bâtir l’auditoire.
«On avait constaté qu’il y avait une réelle demande. On s’était dit que si la demande n’était pas assez forte pour le cinéma francophone, qu’on irait chercher un film anglais à l’occasion, mais c’était surtout pour avoir des films français. Dans ma tête, le projet est viable.»
À l’exception de la tenue annuelle du FICFA (Festival international du cinéma francophone en Acadie), les cinéphiles du Grand Moncton ne sont pas tellement choyés en matière de cinéma francophone. Selon M. Langis, Cinéplex ne remplit pas son mandat et n’offre pas suffisamment de films français à Moncton. Pourquoi ne pas consacrer une de ses salles au cinéma francophone? Donald Langis mentionne aussi le manque de publicité et de promotion autour des films français à l’affiche du cinéma.
«Si tu veux avoir un film qui est rentable, il faut avoir un film dont la promotion se fait à la télévision. Ils l’annoncent pas. Pour savoir s’il y a un film français, il faut aller sur Internet et dans l’Acadie Nouvelle.»
La semaine dernière, le film La femme de mon frère de Monia Chokri, à l’affiche des Lundis Francos au Cinéplex de Dieppe, a fait courir les foules. La direction du cinéma a même ajouté des séances de projection les mercredis et jeudis. De passage récemment à Dieppe, le vice-président du Cinéplex pour l’est du Canada, Daniel Séguin, se réjouit d’un tel succès, mais à son avis, cela n’a pas toujours été le cas avec les Lundis francos. Il y a eu des hauts et des bas, soutient-il tout en rappelant que tout est une question d’offre et de demande.
«Nous avons des obligations des fois avec des studios pour certains films et on ne peut pas nécessairement libérer des écrans pour quelques représentations. Nonobstant tout ça, il y a définitivement une opportunité qu’il faut regarder. On est en conversation avec le département de programmation pour voir s’il y a des opportunités qu’on peut regarder en allant de l’avant.»
UN ÉCRAN POUR LE CINÉMA FRANCOPHONE?
Les deux Cinéplex, à Dieppe et à Moncton, comptent une quinzaine d’écrans. À savoir si un de ces écrans pourrait éventuellement être dédié au produit francophone ou encore au cinéma d’auteur, le vice-président demeure prudent. Il précise qu’il doit respecter les ententes et les relations d’affaires qu’ils ont développées avec les distributeurs.
«Au niveau de la distribution, quand quelqu’un veut avoir une salle, il veut l’avoir à 100%. Si on prend une salle ici et qu’on décide d’avoir quatre ou cinq films différents dans la même salle, c’est là que ça devient compliqué avec les distributeurs parce qu’ils veulent avoir la fenêtre à 100% dans la même salle.»
Par le passé, il est arrivé que l’entreprise programme un film français dans une salle pour quelques semaines. D’après M. Séguin, les résultats n’ont pas été concluants sur le plan financier.
«Je ne dis pas que la population n’est pas intéressée, mais un film français sur deux semaines, il y aurait peut-être eu un autre film qui aurait pu prendre sa place», a relevé le vice-président rappelant que l’entreprise cherche à rentabiliser ses installations.
Or Daniel Séguin dit avoir compris le message des cinéphiles du Grand Moncton et il se dit disposé à étudier diverses options, dont la possibilité de réserver un écran pour des produits différents, un peu comme il se fait dans d’autres marchés canadiens desservis par Cinéplex. Par exemple, Halifax dispose d’un écran appelé événementiel. Cette salle pourrait offrir une programmation diversifiée telle que des films de langue française, du cinéma d’auteur, des événements spéciaux et ainsi de suite.
«Ça peut être de l’opéra, du cinéma d’auteur, des films français. Je pense qu’il y a une opportunité de regarder ça et de voir comment on peut l’intégrer ici dans la région.»
Tout en étant conscient que le lundi n’est peut-être pas la soirée idéale pour les cinéphiles, il souligne qu’il est beaucoup plus facile de libérer un écran cette journée. «Pour le moment, ça va rester le lundi. Par contre, comme pour le film Menteur (le prochain à l’affiche des Lundis francos), il faut s’attendre qu’il y aura une demande et être capable de s’ajuster pour le reste de la semaine.»
Il reconnaît qu’il faut que l’entreprise revoie la mise en marché des Lundis francos. Les affiches de films français se font plutôt discrètes au Cinéplex. D’ailleurs, Daniel Séguin admet qu’il a lui-même cherché un peu les affiches en entrant au cinéma.
Menteur d’Émile Gaudreault sera à l’affiche des Lundis francos le 4 novembre, tandis que Matthias et Maxime de Xavier Dolan sera présenté le 2 décembre. ■