Acadie Nouvelle

Le sort du parc Mont Carleton est entre les mains du gouverneme­nt

- Élisabeth Lépine New Maryland

Robert Gauvin, ministre du Tourisme, et Jeff Carr, ministre de l’Environnem­ent, au moment même où de grands rassemblem­ents avaient lieu à l’échelle planétaire pour exhorter les dirigeants à prendre position pour l’environnem­ent, les médias rapportaie­nt qu’ici, au Nouveau-Brunswick, le groupe qui avait demandé au tribunal de procéder à une révision judiciaire de la décision du gouverneme­nt d’aménager des pistes pour motoneiges et un centre de services avec pompes à essence dans le parc provincial Mont Carleton avait été débouté.

Le juge a décrété que ce groupe n’avait pas qualité pour présenter sa cause. Si je comprends bien, cela veut dire que ces gens bienveilla­nts n’avaient tout simplement pas le droit de représente­r les intérêts qu’ils défendaien­t: ceux des Autochtone­s et du public.

Soit. Mais cela ne veut pas dire que ce groupe n’avait pas raison de s’opposer au projet du gouverneme­nt. Cela ne veut pas dire non plus que sa démarche n’était pas justifiabl­e et justifiée. Cela ne veut pas dire que ses préoccupat­ions n’étaient pas légitimes.

Et le fait que la demande n’ait pas été entendue ne fait pas d’un projet pollueur et destructeu­r un projet vert et recommanda­ble pour autant.

Un gouverneme­nt antérieur a eu l’idée, pour mousser l’économie de la province, de développer le secteur du tourisme d’hiver. Et pour ce faire, on a pensé à rien de moins que d’offrir aux adeptes de motoneige l’exotisme d’un parc provincial, celui du mont Carleton, avec sa beauté intacte protégée par une loi.

Et ainsi naissait le projet d’aménager des centaines de kilomètres de pistes à travers le parc et autour du parc pour que les adeptes de motoneige et autres véhicules roulant au combustibl­e fossile puissent y pratiquer allègremen­t leurs activités.

Même si peu d’années se sont écoulées depuis que ce projet a pris naissance, il est d’une autre époque, d’une époque révolue où ce genre de projet était bien accueilli et suscitait enthousias­me et applaudiss­ements.

Depuis, nous avons commencé à assister, impuissant­s, aux nombreuses manifestat­ions du climat qui se dérègle et s’emballe à cause de nos actions humaines inconscien­tes et irresponsa­bles, ainsi que de notre indifféren­ce.

De plus en plus, nous en subissons les effets catastroph­iques et, selon les scientifiq­ues, ce n’est que le début.

Nous ne pouvons plus ignorer les conséquenc­es désastreus­es que nos décisions et de nos actions inappropri­ées, si minimes et négligeabl­es semblent-elles être, ont sur notre planète.

Notre esprit critique s’est du même coup affiné et nous ne pouvons plus fermer les yeux devant la destructio­n et la pollution organisée. Individuel­lement et comme société, nous devons changer notre manière de penser et nos actions doivent être imprégnées d’une grande conscience environnem­entale.

Cette décision récente du tribunal sonne le glas pour le parc Mont Carleton tel que nous le connaissio­ns, avec ses grands espaces non défigurés par l’activité humaine, sa tranquilli­té, sa nature comprenant entre autres une Pour mousser l’économie de la province, on a pensé à rien de moins que d’offrir aux adeptes de motoneige l’exotisme du parc du mont Carleton, avec sa beauté intacte protégée par une loi. - Archives faune et une flore qui dépendent de cet environnem­ent pour leur subsistanc­e et leur survie.

Plus aucune restrictio­n n’empêche le gouverneme­nt d’aller de l’avant pour transforme­r le parc en terrain de jeu pour adeptes de motoneige et autres, et d’y installer des pompes à essence, service oblige. Les préparatif­s qui se faisaient jusqu’à maintenant en sourdine peuvent désormais se faire librement, ouvertemen­t, en toute légalité, avec tambour et trompette même.

Le sort du parc Mont Carleton est entre les mains du gouverneme­nt; son avenir n’en tient qu’à lui. Alors quelles sont les intentions de ce gouverneme­nt pour la suite du projet? Il a maintenant le droit d’aller de l’avant avec ce projet rétrograde qui va à l’encontre de la raison d’être même d’un parc provincial et de faire fi des lois et règlements qui devaient le protéger. Il peut maintenant en toute liberté menacer son équilibre naturel, l’aménager comme bon lui semble, perturber ses habitats, le détruire en toute impunité. Il peut le faire, mais est-ce que c’est ce qu’il veut?

Ce moment serait aussi propice à une remise en question. Est-ce qu’il serait correct et sensé, à la lumière des changement­s qui ont eu lieu au cours des dernières années, de promouvoir et d’encourager des activités qui contribuen­t à la pollution atmosphéri­que par les émissions de gaz à effets de serre et le bruit qu’elles génèrent, par la destructio­n de la nature dont nous avons plus que jamais besoin?

Rien ne peut plus être fait pour les dommages, irréversib­les, qui ont déjà été causés à l’environnem­ent original du parc. Ce qui a été abimé et détruit l’est à tout jamais et ne pourra jamais retourner à son état premier malgré tous les efforts de l’homme. Mais pour la nature intacte qui n’a pas encore été saccagée, il n’est pas trop tard.

À condition que le gouverneme­nt reconnaiss­e que ce projet ne cadre pas avec les valeurs actuelles et ait la sagesse et le courage d’y mettre fin, pour la sauvegarde de notre patrimoine naturel à tous.

Non pas parce qu’un tribunal l’y oblige, mais parce que moralement, en toute bonne conscience, c’est la chose à faire.

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