Fermeture des frontières: des communautés inquiètes
La fermeture des frontières entre le Nouveau-Brunswick et les autres provinces canadiennes inquiète certaines communautés frontalières.
C’est le cas au Restigouche où les municipalités de Campbellton et de Pointe-à-laCroix ne sont séparées que par un pont.
«Ce sont nos frères et soeurs qui sont de l’autre côté de la rivière. Ils font partie de notre grande famille», souligne à grands traits la mairesse de Campbellton, Stéphanie Anglehart-Paulin, en parlant des communautés d’Avignon-Ouest en Gaspésie, et particulièrement de la municipalité de Pointe-à-la-Croix et de la Première nation autochtone de Listuguj.
«On compte les uns sur les autres pour notre économie. Une fermeture aura assurément un impact, mais si c’est ce qu’il faut pour empêcher la propagation du virus, on doit malheureusement le faire. Notre population est composée à 60% et plus de personnes âgées, on veut donc tenir la pandémie le plus loin d’ici le plus longtemps possible», ajoute la mairesse qui accepte du coup cette mesure extrême par dépit.
Déjà depuis mardi en fin de journée, la province avait annoncé que toutes personnes arrivant au Nouveau-Brunswick en provenance d’une autre province devaient s’isoler durant une période de 14 jours, exception faite toutefois des travailleurs essentiels à la circulation des biens et des personnes et des travailleurs en santé (d’un bord ou de l’autre).
Selon le Réseau de santé Vitalité, les nouvelles restrictions frontalières annoncées ne devraient pas affecter son offre de service.
Mercredi, les équipes de la Sécurité publique étaient sur place à Campbellton afin d’intercepter les voyageurs en provenance de Pointe-à-la-Croix. Plusieurs véhicules faisaient alors la file. «Et c’était bien pire plus tôt», confie l’un des agents.
Aux automobilistes, les agents posent une série de questions. La destination et la raison du voyage (au Nouveau-Brunswick), si lui ou un proche a été en contact avec quelqu’un de malade récemment. On prend également en notes ses coordonnées (résidentielles et téléphoniques) et lui rappelle qu’il doit se mettre en quarantaine volontaire pour 14 jours. Un laissez-passer d’urgence est également remis aux travailleurs québécois afin d’accélérer leur mobilité.
Le fait que l’économie est en pause forcée aide certes la mairesse à avaler la pilule de ces restrictions. Mais ce qui la rassure surtout, c’est que les travailleurs du secteur de la santé pourront néanmoins franchir le pont interprovincial J.C. Van Horne sans trop de difficultés.
«C’était notre préoccupation majeure, car plusieurs des employés de notre hôpital demeurent en Gaspésie. Et avec la crise qui s’en vient, on n’aurait pas voulu voir ces gens être interdits d’entrer chez nous pour travailler. Ça aurait créé tout un problème», explique-t-elle.
D’autres catégories de travailleurs peuvent également franchir la frontière, de même que les gens ayant des rendez-vous médicaux et qui doivent renouveler des prescriptions médicales.
«Car même s’ils ont une pharmacie à Pointe-à-la-Croix, on ne va pas demander aux gens de tout changer leurs prescriptions d’endroits. Le but, c’est vraiment de limiter les déplacements non nécessaires. On ne pourra donc pas prendre une drive du Québec pour un café, ça, c’est terminé. Ce n’est plus le moment non plus d’aller de l’autre côté pour aller se chercher de la bière», lance la mairesse.
À Pointe-à-la-Croix, on dit comprendre la mesure mise en place par la province voisine. Par contre, on ne se sent pas rassuré pour autant.
«Ce que j’espère, c’est qu’on va faire preuve de bon sens et de souplesse. Les propriétaires de notre pharmacie et de notre supermarché proviennent du Nouveau-Brunswick, et plusieurs de leurs employés également. On comprend qu’il faut limiter les risques, mais il ne faudrait pas que cette directive en vienne à nuire à nos propres services essentiels», explique le maire de l’endroit, Pascal Bujold.
Celui-ci demeure néanmoins optimiste que des pistes de solutions seront rapidement trouvées afin d’assurer une mobilité raisonnable entre les deux provinces.
«Notre municipalité est en contact permanent avec celle de Campbellton. Mais on comprend très bien la situation. Le virus est à notre porte dans la Baie des Chaleurs, tant du côté gaspésien que du Restigouche. On ne peut pas en vouloir au Nouveau-Brunswick de vouloir gagner du temps, de retarder au maximum l’arrivée et la propagation du virus. On veut, nous aussi, le bien de tout le monde», souligne-t-il.
Par le biais d’un communiqué de presse, le chef du conseil de bande de Listuguj a pour sa part émis des inquiétudes face à la mesure prise par le gouvernement Higgs, notant qu’elle aurait un impact négatif certain sur ses citoyens qui dépendent beaucoup de l’accès à la nourriture et aux services situés au Nouveau-Brunswick.
RÉSISTANCE
Outre le problème de la frontière, la mairesse de Campbellton soutient avoir de la difficulté à faire respecter les consignes d’isolement auprès des plus jeunes de la communauté et des environs.
«On me rapporte qu’il y a encore des rassemblements ici et là, des jeunes qui flâneraient en groupes et ça me choque beaucoup d’entendre ça. Ce n’est vraiment pas le moment de désobéir à une consigne aussi importante que celle de s’isoler momentanément les uns des autres», mentionne Mme Anglehart-Paulin. ■