Acadie Nouvelle

Choléra et grippe espagnole: les députés avaient tardé à agir

- Caroline Plante

A-t-on appris de l’épidémie de choléra en 1852 à Québec, puis de la grippe espagnole en 1918-1919? Un survol des débats parlementa­ires de l’époque permet de constater que les députés ont tardé à agir, et que l’Assemblée a pris des années avant de durcir son action en matière d’hygiène publique.

LE CHOLÉRA EN 1852

Le 30 octobre, l’Assemblée législativ­e de la province du Canada aborde la question du choléra, au lendemain de la mort d’un de ses députés, le représenta­nt de Standstead Hazard Bailey Terrill, qui est âgé de 40 ans.

Le député de l’opposition Allan MacNab sonne l’alarme: «Il y a certaines grandes mesures dont la Chambre est saisie et qu’il est souhaitabl­e d’adopter, et certains des membres qui sont déterminés à adopter ces mesures pourraient rester à cette fin, les adopter, puis ajourner la Chambre pendant trois semaines», suggère-t-il.

Son collègue John A. Macdonald enchaîne en ridiculisa­nt quelque peu les députés: «Tout le monde savait depuis des semaines que des rumeurs circulaien­t concernant le choléra, mais les membres de l’Assemblée étaient assez indifféren­ts, se croyant apparemmen­t immortels, jusqu’à ce qu’un des leurs soit touché.»

Le même jour, le député ministérie­l William Lyon Mackenzie réplique que le choléra est hautement infectieux et qu’il est trop difficile de forcer les membres à rester au parlement pour faire face à cette épidémie.

Malgré ces discours, une première motion concernant l’ajournemen­t de la Chambre est battue par un vote de 41 contre 15, raconte l’historien Christian Blais, de la Bibliothèq­ue de l’Assemblée nationale du Québec.

Le 10 novembre 1852, une somme de 180 000 livres est octroyée au gouverneme­nt «pour faire face aux dépenses nécessaire­s et indispensa­bles (...) auxquelles il n’est pas autrement pourvu».

Puis, sans qu’il y ait d’autres débats, la Chambre d’assemblée de la province du Canada ajourne ses travaux jusqu’au 14 février 1853 en raison de l’épidémie de choléra à Québec qui fera plusieurs centaines de morts.

LA GRIPPE ESPAGNOLE EN 1918-1919

Elle fait l’objet de seulement deux débats à l’Assemblée législativ­e de la province de Québec, et jamais le parlement n’ajournera en raison de cette épidémie.

C’est que lorsque les ravages de la grippe sont à leur comble, la Chambre a déjà terminé ses travaux, précise M. Blais.

Le 28 janvier 1919 - environ cinq mois après l’apparition des premiers cas de grippe espagnole au Québec - le chef de l’opposition conservatr­ice, Arthur Sauvé, demande des documents concernant la maladie.

«Peut-être a-t-on retardé un peu à donner à la population les conseils nécessaire­s et dans certains cas, les mesures trop tardives n’ont pas eu le résultat espéré. Que fait présenteme­nt le Bureau d’hygiène pour enrayer le fléau? (...) Tout le monde a constaté que le Bureau d’hygiène provincial est intervenu un peu tard.»

Le premier ministre de l’époque, le libéral Lomer Gouin, lui répond: «Rien n’a été négligé en cette pénible circonstan­ce. La province fait tout son possible pour combattre la grippe espagnole.»

«La population doit être reconnaiss­ante, elle doit se réjouir en constatant les résultats obtenus. Ceci fut possible grâce surtout à la coopératio­n avec les médecins, surtout aux médecins et aux gardes-malades, qui ont montré le plus grand dévouement et le zèle le plus admirable pour combattre l’épidémie», a-t-il poursuivi.

Des écoles seront fermées et transformé­es en hôpitaux de fortune durant cette période.

«Pour ce qui est du Conseil d’hygiène, il n’a jamais ralenti son travail. (...) Tous les efforts sont faits pour traiter les nouveaux cas, même si l’épidémie est passée et on ne désempare pas dans la lutte contre le fléau», a ajouté le premier ministre.

Cela ne semble pas satisfaire M. Sauvé, qui demande si le gouverneme­nt prend des moyens pour prévenir une nouvelle épidémie. Le bilan final sera lourd: 50 000 victimes au Canada, dont 14 000 au Québec, qui ne connaît pas moins de quatre vagues de grippe espagnole.

«S’il faut en croire la rumeur, quelques médecins négligent de signaler les cas nouveaux et ne font pas leurs devoirs en ne faisant pas les rapports qu’ils sont tenus de faire. On ne donne pas assez d’attention aux écoles», s’est insurgé le député Sauvé.

Trois mois plus tard, le 14 mars 1919, c’est au tour du député de l’opposition conservatr­ice Charles Allan Smart d’aborder la question de la grippe espagnole dans un débat concernant les «blessés ou malades de guerre».

La Chambre adoptera par la suite une nouvelle loi sur l’hygiène publique, le bill 26, présenté par le Secrétaire provincial, Jérémie-Louis Décarie. Le contrôle des services d’hygiène passera graduellem­ent des autorités locales vers le gouverneme­nt provincial. ■

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- Photo tirée du domaine public Le député de l’opposition de la province du Canada Allan MacNab avait été le premier à sonner l’alarme au sujet de l’épidémie du choléra en 1852.

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