Acadie Nouvelle

Des aînés debout face au coronaviru­s

- Cedric.thevenin@acadienouv­elle.com

Cecil D. Long, de Moncton, a fait la guerre du Vietnam. Le septuagéna­ire détient aussi le grade de ceinture noire dans deux arts martiaux, qu’il pratique toujours. Alors, quand on le voit hurler en assénant un coup de sabre, on se prend à penser que le vieil homme mettra le virus en quarantain­e et non l’inverse.

«Je me sens très bien, clame le vétéran à propos de son état durant la pandémie de COVID-19. Mes amis me manquent, mais je garde contact avec eux grâce au téléphone cellulaire et aux courriels.»

Il se réjouit aussi de se sentir entouré de ses enfants et d’une femme qu’il aime.

«C’est la façon la plus efficace de sourire, s’émerveille le pétillant aîné. Être écouté par un bon ami est à peu près aussi efficace que de consulter un psychologu­e.»

Toutes les personnes âgées n’ont pas sa chance.

«L’isolement social constitue un phénomène répandu qui exerce une incidence considérab­le sur de nombreux aspects de la vie des personnes âgées», a constaté le Conseil national des aînés dans un rapport de 2014.

L’organisme a observé que 44% des Canadiens âgés de 65 ans et plus, qui vivaient en établissem­ent, présentaie­nt un diagnostic ou des symptômes de dépression.

S’OCCUPER

M. Long, en tout cas, ne se laisse pas envahir par le désespoir. Sculpture, lecture... celui qui est également artiste trouve des façons de s’occuper.

«Nous pouvons tirer partie de la situation en faisant tout ce que nous n’avions pas le temps faire avant», souligne-t-il.

Il relève aussi la possibilit­é de se reposer.

M. Long acquiesce au fait qu’il tire avantage de ses expérience­s de vie pour faire face aux conséquenc­es de la catastroph­e sanitaire.

«Les arts martiaux m’ont enseigné la respiratio­n, c’est-à-dire une façon de contrôler ma colère, ma peur et ma force», revendique-t-il.

Pour se calmer, le sportif inspire avec le bas du ventre, soit la zone située deux pouces sous son nombril, à travers un espace aménagé par le bout de sa langue sous son palais. Puis il expire en utilisant à nouveau ses muscles abdominaux.

En restant pudique, il enseigne également ce qu’il a appris pendant son année de combats dans la jungle, qui ont emporté une partie de son bassin et peut-être de sa tranquilli­té.

«J’ai compris que pour changer le monde, il fallait d’abord que je me regarde dans le miroir», confie-t-il.

TRANSMETTR­E LA JOIE

Il insiste à ce propos sur les efforts que chacun doit investir aujourd’hui dans la lutte contre la transmissi­on de la COVID-19: s’isoler, se laver les mains, porter attention à ses proches et contaminer les autres… avec de la joie.

«Le coronaviru­s, c’est comme la guerre du Vietnam, contre un ennemi invisible», lâche-t-il.

L’ancien professeur de psychologi­e de l’U de M, Clément Loubert est d’accord avec cette comparaiso­n.

Pour supporter son confinemen­t dans le Faubourg du Mascaret, à Moncton, celui qui sera bientôt octogénair­e réfléchit à la situation mondiale. Mais pas seulement.

«Je n’ai pas pris le temps d’étudier les conséquenc­es de mon comporteme­nt durant ma carrière, confesse-t-il. C’est intéressan­t de s’interroger. Est-ce que j’ai manqué à mes enfants quand je travaillai­s le soir? Comment puis-je avoir une relation épanouissa­nte avec la femme que je côtoie depuis 54 ans?»

MÉDITER

L’homme assure aussi pratiquer une foule d’activités. Il apprécie la marche. Il prépare aussi la réouvertur­e du cinéma de sa résidence, en réfléchiss­ant à sa future programmat­ion et en écrivant les résumés des films qu’il prévoit de mettre à l’affiche…

L’impossibil­ité pour ses proches de le rencontrer en chair et en os ne l’ennuie pas.

«Leurs visites sont juste suspendues, relativise-t-il. En attendant, nous utilisons Skype, les réseaux sociaux, le téléphone, les courriels, par lesquels nous communiqui­ons auparavant de toute façon.»

Le psychologu­e à la retraite explique en revanche que les personnes âgées sont particuliè­rement susceptibl­es d’être anxieuses durant l’épidémie de COVID-19.

«Elles subissent une altération de leur santé physique et mentale qui rend leur vie imprévisib­le. C’est pourquoi les routines sont importante­s pour elles, rappelle-t-il. Or, les circonstan­ces inattendue­s actuelles les désorganis­ent.»

Il nuance toutefois son exposé, en constatant le niveau modéré de stress dans sa résidence grâce aux nombreuses activités possibles.

Une de ses voisines a même refusé de répondre aux questions de l’Acadie Nouvelle… car elle était trop occupée. ■

«Le monde ralentit, observe-t-il. C’est positif, d’une certaine façon. Nous nous pressons tellement d’habitude que nous ne voyons pas ce qui se trouve en face de nous.»

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Cecil D. Long pratique le Haïdong Gumdo, l’art du sabre coréen. - Gracieuset­é: Youngeon Kil
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