Décès d’un héros de guerre et pionnier de la construction navale
Louis-Philippe Friolet a été un héros. D’abord de guerre, alors qu’il a pris part au deuxième conflit mondial et que sa contribution, tout comme celle des troupes canadiennes et alliées, a débouché à la libération de l’Italie du joug de Mussolini, en 1943. Ensuite chez lui, à Bas-Caraquet, où il a été un des pionniers de la construction navale.
Avec son décès en début de semaine à l’âge de 97 ans disparaît le dernier ancien combattant de 1939-1945 du village.
Mais en ces temps de pandémie, la famille n’a pas pu honorer comme il se doit la vie exceptionnelle et l’oeuvre de cet homme très discret sur ses exploits sur les champs de bataille en Europe.
Durant la Seconde Guerre mondiale, M. Friolet a combattu en Italie dans la Première brigade des services spéciaux, une unité d’élite de forces spéciales américano-canadiennes au sein de l’armée de terre des États-Unis spécialisée dans le combat en montagne, surnommée la «brigade du Diable» (Devil’s Brigade).
À travers des affrontements parfois très violents dans un territoire montagneux, le soldat maintes fois décoré a vécu des choses horribles dont il ne voulait pas parler, affirme l’un de ses fils Claude.
«Mon père a été marqué par la guerre. Il a été blessé d’un éclat de grenade à une main et au visage. Il en a gardé des séquelles. Il a vu de nombreux amis mourir autour de lui.»
SOUVENIRS D’UN VÉTÉRAN
Trois anecdotes méritent d’être racontées ici. La première fois, après plusieurs mois sans avoir mangé de viande, M. Friolet et sa troupe ont trouvé assez de légumes pour cuisiner un ragoût qu’ils ont partagé avec leur capitaine.
Il y avait de la viande dans le plat et le capitaine trouvait ça bon. Quand il a demandé d’où venait la viande, mon père lui a dit que ça venait d’un chien. Le capitaine avait un berger allemand et il a été servi en ragoût.
La deuxième survient dans un vignoble en Italie, où les soldats étaient allés en permission. M. Friolet a ouvert en cachette une fenêtre de la cave à vin et en a rapporté une caisse pleine à ses compagnons pour leur payer la traite.
La troisième relate son engagement dans les forces, une histoire que la famille a découverte lors de récentes recherches.
Quand l’armée est venue à Bas-Caraquet en juin 1941 enrôler les hommes âgés de 19 ans et plus, elle a dû refuser un ami de LouisPhilippe qui s’était coupé volontairement des orteils alors que d’autres se sont sauvés de la conscription en se cachant dans la forêt. Mais M. Friolet a fait face à son devoir, mentant même sur son âge en affirmant qu’il avait 19 ans alors qu’il n’en avait que 18. Il a ensuite porté l’uniforme du Royal 22e Régiment, à Québec. Il n’a pas pu joindre le North Shore Regiment, parce qu’il ne parlait pas anglais, raconte Claude.
«Il ne nous a raconté que le côté positif de la guerre. Il ne nous a jamais parlé de sa laideur. Mon père a pris part à la bataille de la Sicile. Tout le monde a parlé du débarquement de Normandie comme un événement qui a changé la guerre, mais la Sicile a été aussi importante aux yeux des historiens», confesse son fils.
Après sa démobilisation de l’armée, en 1945, Louis-Philippe Friolet a travaillé plusieurs années dans la construction navale, avec son frère Gérard et leurs cousins Albert, Wilfred et Léo Paulin. De leurs mains sont parties en mer plusieurs goélettes et frégates. Le groupe s’est même exilé en Gaspésie pendant trois ans pour aider les gens du coin à bâtir leurs navires de pêche.
L’historien Philippe Basque a d’ailleurs consacré un long chapitre à la vie et l’oeuvre de M. Friolet dans une revue de la Société historique Nicholas-Denys, en octobre 2018. ■