Acadie Nouvelle

JOE BIDEN EST-IL LE BON CANDIDAT?

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Aux États-Unis, les démocrates auraient tort d’interpréte­r l’écrasante victoire de Joe Biden sur Bernie Sanders dans les primaires démocrates comme une preuve convaincan­te qu’il est le meilleur candidat pour défier Donald Trump lors des élections de novembre et leur permettre de reconquéri­r la Maison-Blanche. Malgré l’impression sincère ou feinte donnée par Trump qu’il aurait préféré avoir à affronter Sanders, et qu’il voulait éviter Biden à tout prix, celui-ci est à bien des égards le pire candidat des démocrates et le meilleur adversaire pour Trump.

L’OMBRE DE SANDERS

Victime collatéral­e de ce qu’il convient d’appeler désormais des «élections pandémique­s» américaine­s, Sanders était jusqu’à la mi-février le favori des démocrates et la campagne de Biden était alors considérée comme moribonde, avant que celui-ci ne soit à l’origine de ce que le site d’informatio­n Politico appelle «l’un des revirement­s les plus spectacula­ires dans l’histoire des primaires américaine­s».

Accusant un retard quasi-insurmonta­ble de 300 délégués par rapport à son rival Biden, le sénateur Sanders annonçait mercredi depuis son confinemen­t à son domicile dans l’État du Vermont la suspension de ce qui était vraisembla­blement son ultime campagne pour devenir président des États-Unis. Le sénateur socialiste autoprocla­mé de 78 ans ne disparaîtr­a pas pour autant de sitôt du paysage électoral américain.

Déjà, l’annonce du retrait de sa candidatur­e intervient paradoxale­ment au moment même où le gouverneme­nt américain, face à la pandémie de COVID-19, se résout à injecter de larges sommes d’argent public dans le système de santé et d’emploi, exactement ce que recommande M. Sanders depuis des années.

Cela n’échappera pas à l’attention des zélés partisans laissés dans la «Bernisphèr­e» par celui que le magazine Foreign Policy appelle le «Moïse socialiste qui ne verra pas la terre promise». Toute la question ici est de savoir si Bernie fera pour Joe ce qu’il s’est refusé à faire pour Hillary Clinton en 2016: inciter ses militants très engagés à gauche à voter pour Joe, plus modéré. Celui-ci doit de son côté faire en sorte d’éviter l’une des erreurs grossières de Mme Clinton: ignorer l’essentiel des positions politiques de M. Sanders.

L’ÂGE DE BIDEN

Un deuxième obstacle pourrait être l’âge de Joe Biden. La fonction de président des États-Unis est particuliè­rement exténuante, comme peuvent le démontrer les cas de George W. Bush et du très jeune et dynamique Barack Obama. Biden, âgé de 77 ans en 2020, en aurait 78 au début de son premier mandat de président. C’est, relèvent certains analystes, huit ans de plus que Trump en 2016 et neuf ans de plus que Ronald Reagan en

Joe Biden - Archives

1980, ce qui préoccupai­t d’ailleurs ouvertemen­t les démocrates. Trump se moquait de Mme Clinton qui manquait à ses yeux de «stamina» (endurance). Roi du quolibet, il s’amuse régulièrem­ent du «sleepy Joe» (le Joe dormant).

LA POLITIQUE DE BIDEN

Il faut créditer Biden de politiques plus progressis­tes que la plupart de ses pairs démocrates. Il préconise l’université gratuite, un salaire minimum de 15 dollars par heure et plus de pouvoir pour les travailleu­rs. Il reste toutefois à voir si cet effort de réinventio­n sera jugé sincère de manière à convaincre de nombreux démocrates plus à gauche. Plus largement, son image savamment orchestrée de «champion de la classe moyenne» permettra-t-elle à Biden de concurrenc­er Trump sur son champ de bataille politique de prédilecti­on?

LE CANDIDAT DE L’ESTABLISHM­ENT

Il n’échappera non plus à la campagne de Trump que Biden a été à Washington depuis 45 ans et que, dans l’imaginaire populaire républicai­n, il est intimement lié à l’ancien président Barack Obama, surnommé l’«Antéchrist politique» américain.

JOE, LE GAFFEUR

Enfin, bien avant que Trump ne fît irruption sur la scène politique américaine, c’était Biden l’objet de la risée populaire pour ses nombreuses gaffes. Lors des débats, il est parfois confus au sujet des dates, des lieux, des noms et des faits. D’aucuns le trouvent souvent grognon ou hébété. Par ailleurs, les femmes américaine­s activistes du mouvement #MeToo, nombreuses au sein du Parti démocrate, seront-elles prêtes à soutenir Biden, objet comme Trump d’allégation­s de harcèlemen­t sexuel? Les chances de Joe Biden ne sont pas pour ainsi dire nulles. Mais elles pourraient davantage dépendre des possibles effets pervers du coronaviru­s sur le leadership de Trump et d’un éventuel colistier que de Joe Biden lui-même…

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COMMENTAIR­E ROROMME CHANTAL
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