JEMEDUQUE.CA NE FAIT PAS L’UNANIMITÉ
Sandra Brady se demande comment se déroulera le retour à l’école de ses enfants, malgré son utilisation du répertoire d’activités en ligne Jemeduque.ca. Le ministre provincial de l’Éducation, Dominic Cardy a eu beau enlever aux familles la responsabilité de recréer une salle de classe chez elles, la mère s’inquiète.
«J’ai peur qu’ils ne soient pas à niveau au moment de la rentrée», s’alarme la Dieppoise à propos de sa fille et de son garçon de 9 et 5 ans.
Elle considère d’un oeil plutôt positif la plateforme en ligne Jemeduque.ca, que les districts scolaires francophones du NouveauBrunswick ont lancée le 6 avril, en collaboration avec le gouvernement provincial.
«Avant, j’utilisais un peu n’importe quoi sur internet. Maintenant, j’accède à beaucoup de contenu, se réjouit Mme Brady. Sauf qu’avant de trouver celui que je veux, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Ça prend du temps.»
La consultante en informatique profite d’un congé maladie pour passer environ deux heures par jour à préparer une session d’enseignement d’une heure et demie pour ses enfants.
Elle explique avoir des interrogations sur leur avancée dans leur programme et se perdre facilement dans les nombreux liens référencés dans Jemeduque.ca.
«Est-ce que je leur donne assez de travail et des tâches adaptées? Je veux m’assurer que je poursuis leur enseignement dans la bonne direction», se préoccupe-t-elle.
Elle confie rencontrer aussi des difficultés à motiver ses écoliers.
«Je perds patience et eux aussi… Les mères à qui je parle racontent la même chose. Nous ne sommes pas profs», s’exclame-t-elle.
DES ENSEIGNANTS PRÉSENTS
Le milieu éducatif l’a tout de même contactée, avec ses enfants.
«L’enseignante de ma fille est très bonne. Elle nous enverra chaque semaine un courriel avec tous les contenus de Jemeduque. ca à étudier», apprécie-t-elle.
Mme Brady constate en outre que la présence virtuelle des enseignants permet à ses enfants de travailler avec une meilleure volonté.
L’aide varie néanmoins beaucoup selon le professionnel de l’éducation qui la donne.
Une mère de Moncton, Lynn Gionet témoigne d’un site internet créé par l’enseignante de son enfant, avec des exercices de révision et un forum de discussions.
«Il faut lui demander d’y aller, par exemple, précise l’infirmière à propos de son garçon. Mais ça rend les choses faciles».
Une maman dieppoise, Mélanie Goguen a reçu par courriel une suggestion d’emploi du temps hebdomadaire, des exercices de mathématiques et de français ainsi que des vidéos pour sa fille.
«Le travail des enseignants est merveilleux», juge-t-elle.
Un père de Moncton, Didier Eglo a reçu un récapitulatif des notions vues par l’un de ses trois enfants. Il a obtenu des propositions d’activités pour les autres.
Dans la Péninsule acadienne, par contre, des enseignants ont reçu un mandat… de proposer une activité à leurs élèves, par exemple un bricolage.
«Là, c’est complètement nouveau quand on a l’habitude de travailler en salle de classe. Il faut que nous puissions bénéficier d’une période d’adaptation. Chacun doit aussi faire preuve de compréhension, plaide le président de l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du NouveauBrunswick (AEFNB), Gérald Arseneault. Nous avons tous un niveau différent dans l’usage des technologies.»
Il assure que ses confrères apprennent à se servir de Jemeduque.ca ainsi qu’à guider les enfants et les parents dans les dédales de la plateforme. Il avance aussi que ses collègues sont impatients de pouvoir y déposer leurs propres activités.
DES PROBLÈMES À RÉSOUDRE
M. Arseneault indique en outre que les enseignants doivent encore terminer d’appeler les familles néo-brunswickoises pour savoir comment chacune d’elles pourra continuer d’éduquer ses enfants.
Il y a par exemple 75 élèves sans outils numériques et plus de 400 écoliers équipés seulement de téléphones cellulaires intelligents dans le district scolaire francophone Nord-Ouest, selon son directeur Luc Caron.
«C’est très complexe de leur apporter du matériel en respectant les consignes de santé publique, déplore-t-il. C’est un gros sujet de discussion. Il y a plein de scénarios possibles.»
«Nous coordonnons nos avirons pour pagayer dans la même direction, illustre le président de l’AEFNB à propos du monde éducatif. Nous avons encore besoin de quelques semaines pour que notre navire avance de façon coordonnée.» ■