Un été sans camping? Loin d’être exclu!
Les opérateurs attendent impatiemment ce que décidera le gouvernement Higgs
Les terrains de camping vont-ils ouvrir cet été? Si oui, devront-ils imposer des restrictions qui briseront, à n’en point douter, l’ambiance sociale de fraternité autour d’un bon feu de camp, des saucisses et des guimauves grillées? Sinon, survivront-ils alors à une saison avec peu ou pas de revenus? Portrait.
Posez la question à différents propriétaires et gestionnaires de la province et vous obtiendrez une seule réponse: tout va se jouer selon ce que le gouvernement va trancher.
Pour l’instant, la consigne est de ne pas ouvrir les portes jusqu’à nouvel ordre, a indiqué le premier ministre Higgs jeudi, dans son point de presse quotidien.
«Ce qui va se passer? Honnêtement, je n’en ai aucune idée!, lance sans détour Josh Abernethy, qui gère plus de 250 places au Camping Youghall de Bathurst. Évidemment, on est un petit peu inquiet. On verra. C’est au gouvernement à décider.»
L’industrie du camping accueille des milliers de vacanciers sur ses terrains à travers la province, qu’ils soient saisonniers ou de passage, de la fin mai à octobre. Des vacanciers en quête d’un environnement convivial et naturel qu’ils ne retrouvent pas nécessairement en ville.
VR, roulottes, tentes convergent chaque été vers ces centres de rassemblement. Les enfants s’amusent dans des piscines, des terrains de jeu ou sur leurs vélos. Les adultes profitent de moments de quiétude qui leur font oublier le stress de leur quotidien. Les feux s’allument en ces belles soirées chaudes et les tisons s’envolent dans un ciel étoilé.
C’est ça, le camping; un lieu propice aux rapprochements et aux aventures inoubliables.
Mais là, avec la peur de la COVID-19, les données changent. Et pas pour le mieux.
Le téléphone a arrêté de sonner depuis la mi-mars au bureau de Tracy Lavigne, propriétaire du Camping Beauséjour à Shediac. Normalement, les Québécois sont nombreux à vouloir réserver un site pour quelques jours sur son terrain.
«Pas d’appel, je ne peux donc pas demander un dépôt de réservation. Et pas de dépôt, pas d’employés que je peux engager pour préparer mes terrains», affirme-t-elle. Heureusement, elle peut engranger des revenus avec les locations des saisonniers, mais si ça continue comme ça, ce sera à peine suffisant pour boucler son budget de la saison.
Guy Chiasson est gestionnaire du Camping Héron Bleu de Charlo. Il prévoyait ouvrir ses installations le 15 mai. Il a choisi de décaler le tout de deux semaines.
«Il va nous rester six semaines avant le début de la saison. Là-dessus, il faut en enlever deux pour préparer le site. On a donc devant nous quatre semaines pour voir venir ce que le gouvernement va décider», calcule-t-il.
M. Abernethy passe habituellement toute sa première journée de travail à retourner les appels de demandes de réservation provenant du Québec et de l’Ontario, tellement elles sont nombreuses. Mercredi, il n’en a eu que trois.
«IL Y A BEAUCOUP D’EMBÛCHES»
Les préoccupations sont nombreuses et complexes parmi les propriétaires de terrains de camping dans la Péninsule acadienne. Jeudi, une quinzaine sur les 21 inscrits ont discuté de la situation pendant une téléconférence. Ils ont convenu de se reparler le 4 mai. À ce moment-là, ils auront peut-être à prendre une décision majeure, à savoir s’ils seront opérationnels cet été.
«Il y a beaucoup d’embûches, reconnaît Lise Thériault, responsable des campings au sein de l’Office du tourisme de la Péninsule acadienne et copropriétaire de deux terrains à Caraquet. Comment la courbe va-t-elle s’aplatir? Que va décider le gouvernement? Pourrons-nous ouvrir en juillet?»
Le premier ministre et les ministères concernés sont au courant des doléances de cette industrie, admettent nos intervenants, qui espèrent recevoir une aide qui leur assurerait de meilleurs jours en cette période de grande incertitude.
FRONTIÈRES FERMÉES
«Je pense qu’il est peu probable que les frontières provinciales soient ouvertes (en juillet ou en août), a prévenu le premier ministre Higgs.
«J’espère plutôt que les NéoBrunswickois pourront découvrir le Nouveau-Brunswick cet été. Si nous pouvons maîtriser la situation, si nous pouvons faire suffisamment de tests et si le niveau de confort est élevé en matière de santé publique, nous pourrons à nouveau faire en sorte que les gens explorent leur province en respectant l’éloignement physique et les autres directives appropriées.
Mais je pense que la probabilité d’avoir des gens de l’extérieur de la province comme nous l’aurions vu l’été dernier n’est pas ce à quoi ressemblera cet été.»
Des propos qui ne laissent guère place à interprétation, dans une industrie qui a nécessairement besoin de la présence - et de l’argent - des Québécois, des Ontariens et des autres résidents des Maritimes pour faire ses frais.
«Trois entreprises touristiques sur 10 ne survivront pas à cette crise, poursuit Mme Thériault. Du côté des terrains de camping, il n’y a encore aucun programme dans lequel nous pouvons appliquer, car nous n’avons pas encore de revenus. Malgré ça, nous avons à payer des coûts fixes. Nous faisons face à plusieurs annulations de réservation. C’est inquiétant au point où nous devons déjà travailler sur la façon dont nous allons survivre.»
«Même si nous sommes fermés, nous devrons assurer l’entretien, soupèse M. Chiasson. Nous devons calculer selon un besoin de rentabilité. Personne ne va venir payer mes factures. Je crois qu’il nous faudra une position d’ici au 15 mai. Après ça, tout est sur la table.»
Avec la participation du journaliste Mathieu Roy-Comeau