Redonner de l’humanité et de la dignité
La pandémie de COVID-19 soulève des questions importantes et dernièrement c’est la situation qui prévaut dans les centres d’hébergement pour personnes âgées qui fait surface. Depuis le début nous savons que cette maladie affecte de manière disproportionnée les personnes âgées et qu’elles sont les victimes de cette maladie. Dans ces circonstances, une des réalités qui est pointée est celle des conditions de travail des personnes qui offrent des soins dans les établissements pour personnes âgées ou encore celles qui offrent les soins à domicile.
Commençons par s’entendre sur une chose, ces personnes qui oeuvrent dans ce secteur sont en grande majorité des femmes, ce sont elles qui font ce travail qu’on nomme le «care». Ce genre de travail se décrit comme une pratique qui tend vers l’autre, prendre soin des personnes, se soucier des humains qui nous entourent ou des personnes que nous aidons ou que nous accompagnons dans le cadre de notre travail. Donc, comprendre et combler les besoins de ces personnes souvent vulnérables est un élément essentiel de cet accompagnement, de cette prise en charge. Ceci renvoie à la responsabilité de reconnaitre l’humanité de ces personnes pour qu’elles puissent vivre et mourir dans la dignité. Pour accorder cette humanité cela demande des ressources et une reconnaissance du travail fait par ces travailleuses et ces travailleurs qui se soucient et qui s’occupent des personnes plus vulnérables dans le cadre de leurs fonctions.
Ainsi, c’est un travail qui se fait dans l’ombre, c’est un travail invisible, très peu reconnu. Maintenant, la COVID-19 cause la mort, il aura fallu celle de personnes ainées, pour que tout d’un coup une certaine prise de conscience du rôle des travailleuses du «care» soit rendu visible dans la couverture médiatique. Pourtant, des femmes ont revendiqué, depuis longtemps, de meilleures conditions de travail pour pratiquer ce «care». Pensons ici à la syndicaliste et militante, travailleuse dans le secteur des soins à domicile, Thérèse Duguay, qui est intervenue à de nombreuses reprises dans différents médias pour faire valoir ce travail et faire reconnaitre son importance. Pensons aussi à Johanne Perron, directrice de la Coalition pour l’équité salariale, qui depuis trop longtemps s’évertue sur la place publique à revendiquer la reconnaissance sociale et économique du travail que font les femmes dans les secteurs d’emplois féminins, le cas échéant, le secteur du «care». Il aura ainsi fallu que des gens meurent pour qu’une politicienne reconnaisse que changer des pneus avait autant de valeur que changer les couches de nos aînés (ce n’est pas moi qui l’ai dit).
Or, l’enjeu n’est pas d’abaisser l’un pour reconnaitre l’autre, non, l’enjeu est de donner de la valeur à un travail qui n’est trop souvent pas reconnu. Voilà où le bât blesse, les tâches quotidiennes liées au «care», c’est-à-dire les nombreuses compétences que les gestes déployés demandent pour prendre soin, sont trop souvent ignorées et pas associés à une valeur économique.
Ce qui permet également d’illustrer comment le travail accompli par des femmes effectué dans la sphère privée a très peu de valeur dans la sphère publique. Encore une fois, il s’agit d’un accompagnement relationnel qui passe inaperçu, qui reste invisible et qui n’a pas de valeur économique. Pourtant!
Ainsi, la non-reconnaissance sociale et professionnelle des dimensions relationnelles liées au travail du «care» contribue à occulter la complexité et la responsabilité qu’entrainent ce secteur d’emploi. Leur salaire très peu élevé constitue aussi le reflet de cette nonreconnaissance des compétences associées à ce travail traditionnellement féminin faisant en sorte que celles-ci ne se traduisent pas en termes de qualifications professionnelles, ce qui, à son tour, influence la rémunération accordée. Elles sont ainsi prises dans un cercle vicieux. Or, au Nouveau-Brunswick, selon l’État, tout semble rouler rondement, c’est au Québec, en Ontario et dans d’autres provinces que le problème existe. Pas besoin de valoriser le travail de ces personnes, celles qui travaillent dans les foyers de soins spéciaux par exemple, les maisons de transition ou encore les services de soins à domicile, encore moins les personnes dans les institutions pour personnes âgées de la province qui n’ont pas de contrat de travail depuis plus de trois ans.
Néanmoins, depuis la pandémie, la charge de travail de ces personnes s’est amplifiée et s’est complexifiée. Les mesures de sécurité sanitaire ont augmenté. L’aide qu’apportait la famille dans les soins de leur proche ne peut plus être là. Sans compter l’anxiété que vivent les personnes qui sont dans ces différentes institutions. Les besoins eux ne changent pas et les intervenantes de ces secteurs continuent à faire ce travail malgré les risques, le stress et la peur de ramener ce virulent virus à la maison. Elle est donc pour quand cette reconnaissance du travail du «care»?
Il faut comprendre que ce travail relationnel, d’accompagnement, tellement fait avec professionnalisme par ces personnes qui oeuvrent dans ces secteurs redonne l’humanité et de la dignité aux personnes qu’elles accompagnent. N’est-ce pas ce qui nous reste aujourd’hui dans ce monde incertain! ■