Prier dans la cacophonie
Lundi, le soleil est sorti de son confinement. Il passe parfois faire son tour, mais ne reste jamais longtemps. Comme les confinés qui ne sortent plus que pour faire le tour de bloc. Lundi, il brillait un peu. À distance.
Il brillait parce que j’avais envoyé ce message dans le ciel, comme on nous dit de le faire dans «Le Secret». C’est la loi de l’attraction: tu veux quelque chose? Tu l’attires à toi en formulant cette demande. J’ai demandé du soleil, parce que je n’en pouvais plus des ciels gris, morveux, nuageux, pluvieux. Eh ben! Je l’ai obtenu!
Pour demain, j’ai commandé un nouvel appartement, des palmiers, du sable chaud, de la tequila, un prince d’Arabie qui passe sur son chameau devant chenous. C’est à ce moment précis que je me jetterai du balcon, juste devant lui, en criant: «Sors-moé d’icitte, chu pu capab!»
À défaut d’un prince d’Arabie, un trucker fera l’affaire.
Officiellement, ce que je devrais demander (et écrire ici, pour me donner une bonne image publique), c’est que le mozusse de virus disparaisse aussi vite que possible, que la vie reprenne son cours, que les élèves retournent à l’école pour faire pâtir les profs, que les coiffeurs nous coupent la touffe sua tête et que les Tim Horton ouvrent grandes leurs portes pour que le monde puisse continuer à aller se zyeuter.
Malheureusement, mes bons sentiments publics s’évaporent à mesure que se prolonge le confinement. Pour ceux qui sont en panne de ces bons sentiments, il y a les médias sociaux qui regorgent de sentences, d’aphorismes, de proverbes, de dictons gluants de bienveillance et qui finissent par être irritants tant ils illustrent la tartufferie de notre époque. Pu capab!
Je les fréquente de moins en moins, les médias sociaux. Les arcs-en-ciel dans les fenêtres, les clips de bye-bye à mémére sur Skype, les annonces de gestes de solidarité «anonymes» mettant en vedette l’humble personne qui se dévoue, les clips de places publiques vides et silencieuses sur musique de circonstances, les ténors de balcons, les applaudissements, les remerciements, ouf. Un m’ment d’nné: pu capab!
On ne l’a peut-être pas noté, mais la multiplicité des entrevues avec des médecins, épidémiologistes, virologues, et autres spécialistes de bibittes qui se nuancent mutuellement, quand ils ne se contredisent pas, finit par créer plus de confusion que de clarté. Certains spécialistes sont plus audacieux, certains plus frileux, d’autres carrément peureux. Pu capab!
Comment le citoyen lambda peut-il réellement se faire une opinion sensée au sujet d’un virus sur lequel ne peuvent même pas s’entendre les experts?
N’y aurait-il pas lieu, du côté médiatique, d’en faire un peu moins? Répéter, à longueur de journée, au RDI de la Cibici française, des statistiques sur le nombre de morts, de cas avérés, de personnes aux soins intensifs, ici, et partout dans le monde, n’apporte plus rien de positif à notre état de confiné. Pu capab!
Slaquez un peu, joual vert!
Il me semble qu’à ce stade-ci de la pandémie planétaire, outre les conférences de presse quotidiennes des premiers ministres, un concentré quotidien d’informations pertinentes de deux heures suffirait amplement.
Et quelques nouvelles de ce qui se passe sur la planète en dehors du mozusse de virus ne feraient pas de tort! Quoique je comprenne que l’obsession planétaire actuelle, c’est le mozusse de virus.
Et aussi, en corollaire, le sentiment de peur qu’il inspire et qu’alimentent médias et gouvernements, même de façon involontaire. Pitié!
Comment nous en sortirons-nous? Aucune idée!
Patience, patience, patience.
Voilà un mot qu’il faut se rentrer dans la tête bien solidement. Sinon, ça va craquer. Comme on le voit déjà aux ÉtatsUnis où certains alliés «déplorables» du bonhomme Trump exigent la fin du confinement et l’ouverture des bars. Me semblait que tout ce beau monde faisait la file pour des paniers de denrées tellement ils étaient désargentés?
«LIBERATE!, LIBERATE!», régurgite le twit en chef américain. Et voilà que ses boutefeux sautent sur l’occasion pour exprimer la profondeur de leur ignorance et se lancent à l’assaut des rues, sans distanciation sociale, bien sûr, car cela serait faire le jeu des forces occultes qui sont derrière ce complot! On se croirait au Moyen-Âge!
C’est là où nous en sommes. D’un côté des spécialistes médicaux coincés par un virus, des gouvernements sonnant l’hallali des forces vives épuisées, des médias répercutant le désarroi collectif en l’amplifiant, et des citoyens confinés de peur qui dessinent des arcs-en-ciel!
Ouf. Bon, ma crise est passée. Ça va mieux. Scusez-la.
Finalement: vive les arcs-en-ciel, les dictons, les clips vidéos, et tout le reste! C’est dans la nature humaine de vouloir réconforter les autres. Nous sommes plus altruistes que nous le pensons.
Une chose que je dois faire, cependant, c’est changer le titre de mes «chroniques d’un confiné», car ce titre finit par me confiner davantage!
Un titre, même si ça peut paraître banal, ça raconte une micro-histoire. C’est une image qui vaut mille mots, comme une photo.
Et le fait de me raboudiner chaque semaine depuis un mois derrière un titre aussi restreignant a fini par me couper les ailes. Déjà que le confinement me pèse plus que je ne souhaiterais le reconnaître. Notamment parce que je dois me trouver un appart, comme vous le savez, et que chercher un appart quand on est renfermé dans la maison, c’est littéralement un non-sens. Une énigme aussi angoissante à résoudre que les théorèmes de géométrie, qui étaient à l’époque de mes études, un véritable calvaire.
Plus nul que moi en maths, tu fais un chroniqueur!
Cela dit, un mot sur la tuerie de la Nouvelle-Écosse. Ça m’attriste beaucoup, ça m’enrage, ça me désole. Mais je ne saurais en dire beaucoup plus.
Ces tueries sont devenues tellement fréquentes qu’on ne peut que se perdre en conjectures futiles devant tant de bêtise humaine.
Je me contenterai donc de prier dans la cacophonie.
Han, Madame?