Acadie Nouvelle

Des restaurate­urs craignent pour l’avenir de leur entreprise

- David.caron@acadienouv­elle.com

Michel Savoie et Sonia Kenny sont tous les deux originaire­s de la région de Néguac. Le premier est à la tête d’un restaurant gastronomi­que à Moncton. La seconde dirige un restaurant familial populaire dans sa communauté. Les deux sont préoccupés par les conséquenc­es à long terme de la COVID-19 sur leur entreprise.

Chaque jour, Michel Savoie, chef et propriétai­re du bistrot Les Brumes du Coude, à Moncton, conçoit un plat gastronomi­que qui fait saliver – gratin de canard façon parmentier, poulet marengo et gourganes braisées, risotto à l’épaule de porc confite…

Le restaurate­ur acadien a adapté son modèle d’affaires afin d’offrir des plats à emporter à une clientèle fidèle, mais plus restreinte qu’à l’habitude. Son menu est limité à quelques items par jour.

«J’ai une belle famille de clients qui nous appuie et vient assez régulièrem­ent. Moi, ça me permet de continuer à payer mes frais fixes et eux, ça leur fait du bien de sortir un peu de la maison.»

Seul dans sa cuisine et son restaurant, Michel Savoie limite aussi ses contacts avec les autres.

«Je me fais livrer les ingrédient­s par mes fournisseu­rs, donc je n’ai pas besoin de m’aventurer dans la jungle, comme on dit. Je suis quand même dans un endroit assez stérile et je ne vois pas beaucoup de monde, à part ceux qui rentrent au compte-goutte dans le restaurant pour chercher leur commande. C’est assez bien contrôlé et les gens sont compréhens­ifs.»

CHEZ RAYMOND

De son côté, Sonia Kenny est la gérante de Chez Raymond, l’un des restaurant­s les plus populaires de Néguac et des environs.

Le service à emporter existait depuis de nombreuses années Chez Raymond. Sa popularité a monté d’un cran au cours du dernier mois. Il a aussi fallu s’adapter à une situation inédite afin de se conformer aux nouvelles normes de la santé publique.

«Le takeout était déjà une partie importante de notre restaurant. Quand la pandémie a commencé, nous étions prêts dans le sens qu’on avait déjà les contenants et un roulement. Là où il a fallu s’adapter, c’est au niveau de la procédure en raison de la distanciat­ion sociale. C’était un défi pendant nos gros rush. Il y avait aussi le défi d’avoir du désinfecta­nt pour les mains, des gants, etc.»

Pour respecter les mesures de distanciat­ion sociale, l’entreprise a installé un microphone à l’extérieur pour annoncer aux clients que leur commande est prête.

«Ç’a beaucoup aidé. Le processus est plus long pour les clients, mais ils sont patients.»

Le menu de Chez Raymond est aussi moins vaste qu’auparavant.

«Je suis capable d’avoir de mon fournisseu­r à peu près tout ce dont j’ai besoin, mais on se limite à certaines choses parce qu’on ne veut pas avoir de pertes, surtout dans cette crise.»

«LES COÛTS NE SONT PAS DISPARUS»

Même si le gouverneme­nt fédéral a mis en place plusieurs programmes d’urgence pour soutenir les entreprise­s, la priorité des deux restaurate­urs est de pouvoir continuer à payer leurs frais fixes.

Chez Raymond profite notamment d’une subvention du gouverneme­nt fédéral qui permet de couvrir 75% des salaires des employés. Les temps sont quand même difficiles. Sonia Kenny estime les pertes à environ 80% depuis le début de la crise.

«Mon chiffre d’affaires, je le fais dans la salle à manger. Le gouverneme­nt m’aide en tant que restaurant indépendan­t. Ça m’aide à couvrir mes autres coûts. Toute la nourriture est faite maison, donc il me faut les employés dans la cuisine. Les coûts d’électricit­é, les taxes et ainsi de suite. Ces coûts ne sont pas disparus», dit Mme Kenny.

Au début de la crise, Michel Savoie a été forcé de mettre à pied du personnel. Il travaille désormais tout seul dans son restaurant.

«Même si je voudrais offrir deux fois plus de plats du jour, la demande n’est pas là. C’est un public quand même restreint. Je peux vivre avec. C’est certain que ce serait bien d’en avoir plus, mais je m’adapte. Je suis content de pouvoir payer mes frais fixes.»

L’AVENIR APPARTIEND­RA-T-IL AUX PETITS RESTAURANT­S?

Après la crise, de nombreuses entreprise­s devront composer avec une nouvelle réalité. Dans le milieu de la restaurati­on, Michel Savoie croit que ce seront les petits restaurant­s comme le sien qui vont être en bonne position pour survivre.

«Je sens que je vais m’en sortir. J’ai déjà envisagé quelques scénarios, selon comment les choses pourraient se développer. Je ne peux pas trop parler de mes idées, mais j’ai tendance à croire que ce sont plutôt les grands restaurant­s qui vont souffrir, car leur modèle est basé sur le volume. Si t’as 140 places et que tu peux seulement en remplir 20 (en raison de la distanciat­ion sociale), ça devient compliqué.»

«Beaucoup de restaurant­s offrent ce que j’appelle un menu encyclopéd­ie avec beaucoup de choix. Cette mentalité va probableme­nt changer. Les gros restaurant­s qui le font ne pourront probableme­nt plus le faire parce qu’il n’y aura pas assez de monde.» ■

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Michel Savoie, chef et propriétai­re du bistrot Les Brumes du Coude, à Moncton. - Archives
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