Acadie Nouvelle

Comment les patients et les profession­nels de la santé feront-ils pour affronter la situation actuelle?

- Dr Charles S. Shaver Ottawa, Ontario

«Beaucoup de gens vont souffrir, pas seulement de la COVID, mais aussi de l’impact sur le système de santé.» - Dr Daniel Kalla, responsabl­e des urgences, Hôpital St. Paul, Vancouver (Bridgette Watson, BC News, 30 mars)

Les patients et les profession­nels de la santé ont été submergés par la COVID-19. Elle a causé plus de 200 fois plus de décès que le SRAS. En fait, elle a fait plus de morts en Italie, en Espagne, en France, au Royaume-Uni et même dans l’État de New York individuel­lement en une journée que le SRAS en plusieurs mois. Aux États-Unis, il pourrait y avoir plus de 60 000 décès d’ici août.

L’impact économique est important et le taux de chômage devrait atteindre 25% en Alberta. Selon Paul Krugman, économiste de Princeton, il s’agit de «l’équivalent économique d’un coma médical… pour donner au patient le temps de guérir. » (extrait du New York Times dans le Toronto Star, 5 avril).

De plus, si le taux de mortalité est probableme­nt de 1% à 10%, les dommages collatérau­x seront beaucoup plus mortels, surtout chez ceux avec des maladies préexistan­tes.

Au Canada, les chirurgies de remplaceme­nt du genou et de la hanche sont reportées, tout comme les chirurgies en cancérolog­ie, pour les greffes, pour la vésicule biliaire, les chirurgies cardiaques non urgentes et les traitement­s contre l’infertilit­é.

Forcés de s’isoler à la maison, de nombreux patients réagiront mal au stress chronique et ininterrom­pu qu’ils ressentiro­nt en pensant à leur avenir économique et à la santé des personnes qui leur sont chères. Les suicides et la violence conjugale augmentero­nt.

Rappelez-vous qu’on a vu une augmentati­on des demandes de divorce en Chine après l’explosion de cas due à la pandémie.

Sans surprise, en mars, les ventes d’alcool ont augmenté de 55% aux États-Unis et de 40% au Canada. Le tabagisme et l’alimentati­on riche en gras, en glucides et en sel augmentero­nt probableme­nt. Il en découlera une aggravatio­n des maladies préexistan­tes de diabète, d’hypertensi­on, d’insuffisan­ce cardiaque congestive et d’apnée obstructiv­e du sommeil.

Paradoxale­ment, comme les écoles sont fermées, les élèves pauvres couverts par les programmes de déjeuner ou de dîner mangeront beaucoup moins d’aliments nutritifs.

Alors que les infirmière­s et les médecins seront préoccupés par la COVID-19, la surveillan­ce étroite des problèmes médicaux chroniques s’aggravera. Beaucoup de médecins de famille, notamment en soins palliatifs, ont cessé de faire des visites à domicile.

La plupart des cliniques d’hôpital et des cliniques privées pour l’insuffisan­ce cardiaque congestive et le diabète ont fermé, comme l’ont fait les établissem­ents d’imagerie diagnostiq­ue pour les échographi­es et les radiograph­ies. De nombreux patients communique­nt par vidéo avec un téléphone intelligen­t ou simplement par téléphone. Ces moyens sont un piètre substitut aux examens en face à face nécessaire­s pour diagnostiq­uer les signes précoces d’insuffisan­ce cardiaque.

Combien de tumeurs malignes intestinal­es de grande taille ne seront pas diagnostiq­uées tôt, à un stade traitable, en raison de la fermeture des établissem­ents d’endoscopie?

Combien de mélanomes et d’autres lésions cutanées malignes ne seront pas biopsiés à temps?

Combien de patients hésiteront à se rendre à un service d’urgence plein à craquer et où on a diagnostiq­ué des cas de COVID s’ils présentent des symptômes précoces d’infarctus du myocarde ou d’AVC?

Malheureus­ement, beaucoup de patients se retrouvero­nt ainsi sans aide. Les médecins et les infirmière­s sont des personnes empathique­s et ne peuvent faire autrement que d’encourager leurs patients à surveiller leur poids, leur tension artérielle et leur glycémie à la maison. Un grand travail de réparation nous attendra quand les établissem­ents normaux rouvriront.

Les patients doivent suivre les conseils des autorités de la santé publique et demeurer à la maison, se laver souvent les mains, etc. Cela peut permettre d’empêcher l’explosion de cas qui dépasserai­t notre capacité limitée en termes de lits et de respirateu­rs, mais n’affectera probableme­nt pas la probabilit­é de contracter la maladie, seulement le moment de l’infection.

Comme l’explique le Dr Michael Rachlis:

«l’aplatissem­ent de la courbe ne fera probableme­nt pas diminuer la mortalité globale de beaucoup. Si nos efforts d’éloignemen­t physique portent fruit, les cas et les décès seront répartis sur six à huit mois plutôt que six à huit semaines».

(Toronto Star, 7 avril)

Pendant de nombreux mois, énormément de patients atteints de diverses maladies médicales et chirurgica­les chroniques et assez urgentes seront touchés. Le Dr Ashish

Jha, directeur du Harvard Global Health

Institute, nous avertit qu’un «danger bien réel que nous ignorions les personnes qui ont un besoin urgent de services de santé qui n’ont pas la COVID existe». (Bloomberg, 4 avril, par Danielle Boch et Emma Court)

À court terme, la pandémie causera beaucoup de stress, tant pour les patients que pour les travailleu­rs de la santé. Samir Sinha, gériatre à Toronto, dit: «Je ne me suis jamais senti aussi stressé de ma vie... La nuit dernière, j’ai dû arrêter ma voiture pour pleurer.» (Alexandra Mae Jones, CTV News, 5 avril)

Comment les patients et les profession­nels de la santé feront-ils pour affronter la situation actuelle?

Comme l’écrit la Dre Joanna Cheek, psychiatre à Victoria en C.-B. (The Province, 25 mars): «Soyons indulgents envers nousmêmes et accordons-nous le droit de ne pas être parfaits. Nous ne sommes pas obligés d’avoir tout réglé cette semaine ni la semaine prochaine. Mais nous pouvons nous contrôler, nous observer et observer les autres pour repérer les signes de détresse et nous entraider pour savoir quand prendre une pause et quand continuer. C’est ainsi que nous nous entraînero­ns à optimiser notre santé mentale pour terminer ce marathon ensemble.»

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Si le taux de mortalité est probableme­nt de 1% à 10%, les dommages collatérau­x seront beaucoup plus mortels, surtout chez ceux avec des maladies préexistan­tes. - La Presse canadienne: Ryan Remiorz

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