«UN DÉSASTRE» POUR LES ENTREPRISES AGRICOLES
«Désastre», «décision dévastatrice», «coup dur», les producteurs agricoles se retrouvent privés de main-d’oeuvre par la décision du gouvernement Higgs de fermer les frontières aux travailleurs étrangers temporaires et craignent pour leur récolte.
La province a annoncé mardi que ces travailleurs ne peuvent désormais plus entrer sur le territoire. Quelque 1500 ouvriers étrangers sont déjà dans la province. La nouvelle mesure touche environ 600 travailleurs qui devaient arriver dans les prochains jours ou semaines.
Chaque année, entre 2000 et 2500 travailleurs étrangers s’installent dans la province pendant plusieurs mois dans le secteur de la transformation des fruits de mer et dans de nombreuses exploitations agricoles.
L’annonce a été un choc pour Madeleine Céré, propriétaire de la ferme Les Petits Fruits de Pré-d’en-Haut.
Sa ferme a embauché 40 travailleurs spécialisés venus de la Jamaïque l’an dernier. Certains d’entre eux lui prêtaient mainforte pour la onzième année consécutive.
«Ce sont des emplois qui font vivre des familles. Ils sont ici jusqu’à huit mois par année, ils ont des amis ici, ils dépensent de l’argent ici, ils participent à l’économie», plaide Madeleine Ceré.
Elle craint de perdre une partie de ses fraises et de ses bleuets. La plantation des 100 acres de courges, de choux de Bruxelles, de melons, de zucchinis et de squash est même compromise.
«Nous n’allons pas pouvoir les planter cette année. La semaine dernière, le gouvernement nous demandait de planter plus pour assurer l’autonomie alimentaire de la province et cette semaine, il nous enlève nos travailleurs!»
L’exploitation agricole ne parvient pas à trouver une main-d’oeuvre locale pour travailler dans les champs, ajoute la propriétaire de la ferme. Rares sont ceux qui sont prêts à exercer un métier dur, exigeant physiquement.
«Il faudrait 150 Canadiens pour remplacer nos 40 travailleurs étrangers, estime-telle. Mes gars travaillent 65 à 75 heures par semaine, ils sont spécialisés. Comment vat-on remplacer ce monde-là? Vous pensez sincèrement que les étudiants qui reçoivent 1250 $ dollars par mois pour rester à la maison vont venir travailler dans les champs? C’est un désastre, je crois que des fermes ne passeront pas au travers.»
Non loin de là, le Verger Belliveau se retrouve dans une situation comparable. Au plus fort de la récolte, le producteur de pommes de Memramcook peut compter dans son équipe jusqu’à une centaine de travailleurs temporaires originaires de l’île Saint-Vincent, de la Jamaïque et du Mexique.
Samuel Bourgeois, directeur des opérations, déplore une absence de consultation. «Qui va produire notre nourriture si les producteurs ne peuvent plus la récolter? D’où vont venir nos fruits et nos légumes l’an prochain? Avant que ce programme fédéral ne commence, notre ferme déclinait parce qu’on ne trouvait plus de main-d’oeuvre. Depuis, nous avons continué à grossir et nous avons pu embaucher des vendeurs, des agronomes, des chauffeurs…»
Jusqu’à présent, les directives sanitaires imposaient que les travailleurs étrangers respectent une période de quarantaine de 14 jours, une précaution suffisante à ses yeux. «Si on doit les remplacer par des personnes dont on ne contrôle pas les déplacements, est-ce qu’on limite vraiment le risque», se demande M. Bourgeois.
«Ça veut dire qu’il va manquer de fruits et de légumes au Nouveau-Brunswick. Plusieurs producteurs me disent qu’ils ne planteront que 25% à 30% de leur récolte parce qu’ils n’auront personne pour la ramasser», alerte-t-elle.