Maltraitance et COVID-19: la chute des signalements inquiète les travailleurs sociaux
La maison n’est pas un lieu sécuritaire pour tout le monde. Les intervenants de première ligne craignent qu’en raison du confinement lié à la pandémie de la COVID-19, des cas de mauvais traitements d’enfants ou d’adultes vulnérables passent sous le radar des autorités.
Une première donnée les préoccupe. Le nombre d’appels reçus par les services sociaux rapportant des situations d’abus ou de négligence est passé de 1227 en février à 815 en mars. Au moment d’écrire ces lignes, les chiffres du mois d’avril n’avaient pas encore été compilés par le ministère du Développement social.
Jean Bertin, agent de communication provincial, note qu’une telle baisse correspond à celle que l’on observe habituellement en été, lorsque les écoles sont fermées.
Le Défenseur des enfants et de la jeunesse, Norman Bossé, constate que les intervenants du milieu scolaire ne peuvent plus aussi aisément s’assurer du bien-être de leurs protégés. En temps normal, le personnel des écoles, des garderies, des groupes communautaires sont autant de lanceurs d’alerte potentiels.
«Plus de la moitié des signalements de maltraitance à l’égard d’enfants viennent de ces groupes», affirme-t-il.
Confinement prolongé, changement brutal des habitudes de vie, isolement social, difficultés financières et grande dose de stress sont autant d’ingrédients explosifs pouvant mener à des situations de violence, estime Norman Bossé.
La directrice du Centre Boréal, Angèle Losier, juge que la situation actuelle est «très inquiétante». L’organisme basé à Dieppe vient en aide aux enfants agressés physiquement, sexuellement ou émotionnellement. Depuis le début de l’état d’urgence, le nombre de nouvelles références a chuté: un seul nouveau dossier a été ouvert par le Centre Boréal au cours des dernières semaines.
«En temps normal, le Centre d’expertise rencontre cinq ou six enfants par semaine. Présentement, nous constatons qu’il est très difficile pour les jeunes et les enfants d’obtenir de l’aide et être en mesure de divulguer leur agression sexuelle. Il n’est plus possible pour les jeunes, confinés à la maison, de se confier à un adulte de confiance. Souvent un membre du personnel scolaire est cette personne en qui le jeune peut se confier», souligne Mme Losier.
Son équipe poursuit les thérapies via téléphone et vidéoconférence.
«Il est important que les victimes sachent que nos organismes sont toujours ouverts pour leur venir en aide», dit-elle.
L’intervenante appelle les citoyens à faire preuve de la plus grande vigilance.
«Nous demandons aux familles, voisins, amis de ne pas hésitez si vous avez un moindre doute. Votre appel peut changer la vie d’un enfant dans le besoin.»
De son côté, la ministre du Développement social, Dorothy Shephard, a commandé une campagne sur les médias sociaux rappelant aux NéoBrunswickois de communiquer avec son ministère s’ils ont le moindre soupçon.
«Tout le monde a un rôle à jouer dans la sécurité de nos enfants. Si vous pensez qu’un enfant peut se trouver dans une situation abusive ou dangereuse, communiquez avec le bureau de Développement social de votre région ou appelez le numéro d’urgence après les heures de travail 1-800-442-9799», peut-on lire sur le site internet de la province.
Les travailleurs sociaux, considérés comme des travailleurs essentiels, sont toujours à l’oeuvre. La plupart des interventions sont virtuelles, mais les fonctionnaires de la province continuent d’effectuer des visites en milieu familial en cas de besoin.
Miguel LeBlanc, directeur général de l’Association des travailleurs sociaux du N.-B., confirme que la diminution des signalements est actuellement «la plus grande préoccupation» au sein de la profession.
«C’est une situation unique dans notre histoire et nous avons tous la responsabilité de prendre soin les uns des autres, souligne-t-il. En cas d’appel, les travailleurs sociaux feront l’analyse du cas et les interventions nécessaires.»
Pour rappel, les travailleurs sociaux de la Protection de l’enfance et des Services d’appui à la famille ont l’autorisation légale d’entrer dans tout lieu pour retirer un enfant pour lequel ils auraient des motifs raisonnables de croire que la sécurité ou le développement est menacé. ■
«Si les gens ne sortent pas de la maison, ça peut être un indice que les choses ne vont pas bien.»