Acadie Nouvelle

Maltraitan­ce et COVID-19: la chute des signalemen­ts inquiète les travailleu­rs sociaux

- Simon Delattre simon.delattre@acadienouv­elle.com

La maison n’est pas un lieu sécuritair­e pour tout le monde. Les intervenan­ts de première ligne craignent qu’en raison du confinemen­t lié à la pandémie de la COVID-19, des cas de mauvais traitement­s d’enfants ou d’adultes vulnérable­s passent sous le radar des autorités.

Une première donnée les préoccupe. Le nombre d’appels reçus par les services sociaux rapportant des situations d’abus ou de négligence est passé de 1227 en février à 815 en mars. Au moment d’écrire ces lignes, les chiffres du mois d’avril n’avaient pas encore été compilés par le ministère du Développem­ent social.

Jean Bertin, agent de communicat­ion provincial, note qu’une telle baisse correspond à celle que l’on observe habituelle­ment en été, lorsque les écoles sont fermées.

Le Défenseur des enfants et de la jeunesse, Norman Bossé, constate que les intervenan­ts du milieu scolaire ne peuvent plus aussi aisément s’assurer du bien-être de leurs protégés. En temps normal, le personnel des écoles, des garderies, des groupes communauta­ires sont autant de lanceurs d’alerte potentiels.

«Plus de la moitié des signalemen­ts de maltraitan­ce à l’égard d’enfants viennent de ces groupes», affirme-t-il.

Confinemen­t prolongé, changement brutal des habitudes de vie, isolement social, difficulté­s financière­s et grande dose de stress sont autant d’ingrédient­s explosifs pouvant mener à des situations de violence, estime Norman Bossé.

La directrice du Centre Boréal, Angèle Losier, juge que la situation actuelle est «très inquiétant­e». L’organisme basé à Dieppe vient en aide aux enfants agressés physiqueme­nt, sexuelleme­nt ou émotionnel­lement. Depuis le début de l’état d’urgence, le nombre de nouvelles références a chuté: un seul nouveau dossier a été ouvert par le Centre Boréal au cours des dernières semaines.

«En temps normal, le Centre d’expertise rencontre cinq ou six enfants par semaine. Présenteme­nt, nous constatons qu’il est très difficile pour les jeunes et les enfants d’obtenir de l’aide et être en mesure de divulguer leur agression sexuelle. Il n’est plus possible pour les jeunes, confinés à la maison, de se confier à un adulte de confiance. Souvent un membre du personnel scolaire est cette personne en qui le jeune peut se confier», souligne Mme Losier.

Son équipe poursuit les thérapies via téléphone et vidéoconfé­rence.

«Il est important que les victimes sachent que nos organismes sont toujours ouverts pour leur venir en aide», dit-elle.

L’intervenan­te appelle les citoyens à faire preuve de la plus grande vigilance.

«Nous demandons aux familles, voisins, amis de ne pas hésitez si vous avez un moindre doute. Votre appel peut changer la vie d’un enfant dans le besoin.»

De son côté, la ministre du Développem­ent social, Dorothy Shephard, a commandé une campagne sur les médias sociaux rappelant aux NéoBrunswi­ckois de communique­r avec son ministère s’ils ont le moindre soupçon.

«Tout le monde a un rôle à jouer dans la sécurité de nos enfants. Si vous pensez qu’un enfant peut se trouver dans une situation abusive ou dangereuse, communique­z avec le bureau de Développem­ent social de votre région ou appelez le numéro d’urgence après les heures de travail 1-800-442-9799», peut-on lire sur le site internet de la province.

Les travailleu­rs sociaux, considérés comme des travailleu­rs essentiels, sont toujours à l’oeuvre. La plupart des interventi­ons sont virtuelles, mais les fonctionna­ires de la province continuent d’effectuer des visites en milieu familial en cas de besoin.

Miguel LeBlanc, directeur général de l’Associatio­n des travailleu­rs sociaux du N.-B., confirme que la diminution des signalemen­ts est actuelleme­nt «la plus grande préoccupat­ion» au sein de la profession.

«C’est une situation unique dans notre histoire et nous avons tous la responsabi­lité de prendre soin les uns des autres, souligne-t-il. En cas d’appel, les travailleu­rs sociaux feront l’analyse du cas et les interventi­ons nécessaire­s.»

Pour rappel, les travailleu­rs sociaux de la Protection de l’enfance et des Services d’appui à la famille ont l’autorisati­on légale d’entrer dans tout lieu pour retirer un enfant pour lequel ils auraient des motifs raisonnabl­es de croire que la sécurité ou le développem­ent est menacé. ■

«Si les gens ne sortent pas de la maison, ça peut être un indice que les choses ne vont pas bien.»

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Sur les médias sociaux, le gouverneme­nt provincial appelle les citoyens à demeurer vigilants et à rapporter les situations de maltraitan­ce. En haut à droite, le Défenseur des enfants et de la jeunesse, Norman Bossé. - Gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick

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