CHANCE ÉGALE POUR TOUS?
«La fermeture des écoles pèse plus lourd sur les plus défavorisés.» Ce sont les mots d’Audrey Azoulay, la directrice générale de l’UNESCO, inquiète de l’accès restreint à l’éducation en temps de pandémie. Au Nouveau-Brunswick comme ailleurs, la «continuité pédagogique» n’est pas une réalité pour tous les enfants.
En effet, tous les parents n’ont pas la capacité d’accompagner leurs enfants dans leurs apprentissages, par manque de temps ou plus généralement parce qu’ils ne disposent pas d’une formation d’enseignant.
L’absence d’un coin à soi pour travailler ou le fait de ne pas disposer d’un ordinateur ni d’une tablette, voire d’une connexion à internet, représente d’autres obstacles au maintien d’activités éducatives à la maison.
Les recherches dans le domaine de l’éducation en situation de crise suggèrent que presque tous les élèves, et encore plus les élèves vulnérables, subissent une baisse de performance scolaire ou un retard dans les apprentissages lors d’un arrêt prolongé.
«Lors des vacances scolaires, on voit les écarts s’agrandir entre les plus forts et les plus faibles, confirme Monique Boudreau, directrice générale du District scolaire francophone Sud. C’est certain que lorsqu’on ajoute plusieurs mois, il faut s’assurer de mettre l’accent sur la lecture qui contribue grandement à la réussite éducative.»
Au cours des derniers jours, les autorités scolaires ont donc organisé la distribution de livres et d’ordinateurs portables aux familles qui en avaient besoin. Monique Boudreau indique cependant qu’une centaine de foyers à travers le district n’ont pas d’accès à internet. Des discussions sont désormais engagées avec le gouvernement provincial pour leur offrir un accès aux ressources en ligne.
«Il faut s’assurer de cette équité qui est très importante pour nous», souligne la directrice générale.
De leur côté, les enseignants sont toujours tenus de maintenir le lien avec les élèves.
«On s’attend à ce qu’ils aient des contacts hebdomadaires et qu’ils proposent des activités pour continuer de stimuler nos jeunes, s’assurer que les acquis ne soient pas perdus et qu’on évite des grands retards à la réouverture», note Luc Caron, directeur général du District scolaire francophone Nord-Ouest.
Or le maintien du lien avec l’enseignant n’est plus le même pour tous les élèves. Dans le District scolaire francophone Sud par exemple, certaines classes continuent de se réunir de façon virtuelle grâce à la plateforme Teams qui permet d’échanger via un système de chat ou de visioconférence. La direction du district dit continuer à offrir de la formation pour mieux outiller les enseignants à ce nouvel outil.
PAS TOUS DANS LE MÊME BATEAU
Si le ministère de l’Éducation rappelle que les travaux suggérés sont facultatifs, il appelle tout de même les parents à «collaborer avec l’enseignant(e) de façon à assurer la continuité des apprentissages à la maison pendant la fermeture des écoles».
Chantal Varin, directrice générale de l’Association francophone des parents du Nouveau-Brunswick, y voit un message contradictoire. Elle montre du doigt le risque d’épuisement.
«Certains parents poussent très fort pour assurer l’apprentissage et organiser des activités, d’autres mettent plus l’accent sur la réalisation de tâches dans la maison, dit-elle. Il y a les parents qui sont très disponibles et il y a ceux qui travaillent à la maison. Pour ces familles qui ont de très wjeunes enfants, ça peut devenir une grande surcharge.»
Gérald Arseneault, président de l’Association des enseignantes et enseignants francophones du Nouveau-Brunswick, veut en tout cas rassurer les parents. Pas question de leur imposer un fardeau supplémentaire, lance-t-il.
«La continuité des apprentissages, ce n’est pas donner des devoirs, évaluer, corriger, donner des notes ou imposer des tâches aux élèves et aux parents. On ne peut pas recréer la salle de classe. Les parents ne doivent pas paniquer et s’occuper du bienêtre de l’enfant avant tout.»
Lors de la reprise des classes, le personnel enseignant aura pour mission de faire le point sur le maintien des acquis et d’organiser un rattrapage personnalisé.
«Nous sommes tous dans la même tempête, mais pas tous dans le même bateau, certaines embarcations sont mieux équipées que d’autres, reconnaît M. Arseneault. Tout le monde s’accorde à dire que ce ne sera pas une rentrée traditionnelle, mais c’est certain que les enseignants s’adapteront. Ils prendront l’enfant où il sera en septembre pour l’amener au meilleur de ses capacités.» ■