Le confinement est loin d’être facile pour les enfants autistes et leur famille
«Ça demande de l’imagination et du courage», confie une maman
Au cours des derniers jours, Ryan Hébert a passé l’aspirateur à l’extérieur de chez lui. Sa mère craint aussi qu’il oublie d’éteindre sa cuisinière. Si cet homme âgé de 23 ans est autonome en temps normal, il affronte des difficultés durant le confinement à cause de son autisme.
Le jeune homme ressent en effet beaucoup d’émotions du fait des consignes visant à freiner la propagation de la COVID-19. Ses 15h de travail hebdomadaires en restauration, ses séances de lectures à la bibliothèque, son café quotidien aux Tim Hortons et les rencontres avec sa travailleuse de soutien, toutes ses habitudes sont maintenant interdites.
«Les personnes autistes sont très routinières, explique la mère de Ryan Hébert, Cheryl DesRoches. L’apparition de la COVID-19, c’est comme une tempête de neige dans le corps et le cerveau de Ryan.»
Le jeune homme est toutefois incapable d’exprimer ses émotions. Sa maman souligne par exemple l’avoir vu pleurer pour la dernière fois quand il avait 7 ans.
«Ses wipers ne fonctionnent pas bien, il ne voit donc pas clairement et peut moins se concentrer», illustre-t-elle pour mettre en évidence les conséquences du blizzard dans lequel se trouve son fils.
COMPRÉHENSION DIFFICILE
Ryan rencontre de surcroît des difficultés à prendre conscience de ce qui est invisible à ses yeux. «Ryan ne comprend pas la COVID-19, témoigne Mme DesRoches. Il ignore pourquoi il doit garder ses distances et se laver les mains souvent.»
La secrétaire s’inquiète donc pour la sécurité de M. Hébert lorsqu’elle et son mari travaillent, même s’il passe plus de temps chez eux à Shediac. D’autant plus qu’il s’ennuie. Il a notamment ajouté 5000 amis sur Facebook récemment.
«Heureusement, il dort davantage, souffle sa mère. J’essaye de lui donner des idées, car il ne peut pas penser par lui-même: je l’emmène en voiture, je lui demande de me donner une clef USB avec de la musique et de réorganiser ses livres, je joue plus souvent aux cartes avec lui…»
Elle se réjouit de l’aide qu’elle a reçue de la part des travailleuses sociales et de soutien en autisme, malgré les consignes de distanciation physiques. M. Hébert reçoit vingt repas surgelés par mois ainsi que de nombreux appels et messages textes, selon elle.
LENTE RÉCUPÉRATION DES ROUTINES
«En tout temps, notre focus, c’est Ryan, remarque-t-elle néanmoins. Je ne peux plus me promener, ni lire, ni aller à l’épicerie. C’est un peu difficile. Ça demande de l’imagination et du courage. Mais ça pourrait être pire.»
La mère craint aussi d’avoir des difficultés à faire en sorte que son fils reprenne un jour la routine qui lui a permis d’être indépendant.
«À cause de toutes les tempêtes qui seront passées à travers lui, on ne pourra pelleter la neige que peu à peu, prévoit-elle. Il ne pourra pas tout de suite travailler à nouveau 15h par semaine.»
La directrice du Centre d’excellence en autisme de la Péninsule Acadienne, Liette Lanteigne précise que les conséquences du confinement dépendent des habiletés en communication et de la rigidité de chaque personne autiste.
«Ce sont les périodes de changements qui sont les plus difficiles pour elles», détaille-telle en soulignant la sécurité qu’elles ressentent en ayant des routines.
Elle conseille aux parents de stimuler leurs enfants autistes avant le déconfinement.
«C’est important de les sortir de la maison, même s’ils sont hypersensibles aux bruits, aux odeurs et aux températures, soutient-elle. Au Walmart par exemple, il y a beaucoup de stimuli: les portes automatiques, les couleurs vives, les conversations, le couinement des chariots… Il faut les réhabituer à ça. On ne veut pas qu’ils régressent.» ■