EN ATTENDANT LE RETOUR DES CLIENTS
Le Nouveau-Brunswick devrait annoncer vendredi les détails de la prochaine phase de déconfinement. Pour bien des entreprises au contact de la clientèle, la levée prochaine des restrictions est un saut dans l’inconnu.
D’après le plan présenté le mois dernier, celle-ci pourrait notamment concerner les commerces de vente au détail, les bureaux, les restaurants et les terrains de camping.
Cette reprise progressive de l’activité soulève son lot de questionnements chez bien des entrepreneurs. Certains hésitent même à se lancer.
Sur la rue St-George, à Moncton, la terrasse du Laundromat Espresso Bar est désertée depuis plusieurs semaines. La sandwicherie Notre Dame de Parkton, située à deux pas de là, ne laisse plus entrer les clients. Marc Léger, propriétaire des deux établissements, ignore si leurs portes ouvriront dans les prochains mois.
Voilà plusieurs semaines qu’il a revu son modèle d’affaires et assure la distribution de boîtes remplies de bacon, de salades, de fromages et autres produits locaux.
«Ça paye les bills et ça offre un point de vente aux producteurs qui ont perdu l’accès aux marchés des fermiers. Pour l’instant, je n’ai pas de pertes, confie-t-il. Si je veux rouvrir il faudrait réembaucher, mais si le client n’est pas au rendez-vous… ce serait prendre un risque.»
Marc Léger s’interroge désormais sur l’avenir rapproché des deux enseignes, prisées par les artistes et la communauté universitaire.
«Pour ouvrir, tu dois mettre beaucoup d’efforts, investir dans de l’équipement et tu restes à la merci d’une seconde vague. Peut-être que le Laundromat va plutôt devenir une épicerie de quartier d’ici la fin de l’été? Pour l’instant, tout est très vague, on y va à la semaine!»
Du côté de la boutique Comic Hunter, en revanche, on s’active pour remettre le train en marche. Le gérant Rémi Vienneau Leclair attend avec impatience le retour des passionnés de figurines, de bandes dessinées et de jeux de société.
«Il faut qu’on ouvre pour rester en vie! Le Nouveau-Brunswick est en bonne position, on ne peut pas vivre en quarantaine le reste de notre vie», souligne-t-il.
Le repaire des collectionneurs a dû se tourner en catastrophe vers la vente en ligne pour se maintenir à flot. Six des huit employés ont été mis à pied temporairement.
Réorganisation de l’espace, sens de circulation, nombre de clients limité, matériel de protection, l’équipe se prépare désormais à la nouvelle réalité. Rémi Vienneau Leclair se dit «optimiste mais prudent» et reconnait que l’adaptation est délicate.
Certains de ses employés n’ont pas trouvé de solution pour faire garder leurs enfants.
«Ce n’est pas non plus facile de trouver du gel hydroalcoolique ou des masques tout de suite. On ne sait pas encore quelles sont les règles, j’aimerais avoir une liste de choses à respecter. Pour le moment, on opère un peu à l’aveugle. Dans notre commerce, le monde touche aux articles, alors nous allons probablement demander aux gens de prendre des gants.»
Chose certaine, les soirées de jeux, elles, ne reprendront pas de sitôt.
DES MESURES SANITAIRES DANS LES LIEUX DE TRAVAIL
Pour mieux répondre à ces inquiétudes, les chambres de commerce de Moncton, Fredericton et Saint-Jean ont publié cette semaine un guide destiné aux entreprises.
On y apprend que les exploitants sont tenus d’élaborer un plan de réouverture incluant une évaluation des risques et une série de mesures d’atténuation. Le gouvernement provincial n’a pas l’intention de produire une liste de contrôle pour chaque type d’entreprise.
Les organisations devront toutefois s’assurer qu’elles permettent une hygiène des mains fréquente pour les clients et le personnel en s’assurant que les fournitures de base sont disponibles. Tous les endroits communs devront être nettoyés et désinfectés deux fois par jour, ou plus souvent au besoin.
Les entreprises sont également tenues d’afficher les messages de la Santé publique relatifs à la distanciation sociale, aux règles d’hygiènes et autres moyens de limiter la propagation.
Si un employeur ne peut pas maintenir systématiquement une séparation de deux mètres entre les personnes, Travail Sécuritaire NB recommande l’installation d’une barrière physique, telle qu’un protecteur en plastique transparent. Si ce n’est pas possible, toutes les personnes entrant dans un lieu de travail doivent faire l’objet d’un dépistage actif des symptômes de la COVID-19, qui inclut le contrôle de la température.
Bien entendu, le port d’un masque non médical, d’un couvre-visage en tissu ou d’un écran facial est également recommandé lorsqu’il n’est pas possible de respecter l’éloignement physique.
LA MAIN-D’OEUVRE SERA-T-ELLE AU RENDEZ-VOUS?
Certains employeurs se demandent toutefois comment remobiliser leur équipe dans le contexte actuel.
Après une pause forcée qui aura duré six semaines, le restaurant Blue Olive de Dieppe reprend du service cette semaine, via un service de ramassage et de livraison sans contact.
Le propriétaire, Mohamed Ali M’halla, espère pouvoir relancer le service à la table, mais il lui faudra d’abord surmonter plusieurs défis.
«Il faut reprendre contact avec les employés, les former aux normes d’hygiène et de sécurité. Il faut aussi les motiver, mentionnet-il. Quand on reçoit une prestation d’urgence, on ne veut pas forcément reprendre le travail à temps plein. À cela s’ajoute la peur de la contamination...»
Nouvelles tâches, nouveaux horaires, restriction du nombre de clients, toute l’organisation du travail est à réinventer. Enthousiaste, le chef d’entreprise craint cependant les problèmes de trésorerie.
«On n’a pas de revenu présentement, il va falloir trouver une solution pour acheter le matériel et payer les charges… On a peur que la clientèle ne revienne pas, résume Mohamed Ali M’halla. On espère se relever vite, mais il faudra rester patient et positif!» ■