TROP DE SPECTACLES GRATUITS SUR LE WEB?
«Les gens vont de moins en moins voir des spectacles. Là, on se donne à la face de tout le monde» Depuis le début de la pandémie, la toile est inondée de productions et de prestations artistiques, dont plusieurs sont offertes gratuitement. Quel impact au
En ces temps de confinement, les artistes cherchent des façons de demeurer présent dans le paysage médiatique et de partager leur art avec le public qui, de son côté, a soif de culture. Ce qui est tout à fait louable. Or certains artistes, comme Sandra Le Couteur, commencent à réfléchir à cette question.
Une mise en garde de l’ONU sur la trop grande gratuité des produits culturels suivie d’un article paru dans le journal le Devoir a sonné l’alarme chez la chanteuse.
En offrant gratuitement leur spectacle, elle craint que les artistes professionnels qui gagnent leur vie avec leur art se tirent une balle dans le pied. Une fois la pandémie derrière nous, les gens voudront-ils à nouveau payer pour voir un spectacle en salle? Le secteur est déjà fragile.
«Je pense aux diffuseurs qui travaillent tellement dur pour nous offrir des contrats, amener le monde dans les salles parce que les gens vont de moins en moins voir des spectacles. Là, on se donne gratuitement à la face de tout le monde. Après ça, quand on va vendre notre spectacle, les gens vont dire: on vous a vu dix fois sur le web. C’est une réflexion, je n’ai pas la réponse.»
Celle qui envisageait de présenter d’autres performances virtuelles s’est ravisée. Pour l’instant, elle ne pense pas en faire d’autres à moins que ce soit vraiment positif.
«On aime notre monde, mais c’est aussi une question de respect envers moimême. Je vais continuer à présenter des vidéos amusants sur ma page Facebook personnelle, mais pour mon métier, je ne pense pas.»
UNE SORTIE DE SECOURS
L’auteure-compositrice-interprète Christine Melanson, qui a probablement été la dernière artiste à offrir un spectacle en salle à Moncton à l’occasion du lancement de son album, jongle avec la question. Certains de ses amis musiciens offrent des prestations gratuites en ligne, parfois en échange de pourboires ou de dons.
«Il y a des gens qui ont besoin de faire des spectacles, comme de respirer. Pour eux, ça devient comme une sortie de secours pour leur santé mentale. C’est leur droit et on ne peut pas les en empêcher. Ça fait en sorte qu’on est pas mal bombardé de Facebook live. Au début, je les regardais beaucoup et je suis de plus en plus sélective avec les spectacles que je choisis de regarder. Je trouve que ç’a un impact un petit peu négatif sur ceux qui décident de faire partie de différentes initiatives payées comme Canadaenprestation et NB Chez soi (qui versent un cachet aux artistes).»
Même si avant la pandémie, l’industrie du spectacle traversait une période difficile, Christine Melanson demeure quand même optimiste. À son avis, les gens auront envie de soutenir les arts, une fois le confinement terminé. Ce sera le retour du pendule.
«J’ai l’impression que là on va être gavé de Netflix et de streaming, qu’on aura peutêtre envie de sortir pour voir plus de spectacles. C’est l’optimiste en moi qui parle. J’espère que ça va être comme ça.»
Christine Melanson profite de cette pause pour pratiquer et travailler sur du nouveau matériel, tout en restant quand même active sur les médias sociaux.
«Le fait qu’il y a beaucoup de live tout de suite sur internet fait en sorte qu’il y a beaucoup d’offres pour la demande et j’ai l’impression que les gens commencent à être un peu tannés de voir autant de live tout le temps.»
En entendant la réouverture des salles de spectacle, l’agent d’artistes Carol Doucet estime qu’il est important que les artistes demeurent présents dans le paysage médiatique, d’autant plus que plusieurs d’entre eux perdront environ une année dans le développement de leur carrière. Beaucoup de musiciens ont dû suspendre la production de leur album. ■