UN TRÉSOR CACHÉ DU PATRIMOINE ACADIEN
Entreposé dans le sous-sol d’une école à Shediac depuis 40 ans, un immense tableau de la Déportation réalisé par Édouard Gautreau, en 1930, sera bientôt déménagé et exposé au Musée de Kent à Bouctouche.
La Société historique de la Mer Rouge (SHMR), qui sauvegarde la toile d’Édouard Gautreau depuis les années 1980, l’a récemment légué à l’organisme de bienfaisance Nation Prospère Acadie. L’oeuvre sera prêtée au Musée de Kent afin que le tableau puisse être exposé.
La fresque – en fait un rideau de scène de 3 mètres par 5,5 mètres en deux sections – a été placée dans un immense tube afin d’assurer sa conservation. Le tableau a été vu pour la dernière fois en 2018. Tous s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un trésor inestimable de l’art acadien même si son état s’est détérioré avec les années.
«Même s’il est détérioré, on trouve qu’il y a une valeur à l’exposer parce que c’est quelque chose qui a été fait avec soin et l’artiste est bien connu dans le Sud-est pour avoir fait plusieurs grandes oeuvres dans les églises et ça fait partie de son porte-folio», a déclaré le directeur général de Nation Prospère Acadie, Daniel LeBlanc.
Celui-ci précise qu’il ne reste pas beaucoup de peintures d’Édouard Gautreau puisqu’une grande partie de ses oeuvres ont été détruites dans des incendies, dont celui de l’église de Sainte-Anne de Kent, qui contenait une centaine de ses fresques et tableaux. L’artiste était reconnu aussi pour ses reproductions. Le tableau de la Déportation est une reproduction d’une oeuvre de Sir Frank Dicksee avec laquelle il s’était permis quelques petites libertés. Sur le tableau, on voit, entre autres, Évangéline et son père.
Le président de la SHMR, Armand G. Robichaud, connaît très bien l’histoire de ce précieux trésor pour avoir été impliqué dans l’effort de sa conservation depuis les tous débuts. Il se réjouit de la décision du Musée de Kent d’accueillir ce tableau pour le mettre en valeur. M. Robichaud raconte que cette oeuvre a été conçue et utilisée comme un rideau de scène à la salle paroissiale de Chimougoui (Shemogue).
C’est le curé de l’époque à cette église, le regretté Maurice A. Léger, qui a entamé les efforts de sauvegarde du tableau abandonné dans la salle paroissiale en ruines.
UN GRAND DÉFI DE RESTAURATION
Étant donné son immense taille et l’importance des sommes à rassembler pour le restaurer, estimées à environ 100 000$ à l’origine, la SHMR n’a jamais réussi à compléter le projet. Les autorités de Nation Prospère Acadie et du Musée de Kent veulent procéder par étape. Ils n’ont pas encore les fonds nécessaires pour restaurer le tableau. Toutefois, ils ont l’intention de lancer une petite compagne de financement avec un objectif d’environ 10 000$ afin de pouvoir l’exposer dans des conditions appropriées. Une experte en restauration d’oeuvres d’art les aidera à préparer cette exposition.
«Avec cet argent, ça nous permettra de l’exposer sur un grand cadre parce qu’il y a des parties qui manquent sur le tableau ou qui ont été enlevées ou détériorées. La restauratrice va pouvoir l’assembler d’une façon à ce que les gens puissent visuellement l’imaginer comme il devrait être. Si c’est exposé dans des conditions sécuritaires, ça ne va pas contribuer à le détériorer plus qu’il est maintenant», a souligné Daniel LeBlanc.
Quant au projet de restauration complète, il estime qu’il est encore trop tôt pour prendre une telle décision. Il faut d’abord le déballer, constater son état et analyser les différentes options possibles.
«Pour nous, c’est important que la population acadienne puisse avoir accès au tableau.»
L’organisme doit obtenir l’autorisation de la direction de l’école Louis-J.-Robichaud pour avoir accès au tableau. Il sera ensuite déménagé à Bouctouche pour être exposé. Daniel LeBlanc croit que l’exposition se tiendra probablement au mois de juillet à l’occasion du 140e anniversaire de la construction de l’ancien Couvent de Bouctouche qui abrite maintenant le Musée de Kent.
Nation Prospère Acadie qui s’est donné comme mission de valoriser l’art populaire acadien en créant une banque d’oeuvres d’art a acquis la collection Cormier l’automne dernier. Une partie de cette collection qui comprend plus de 1200 oeuvres sera aussi en montre cet été au Musée de Kent.
«Depuis le mois de décembre, il y a des travaux de rénovation à l’intérieur du musée. Les deux grandes salles ont été restaurées dans le but d’accueillir une galerie au deuxième étage du couvent», a-t-il ajouté. ■