IMPACT «DÉVASTATEUR» POUR LES FERMES ET USINES
La possibilité de voir le gouvernement Higgs renoncer au moratoire sur les travailleurs étrangers temporaires est reçue comme une bouffée d’air frais dans les usines de transformation de produits de la mer et dans les fermes agricoles. Mais c’est peut-être trop peu trop tard.
Le premier ministre envisagerait de reconsidérer cette restriction, compte tenu de la situation très favorable de la province face à la COVID-19. Il y a aussi le fait que les travailleurs locaux ne se sont pas rués sur ces emplois disponibles depuis bientôt deux mois.
Serge Haché, directeur de Bolero Shellfish Processing de Saint-Simon, souhaite que ce ne soit pas seulement des paroles de la part du chef du gouvernement. Il a absolument besoin de ces employés pour assurer l’efficacité de son entreprise de transformation de fruits de mer.
«Dans notre section pour le homard, ce sont pratiquement tous des employés étrangers que nous embauchons. C’est plus du quart de notre personnel total (42 sur 175), mais c’est encore plus important dans d’autres usines, où ils sont presque 50% de la maind’oeuvre», mentionne-t-il.
Dans ce possible changement de cap, les transformateurs devront faire vite, ajoute-til. Déjà retardée de deux semaines, la saison de pêche vient d’écouler sa première semaine en mer. Si ces travailleurs étrangers doivent respecter une quarantaine de deux semaines à leur arrivée dans la province, ils ne seront à l’ouvrage que pendant trois semaines pour terminer la saison de printemps. C’est peu, au dire du directeur, même si c’est mieux que rien.
«On avait acheté leurs billets d’avion quand le moratoire est arrivé. Et nous n’étions pas les seuls. Nous avions tout mis en place et la province décide tout d’un coup de tout arrêter ça. C’est comme si sa main gauche ne parlait pas à sa main droite. Si jamais on peut retrouver nos employés étrangers, ça va nous donner un bon coup de pouce. Ils sont déjà formés pour le travail demandé. Un nouveau ne s’entraîne pas en 24 heures», déclare M. Haché, qui admet qu’il y a eu très peu d’intérêt local pour ces postes libres.
DES DOMMAGES
À Grande-Anse, Reno Poirier doit mettre les bouchées doubles s’il veut que sa production des Légumes chez Reno soit prête à temps.
Mais ce sera difficile d’y arriver. Il n’a pas pu accueillir ses deux employés de la Jamaïque. Deux travailleurs spécialisés qui ont un impact direct sur ce que font les huit autres affectés aux champs ce printemps.
«J’espère que les bottines suivront les babines, a commenté l’agriculteur devant cette possible volte-face du gouvernement Higgs.
Quand il a annoncé le moratoire, ça nous a déstabilisés. On nous avait pourtant assuré à Ottawa que nous pourrions avoir ces travailleurs, mais Higgs est intervenu. Cela a hypothéqué notre saison parce que cela a créé un stress émotionnel en pleine saison des semis.»
Incapable d’avoir tout le personnel nécessaire en cette période cruciale dans ses champs de petits fruits et de légumes, M. Poirier s’attend donc à des récoltes retardées et réduites. Son équipe n’a pas pu mettre en terre tout ce qu’elle espérait, faute de ces deux travailleurs essentiels.
«Les gens pensent qu’on plante des petites graines et qu’on passe nos journées à faire des saluts sur notre tracteur. Ce n’est pas ça du tout, notre métier. Nous dépendons de cette main-d’oeuvre qualifiée. La possibilité de revoir le moratoire fait du bon sens, mais nous devons déjà faire face à des dommages qu’on ne pourra pas tout récupérer», estime le producteur, qui dit n’avoir reçu aucune candidature quand il a ouvert les postes d’ouvriers agricoles spécialisés. ■