Sans travailleurs étrangers, des fermiers redoutent l’effondrement de leur industrie
L’interdiction des travailleurs étrangers temporaires aurait des séquelles permanentes sur l’industrie agricole et la production de nourriture dans la province, selon trois associations de fermiers.
Les travailleurs étrangers temporaires ne peuvent plus venir au Nouveau-Brunswick depuis le 28 avril. Le gouvernement provincial a imposé cette mesure pour limiter la propagation de la COVID-19.
Mais il n’y a pas eu de ruée dans les champs et dans les usines de transformation de fruits de mer pour renflouer la main-d’oeuvre comme Blaine Higgs l’aurait souhaité.
En point de presse mercredi, le premier ministre a même évoqué la possibilité d’annuler l’interdiction puisque la menace du virus semble s’être résorbée.
En attendant, les fermiers angoissent. Selon Rébeka Frazer-Chiasson, présidente de l’Union nationale des fermiers au N.-B., la capacité de production des fermes est réduite à cause du manque de main-d’oeuvre.
Cela signifie moins de produits locaux dans une province qui dépend déjà beaucoup de l’importation de denrées alimentaires.
«Ça prend une action maintenant. On a déjà perdu trop de temps, il y a déjà eu des dommages irréversibles, mais on a encore le temps d’agir», dit Rébeka Frazer-Chiasson.
Le statu quo pourrait mener à des pertes importantes dans une industrie dont les marges de profit sont déjà maigres, d’après elle.
L’Union nationale des fermiers du N.-B., l’Alliance agricole du N.-B. et la Récolte de Chez-Nous ont mené un sondage interne chez 18 fermes membres.
Résultat: 2000 acres de terres ne seraient pas ensemencées cette année à cause de l’absence de travailleurs étrangers temporaires. Les pertes totales s’élèveraient à environ 7 millions $, selon les organismes.
De plus, les fermes devront prioriser les semences dont les marges de profit sont plus élevées. On risque ainsi de ne pas voir de cosses vertes et jaunes locales cette année.
Le gouvernement a tenté de jumeler des gens sans emploi aux fermes et aux usines affectées, mais ce plan a des lacunes importantes que le gouvernement n’a pas cherché à régler, selon Rébeka Frazer-Chiasson.
«On parle de gens non qualifiés pour remplacer des personnes qui ont passé leur vie à bâtir leurs compétences dans le domaine agricole.»
Elle estime aussi que cette initiative vit des ratés puisque les salaires offerts par les fermes sont peu attrayants pour la plupart des NéoBrunswickois.
Par ailleurs, beaucoup de travailleurs sont sans emploi à cause de la crise. Comme le
Nouveau-Brunswick a amorcé son processus de déconfinement, ces personnes chercheront à regagner leur vieil emploi plutôt que d’aller désherber des sillons sur une ferme, d’après Mme Frazer-Chiasson.
Kent Coates, propriétaire de la ferme Nature’s Route, engage habituellement trois travailleurs mexicains. Cette année, à cause de l’interdiction, un de ces travailleurs s’est trouvé un emploi dans une autre ferme, dans une autre province.
Somme toute, les fermiers croient que les Néo-Brunswickois ne pourront pas combler les lacunes en matière de main-d’oeuvre dans les champs cet été.
Blaine Higgs a aussi songé à cette éventualité.
Lors d’une conférence de presse mercredi, le premier ministre s’est dit déçu du manque d’intérêt des Néo-Brunswickois pour le programme de jumelage.
«Je crois qu’environ 250 personnes se sont offertes et sont à l’emploi ou cherchent un emploi.»
Blaine Higgs dit qu’il s’attendait à ce que beaucoup plus de gens cherchent à travailler dans les fermes et dans les usines de transformation de fruits de mer compte tenu de la «proportion de gens au chômage dans la province.»
Il assure que si les postes vacants ne sont pas remplis dans les prochains jours, il «prendra des décisions» pour combler les besoins de l’industrie.
Rébeka Frazer-Chiasson salue cette ouverture.
«Ce ne serait pas une décision populaire de renverser l’interdiction, mais en ce moment, c’est une question de justice pour les fermes et surtout pour les travailleurs.» ■
«La décision d’interdire l’accès à ces travailleurs a été dévastatrice», estime le fermier.