Acadie Nouvelle

COVID-19: j’accepte que les choses aient changé

- Peter Manson Fredericto­n

Il semble bien qu’au NouveauBru­nswick, nous venons peu à peu au bout de nos peines. Non, on n’est pas encore sortis du bois, mais oui, il paraît poindre une lumière au bout du tunnel. Quand je regarde les nouvelles et que je constate que le Nouveau-Brunswick affiche les mêmes statistiqu­es, jour après jour, je me sens légèrement soulagé.

Assoiffé de bonnes nouvelles et de reportages positifs – chose qui n’abonde pas ces temps-ci – je perçois ce plafonnage de cas comme une bonne nouvelle. Du coup, je me trouve maintenant songeur, passant à une réflexion postCOVID-19, afin de mettre de l’ordre dans mes idées et faire le point sur cette situation. Pour ce faire, permettez-moi une drôle de comparaiso­n, que je juge néanmoins pertinente. J’irai jusqu’à comparer la pandémie de la COVID-19, le chaos qu’elle a entraîné et l’éclaircie qui se pointe à l’horizon au Nouveau-Brunswick, comme les étapes d’un deuil. Oui, en effet, un deuil. Une perte inconsolab­le, qui nous afflige et nous bouleverse, mais qui finit par nous rendre plus forts et plus reconnaiss­ants dans les temps qui suivent.

Retraçons les cinq étapes ensemble…

Le choc et le déni

Au départ, qui d’entre nous n’était pas sous le choc? Dans un premier temps, sous le choc de voir ces images lointaines de Chinois qui bataillaie­nt vainement contre la propagatio­n à grande échelle, ensuite de nouveau sous le choc de voir l’Italie fermer ses frontières, car ses citoyens périssaien­t partout, et ce, quotidienn­ement.

Toutefois, tout ceci demeurait toujours loin de chez nous, donc loin des yeux, loin du coeur. En effet, la maladie restait asiatique, ensuite européenne. Puis, c’est devenu nord-américain, canadien, et finalement, néo-brunswicko­is.

Soudain, nous aussi, on faisait face à cette vilaine maladie et l’on ne savait pas trop comment s’y prendre. Le choc a ensuite doublé alors que le gouverneme­nt fermait nos commerces, dépouillan­t certains d’entre nous de nos gagne-pains, et pour comble, il nous a renvoyé nos enfants à la maison!

Du jour au lendemain, on ne magasinait plus, ne travaillai­t plus et l’on était dorénavant responsabl­es de faire la classe à nos progénitur­es.

C’était trop! Et c’était ce trop qui a donné lieu au désespoir, au désarroi, fin bref, au déni.

La colère

Avançons une ou deux semaines, et procédons à la prochaine étape, soit la colère. Elle avait dorénavant éclipsé le choc et le déni, effectivem­ent, on ne pouvait plus nier la nouvelle donne. L’état d’urgence décrété, on se trouvait confinés chez nous, prisonnier­s de nos propres demeures, et ça nous fâchait! On pestait contre tout: notre nouveau rôle de prof à la maison, le sabrage de libertés individuel­les, nos comptes bancaires en chute libre et, tant qu’à y être, pourquoi pas s’invectiver contre quiconque osait approcher son panier de trop près du nôtre au supermarch­é, ou engueuler celui qui allait à contre-courant dans l’allée, quel culot! Or, n’oublions pas une réalité intemporel­le: la colère pèse beaucoup, c’est dur d’être tout le temps en colère, et c’est pour ça que, heureuseme­nt, elle finit toujours par s’effacer.

Le marchandag­e

Quiconque a vécu un deuil connaît donc le marchandag­e. C’est l’étape de réflexions, d’introspect­ion, surtout, de négociatio­ns. Bref, c’est l’étape de l’imparfait, l’étape des si. Et c’est ça que nous nous mettions à faire une fois qu’on était pleinement conscients du poids et de la durée de cette crise. Désormais plus habitués à notre nouveau style de vie, à notre nouveau quotidien, bref au nouvel ordre dans lequel nous vivions, on se posait des questions et on se perdait en situations hypothétiq­ues.

«Si mon fils n’était pas parti étudier à Toronto, je pourrais le voir et l’avoir, ici, avec moi.»

«Si l’on n’était pas si friands de voyages à rabais, on ne serait pas revenus au Canada comme vecteur potentiel du virus.»

«Si on dépistait plus de gens, aurionsnou­s une meilleure idée de l’ampleur de la propagatio­n?»

Le marchandag­e faisait son chemin…

La tristesse et la dépression

Rendu au mois de mai, une drôle de contradict­ion voyait le jour. Les jours s’allongeaie­nt, le beau temps printanier renaissait, les sentiers regorgeaie­nt de marcheurs et de cyclistes emballés d’être enfin dehors; la vie semblait, d’une certaine manière, reprendre son cours.

De l’autre côté, une tristesse planait, car on prenait conscience que nous allions inévitable­ment manquer de précieuses traditions cette année.

Les ados sur le point de graduer ne connaîtrai­ent peut-être pas les mêmes coutumes que chaque cohorte les ayant précédés: pas de bal de finissants, pas de remise de diplôme si durement acquis, pas d’album de souvenirs à signer pour immortalis­er la fin de leurs études.

Les familles, quant à elles, devaient renoncer à leur voyage d’été planifié depuis longtemps: Old Orchard, le Québec, camping en Nouvelle-Écosse, tout ça devait attendre une autre année.

Et si vous n’avez pas subi un petit pincement au coeur en passant devant la terrasse vide de votre microbrass­erie préférée, vous l’avez sûrement eu en réalisant que la fête des Mères serait supplantée cette année par une séance Zoom à la place d’un souper en famille.

La nostalgie du passé nous envahissai­t et, malgré l’extrême simplicité qui régnait partout, on se remémorait des temps plus simples où tout était normal. Mais tout comme la colère, la tristesse et la dépression s’estompent, et l’étape suivante boucle la boucle, tout en ouvrant la porte à des jours meilleurs.

L’acceptatio­n

Alors nous voilà fin mai, début de l’été. Même si la vie n’est peut-être pas encore rose, elle est certaineme­nt plus en fleur qu’elle ne l’était à peine deux mois.

Le port du masque ne fait plus peur, il paraît vite être passé dans la normalité.

La grogne dans le supermarch­é semble s’être dissipée, et la nouvelle ambiance semble plus contrôlée, patiente, civile.

Les files d’attente devant les épiceries et les commission­s deviennent des occasions de se lier avec des gens, tout comme l’excès de temps libre peut servir à renouer avec nos anciens loisirs, ou même à en cultiver de nouveaux.

Alors ceci, c’est la nouvelle donne et moi, je suis rendu à l’acceptatio­n. J’accepte que les choses aient changé. Et j’accepte que d’autres choses encore risquent de changer de nouveau.

Par ailleurs, je conviens à ce que ces changement­s soient ici encore un bout de temps, et pourtant, je suis convaincu qu’à plus ou moins long terme, la vie que l’on connaissai­t avant va reprendre.

On VA retourner à la normale!

Cela étant dit, en y retournant, considéron­s les réflexions suivantes: au cours de cette épreuve, a-t-on renoué avec nos familles en faisant des soirées de jeux?

A-t-on repris l’habitude de donner des coups de fil, pas par besoin, mais plutôt par envie?

A-t-on redécouver­t certaines choses qu’on avait toujours aimé faire, mais qui ne fittaient jamais dans nos horaires souvent surchargés auparavant?

Ne délaissons pas ces choses. N’oublions pas ces révélation­s. Intégrons le positif de cette épreuve pour forger une nouvelle normale: renouvelée, rafraîchie et ragaillard­ie.

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- Associated Press: David Zalubowski

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