LA CHINE SOUS FORTE PRESSION
Vendredi, environ 3000 délégués à la réunion annuelle du Parlement chinois, l’Assemblée nationale populaire (ANP), se réunissaient à Pékin pour décider de questions politiques et économiques, généralement déjà approuvées par le Parti communiste chinois (PCC).
Cette année, la rencontre aurait dû être pour Xi Jinping une occasion triomphale, marquant le milieu de son second mandat à la présidence de la Chine avec, devant lui, la voie dégagée pour entamer un troisième mandat sans précédent en 2023.
Xi s’est néanmoins présenté sur la scène du Palais de l’Assemblée du Peuple au coeur d’une pandémie mondiale qui a émergé dans son pays. Xi sait bien que son gouvernement fait face probablement aux pires défis économiques et financiers depuis que Deng Xiaoping a engagé la Chine sur la voie des réformes à la fin des années 1970.
QUE FAIRE DES «ROUTES DE LA SOIE»?
Il y a d’abord le projet monumental des «nouvelles routes de la soie». Lancée en 2013 par Xi Jinping, l’initiative a déjà conduit la Chine à investir plus de 450 milliards $ dans près de 140 pays d’Asie, d’Europe, d’Amérique du Sud et d’Afrique.
Or, en bloquant la longue liste des projets en chantier, la pandémie de COVID-19 met la Chine sous une pression financière qu’on peut difficilement exagérer.
Un nombre croissant de pays en développement ayant rejoint l’initiative de Pékin sont aujourd’hui confrontés à des problèmes économiques induits par la crise du nouveau coronavirus.
Ceux qui prédisent une fin abrupte pure et simple du gigantesque projet pourraient toutefois s’en mordre les doigts. Le président Xi a placé le concept au coeur de sa politique intérieure et extérieure. L’une de ses grandes priorités, le projet devrait donc rester d’actualité jusqu’en 2050, pour le centenaire de la République populaire de Chine (RPC).
Des pays du monde en développement, participant au complexe programme d’investissement chinois, sont également économiquement faibles et parmi les moins préparés à faire face à la crise sanitaire actuelle. Pékin doit décider de sauver sa propre économie ou renégocier (voire, annuler) les prêts de ses partenaires.
Aucun des choix disponibles n’est aisé. D’une part, la Chine peut difficilement refuser de renégocier les prêts à ses partenaires sans ternir davantage son image sur la scène internationale aggravée par la pandémie de COVID-19. D’autre part, concéder des prolongations de remboursement, voire un allègement de la dette, comme l’a fait le Fonds monétaire international (FMI) à ses 25 pays membres les plus pauvres, coûtera économiquement cher à la Chine. Sacré dilemme, s’il en est!
QUE SAVAIT XI JINPING SUR LE VIRUS?
La question de l’avenir des routes de la soie ne pourrait se poser à un moment plus inopportun. En effet, la Chine se trouvait déjà sous la pression de nouvelles menaces commerciales de la part du président américain Donald Trump qui, avec ou sans raison, rend les dirigeants chinois responsables de la tragédie causée par le virus aux États-Unis.
À ce chapitre, le président Xi fait également face à des demandes pressantes de l’étranger (et même de quelques voix isolées de l’intérieur de la Chine) pour que soit menée une enquête crédible sur la chaîne d’événements qui a commencé à Wuhan dans le centre de la Chine à la fin de l’année dernière et a déclenché la plus grande catastrophe économique du monde depuis la Grande Dépression dans les années 1930.
Les demandes viennent de politiciens de pays importants comme la France (Emmanuel Macron), l’Australie, l’Inde et le Brésil. La question est de savoir ce que Xi Jinping savait - et quand le savait-il - en particulier en ce qui concerne la transmission interhumaine du virus.
Plusieurs sources chinoises bien informées révèlent que Xi Jinping aurait été informé de la complexité du virus dès le 14 janvier, mais aurait attendu six jours avant d’autoriser des communications publiques sur la maladie.
Bien que les premières recherches scientifiques menées en Occident écartent l’hypothèse d’une arme biologique, Pékin doit favoriser les conditions d’une enquête indépendante si la Chine doit conserver un peu de crédibilité aux yeux de ses interlocuteurs occidentaux et du reste du monde.
Tout refus de coopération à cet effet tendrait à renforcer l’idée que M. Xi serait le véritable cerveau derrière la campagne réussie pour contenir l’épidémie en Chine, et de sa propagation dans le monde.
Dans un discours vidéo à l’assemblée annuelle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lundi, Xi a déclaré que la Chine soutiendrait un examen «objectif et impartial» de l’OMS, mais seulement après la crise. Xi insiste également pour que l’examen de l’OMS ne se concentre pas uniquement sur la Chine.
Manière bien à lui de confirmer que la Chine et l’Occident sont maintenant engagés dans une dangereuse guerre rhétorique virale, dont on peine à voir l’issue.