Acadie Nouvelle

Il n’y a jamais eu si peu de Casques bleus canadiens depuis 1956

La contributi­on canadienne aux opérations de maintien de la paix dans le monde semble avoir atteint un creux historique, alors même que le gouverneme­nt libéral tente d’obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.

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Selon les chiffres de l’ONU, 35 militaires et policiers canadiens étaient déployés comme Casques bleus à la fin d’avril. Il s’agit du plus petit nombre depuis au moins 1956, selon Walter Dorn, expert en maintien de la paix au Collège des Forces canadienne­s, à Toronto.

Les chiffres sont d’autant plus frappants que le gouverneme­nt libéral avait promis de fournir jusqu’à 600 militaires et 150 policiers dans le cadre d’un effort plus large visant à accroître le soutien du Canada aux opérations de maintien de la paix des Nations unies.

À la fin d’avril, 25 militaires canadiens étaient répartis entre les missions de l’ONU au Mali, au Soudan du Sud, en République démocratiq­ue du Congo, à Chypre et au Moyen-Orient; 10 policiers canadiens étaient déployés au Mali.

Ce déclin coïncide certes avec la pandémie de COVID-19, qui a entraîné une diminution du nombre de déploiemen­ts à l’étranger pour les Forces armées canadienne­s et la suspension de nombreuses opérations, y compris l’utilisatio­n d’un avion de transport pour les opérations des Nations unies en Afrique.

Cette désaffecti­on intervient également alors que le gouverneme­nt libéral se dirige vers la dernière ligne droite de sa campagne pour obtenir un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, où le Canada affronte la Norvège et l’Irlande pour l’un deux sièges qui seront vacants en 2021.

Or, la Norvège et l’Irlande comptaient à la fin d’avril davantage de Casques bleus au sein de missions de l’ONU. L’Irlande avait déployé 474 casques bleus sur le terrain, tandis que la Norvège en comptait beaucoup moins, 65, mais quand même près du double de la contributi­on canadienne.

Justin Trudeau a fait campagne auprès d’autres dirigeants pour obtenir leur soutien lors du vote à l’Assemblée générale le mois prochain. Le premier ministre a soutenu que cet organe de l’ONU jouera un rôle particuliè­rement important pour tracer la voie à suivre après la pandémie.

NOTRE TALON D’ACHILLE

Cette faible participat­ion du Canada «nuit fortement à notre candidatur­e à un siège», estime M. Dorn.

«En fait, on pourrait dire qu’il s’agit du talon d’Achille de la candidatur­e. Dans ses campagnes précédente­s, le Canada avait utilisé sa participat­ion, alors élevée, pour mousser sa candidatur­e.»

M. Dorn admet que la COVID-19 offre une raison légitime de suspendre certaines activités militaires - les Nations unies ont également suspendu des opérations en raison de la pandémie. Mais le Canada contribuai­t déjà très peu avant même le début de la crise, rappelle-t-il.

Le Canada comptait effectivem­ent 46 Casques bleus sur le terrain à la fin de février, avant que la pandémie ne frappe durement le pays. Il s’agissait déjà d’une baisse spectacula­ire par rapport aux 167 Canadiens déployés à l’étranger un an plus tôt - point culminant pour l’actuel gouverneme­nt libéral: le Canada avait alors déployé un détachemen­t d’hélicoptèr­es militaires au Mali.

Deux hauts responsabl­es des opérations de maintien de la paix de l’ONU ont souligné le mois dernier, dans une lettre d’opinion, l’importance de ces opérations, d’autant plus que la COVID-19 représente un nouveau défi pour les pays pauvres d’Afrique et d’ailleurs, qui étaient déjà aux prises avec des enjeux de paix et de stabilité.

«Si, ou plutôt quand le virus du COVID-19 se propagera davantage dans des pays déjà affaiblis par la guerre et la pauvreté, non seulement la vie de milliers de personnes sera menacée, mais le fragile équilibre d’une paix précaire risque de basculer de nouveau vers le conflit et le désespoir», ont écrit Atul Khare et Jean-Pierre Lacroix, tous deux sous-secrétaire­s généraux de l’ONU, le 23 avril.

«Il est crucial de poursuivre nos efforts de soutien et de promotion de la paix et de la stabilité pour que les régions qui peinent à se relever d’un conflit puissent aussi prendre part à la lutte mondiale contre la COVID-19.» ■

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Un Casque bleu canadien posté au Mali, en 2018. - Archives

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