UNE NOUVELLE TENT CITY DÉMANTELÉE
Le camp d’itinérants situé près du chemin de fer qui traverse le centre-ville de Moncton a été démantelé, jeudi et vendredi. Ses résidents, déçus mais résignés, vont tout simplement s’installer ailleurs.
«Comment je me sens? Je suis vraiment déçu», affirme Scott.
Cet itinérant bardasse dans ses chariots d’épicerie pleins de sacs de bouteilles vides, vendredi avant-midi.
Le regard empreint de tristesse, il regarde des employés de la municipalité nettoyer le site où il a logé pendant des mois, derrière un édifice en brique rouge de la rue Main.
Des policiers de la GRC montent la garde pendant que des paysagistes vêtus de gilets fluorescents s’affairent à couper et broyer des arbres.
Scott s’est installé là l’été dernier.
Sous peu, il va prendre ses chariots, ses quelques possessions et partir en quête d’un lieu ou s’établir.
«Je dormais ici on and off. Je vais trouver un autre endroit où aller m’installer», raconte-t-il calmement.
Il commence malheureusement à avoir l’habitude. L’été dernier, il habitait dans la Tent City, un important campement situé en périphérie du centre-ville qui a été démantelé en septembre 2019.
Selon lui, les autorités ne règlent rien en continuant de démanteler les camps d’itinérants, puisque ces derniers finissent toujours par repousser ailleurs en ville.
«Ils doivent aimer jouer à la cachette. C’est un peu comme un chat et des souris. Ils nous forcent à nous déplacer et nous, on va ailleurs. Et parfois, on se retrouve près des résidences, ça force les gens à être en contact avec des itinérants.»
Scott n’a pas du tout l’intention d’aller dans l’un des deux refuges pour itinérants de Moncton. Il a tenté l’expérience par le passé et ne veut plus rien savoir.
«Ce n’est pas les règles qui me dérangent, c’est les abus. J’ai été agressé à plusieurs reprises par un gars, parfois avec une arme. Ce n’est qu’à la troisième agression qu’ils l’ont expulsé… et ce n’était même pas pour de bon, juste temporairement.»
Pendant que nous jasons avec lui, un autre résident du camp arrive et apprend que son abri est en train d’être démantelé. Il est maigre et vêtu de vêtements déchirés à travers desquels on peut entrevoir «JESUS» tatoué à grosses lettres sur son torse.
Confus, il peine à comprendre ce qui se passe. Il explique à un policier qu’il arrive de l’hôpital.
«Il m’est arrivé quelque chose», dit-il vaguement avant d’aller chercher ses affaires.
À quelques mètres, un autre homme maugrée et lâche quelques sacres en tentant d’étendre une énorme toile bleue pour la faire sécher.
Il est agité. Il nous dit agressivement qu’il ne veut absolument pas qu’on le prenne en photo.
Il accepte malgré tout de nous parler. «L’autre jour, il y a un journaliste qui est venu ici. Je lui ai dit de ne pas me photographier. Il m’a dit qu’il avait le droit de le faire. Je lui ai dit que s’il n’arrêtait pas, j’allais l’assommer», dit-il en mimant un coup de marteau.
Cet itinérant – qui ne veut pas donner son nom – explique qu’il dormait de temps à autre dans ce campement du centre-ville depuis août dernier.
Il va maintenant se trouver un autre bout de terrain où aller s’installer avec ses chariots. «Je ne suis pas inquiet, je vais aller ailleurs.» Va-t-il aller dormir dans un refuge? «Es-tu fou? Ils ne respectent même pas leurs propres règles. Ils disent que c’est “humide” et qu’on peut arriver après avoir bu, mais ce n’est pas vrai. Je suis un alcoolique, moi!»
À une centaine de mètres du camp, une femme assise dans terrain de stationnement nous confie qu’elle entreposait parfois son chariot dans le camp près de la voie ferrée.
Visiblement dégoûtée par son démantèlement, elle ne veut cependant pas répondre à nos questions.
«Tout ce que j’ai à dire, c’est que je trouve ça dommage qu’on nous traite comme ça», dit-elle entre deux bouffées tirées d’une pipe en verre. ■
«On avait construit ça pour que ce soit assez chaud pour y dormir l’hiver. Ce n’était pas très grand, mais on pouvait être trois ou quatre personnes à la fois.»