Moncton: deux experts appuient la piétonnisation de la rue Main
Gérard Beaudet pense qu’une interdiction des voitures est possible sur la rue Main entre ses intersections avec les rues Church et Botsford. Le professeur en morphologie urbaine de l’Université de Montréal (UdeM) estime qu’il y a une densité de restaurants et une variété d’activités assez fortes, en plus d’une place publique à proximité.
«J’ai l’impression que c’est jouable, confirme pour sa part le professeur en développement urbain de l’UdeM, Paul Lewis. Il faut toutefois attirer assez de clients à pieds, à vélo et en transports en commun.»
Si une cinquantaine de rues sont rendues piétonnes à Montréal au moins temporairement chaque année, M. Lewis souligne que la grande majorité des personnes se rendent au centre de cette métropole sans voiture.
«Ça nécessiterait du stationnement autour de la rue piétonne, ajoute l’expert au sujet de la rue Main à Moncton. Mais plus de 40% du centre-ville destiné au rangement de voitures, c’est déjà énorme. Ce n’est pas les dix places dans l’artère qui feront une différence.»
CRAINTES DES COMMERÇANTS
La Ville de Moncton songe à permettre aux propriétaires de restaurants et de cafés de la rue Main d’étaler leurs patios sur les trottoirs, les places de stationnement latérales voire la chaussée pendant l’été. Ses fonctionnaires ont rappelé que les règles de santé publique auront sinon des conséquences sur le nombre de tables à disposition des clients.
Le groupe d’intérêt Moncton CentreVille, représentant de propriétaires et d’entrepreneurs, a cependant rejeté toute possibilité de gêner les automobilistes, le 19 mai.
Sa directrice, Anne Poirier Basque craint un moins bon accès aux commerces.
M. Lewis objecte que les commerçants se montrent souvent émotifs au sujet du stationnement automobile. Il raconte qu’ils désignent parfois sans motif ce sujet comme source de leurs problèmes.
«Quand les gens se rendent dans un centre d’achat, ils se garent souvent à plusieurs centaines de mètres de l’entrée», remarque-t-il en outre.
Il recommande d’analyser la provenance et les achats des consommateurs de la rue Main (se procurer une télévision dans un magasin est plus simple avec une voiture garée à proximité, par exemple).
«Faire de la concurrence aux centres commerciaux de la périphérie avec une rue piétonne, on oublie», assène à ce propos M. Beaudet.
CARACTÉRISTIQUES D’UNE RUE PIÉTONNE
Le professeur explique que les rues interdites aux voitures restent attirantes lorsqu’elles se trouvent à proximité de certains lieux (comme un campus universitaire, une plage ou un monument historique) et lorsque ses commerçants s’adressent à une clientèle spécialisée (telle que les gais dans la rue Sainte-Catherine Est de Montréal ou des employés de bureau).
«Ça requiert une bonne densité de commerces, de population, de bars et de restaurants ainsi qu’un cachet, ajoute le conseiller en aménagement de la Ville de Montréal, Pierre-Étienne Gendron. Il faut qu’il y ait beaucoup de piétons au départ, qui débordent sur la chaussée.»
Il appuie aussi sur la nécessité de collaborer avec les commerçants au sujet d’une piétonnisation, même avec ceux qui sont en désaccord avec le projet.
Il témoigne en outre que sa municipalité a interdit les voitures dans une quinzaine de rues depuis 2015 de façon progressive (pendant la fin de semaine seulement, par exemple). Il assure qu’elle a testé les conséquences de ces mesures pendant deux ans avant d’installer des aménagements permanents.
«Il y a un effet de nouveauté dont il faut se méfier», prévient M. Beaudet. ■