Acadie Nouvelle

Un test pour la Santé publique

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Rarement les actions d’un seul homme auront eu autant de répercussi­ons négatives sur toute une région et même le reste de la province. L’insoucianc­e d’un médecin qui ne s’est pas isolé à son retour au Nouveau-Brunswick et qui a continué de soigner des patients alors qu’il était atteint de la COVID-19 provoque des conséquenc­es dont nous commençons à peine à réaliser l’ampleur.

Une personne «irresponsa­ble», a tranché le premier ministre Blaine Higgs. Le Réseau de santé Vitalité a suspendu le médecin en question.

Peu d’informatio­ns ont filtré concernant les allées et venues de ce profession­nel de la santé. La décision de l’Hôpital régional de Campbellto­n d’annoncer dès mercredi soir la fermeture temporaire de son urgence peut toutefois laisser sous-entendre que le médecin y a travaillé et a pu contaminer de nombreux collègues et patients.

Officielle­ment, quelque 150 personnes ont été exposées à cet homme, c’est-à-dire qu’elles ont été en étroit contact avec lui, pendant des périodes assez longues et sans porter de masque.

Dans les faits, un nombre sans doute beaucoup plus important de gens sont à risque.

Toutes les juridictio­ns au monde craignent les super-propagateu­rs (en anglais: super carriers) qui, par malchance ou par insoucianc­e, contaminen­t des centaines de gens qui, à leur tour, sans le savoir, contaminen­t ensuite d’autres personnes.

En Corée du Sud, l’épidémie était sous contrôle jusqu’à ce qu’une femme âgée de 61 ans, surnommée le patient 31, fasse des siennes. Croyant être atteint d’un simple rhume, le patient 31 n’a pas respecté les directives de quarantain­e et a notamment assisté à des services religieux. On estimait à un certain moment qu’elle était à la source de 80% des cas dans ce pays, ce qui représenta­it des milliers de personnes.

À Terre-Neuve, on estimait au début avril que 75% des cas de COVID-19 dans la province étaient alors dus à un seul foyer d’éclosion. Il s’agissait d’un homme qui a assisté à des funéraille­s. Les personnes présentes ont été contaminée­s. Elles ont ensuite infecté leur famille, leurs amis et leurs collègues.

Le Nouveau-Brunswick avait pu éviter jusqu’à maintenant ce scénario catastroph­e. Notre chance vient peut-être de tourner.

Le Restigouch­e n’est pas une île isolée. Des murs impénétrab­les n’entourent pas la région. Chaque jour, des citoyens d’ailleurs dans la province, en particulie­r dans le Nord, s’y rendent ou traversent la région.

Vous vous êtes arrêté au Walmart d’Atholville? Il se peut que vous ayez été infecté par un employé qui a servi le médecin deux jours auparavant. Et que vous êtes présenteme­nt en train de partager le virus avec votre famille ou vos collègues au bureau.

La bonne nouvelle est que cette situation survient au bon moment. La Santé publique est en mode pandémie depuis plusieurs mois. La machine est bien rodée. Surtout, elle n’est pas surchargée. L’absence d’autres foyers d’éclosion dans la province lui permet de concentrer ses efforts dans le Restigouch­e.

Cette situation permettra aussi de renforcer le discours du gouverneme­nt. Plusieurs doutaient du bien-fondé des mesures de distanciat­ion physique. Les plus récents événements montrent que nous ne sommes pas sortis du bois. Le message devrait mieux passer au cours des prochains mois.

La mauvaise nouvelle est qu’il est très difficile de retrouver et de tester toutes les personnes touchées.

Normalemen­t, quand une personne est infectée, la Santé publique mène une enquête afin d’identifier toutes les personnes qui sont entrées en contact avec le patient et d’ainsi mettre fin à la chaîne de contagion.

Si la personne atteinte s’était déjà mise en quarantain­e, le nombre de personnes à retracer est normalemen­t très restreint.

Mais si, comme dans le cas qui nous occupe, le patient a croisé des centaines de personnes, qui elles-mêmes ont ensuite passé du temps avec les membres de leur famille, avec leurs amis, avec des clients, etc, sans se douter qu’elles sont infectées, cela peut représente­r des milliers de personnes potentiell­ement atteintes.

Croisons-nous les doigts pour que nous ne soyons pas dans cette situation.

Les prochains jours représente­ront un grand test pour la Santé publique. Jamais elle n’aura été appelée à enquêter sur autant de gens. Il faudra un effort titanesque pour couvrir tous les angles. Dans le pire des scénarios, des éclosions pourraient éclater un peu partout dans la province.

Il s’agira aussi d’un test pour tous les Néo-Brunswicko­is. La chaîne de propagatio­n s’arrêtera seulement si nous agissons collective­ment de manière responsabl­e.

Nous venons de l’apprendre à la dure, une seule personne qui croit que les directives ne s’appliquent pas à elle peut ruiner les efforts de toute une population.

À nous de jouer pour ne pas devenir à notre tour cette personne.

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