La chaire verte du successeur de Pierre
Nous voilà à mi-chemin entre la St-Jean-Baptiste (24 juin) et la fête des saints Pierre et Paul (29 juin). Ces deux solennités marquent le début de l’été dans nos communautés paroissiales. Elles suscitent aussi une réflexion sur l’Église et le monde appelés à renaître d’un hiver éprouvant. Le successeur actuel de Pierre peut nous guider.
Dans une rare entrevue accordée au périodique anglais The Tablet (8 avril 2020), le pape François parle de l’Église qui pourrait émerger de la situation actuelle. La crise apporte son lot de dangers, mais aussi d’opportunités. Elle est un temps de conversion et de créativité.
François parle d’abord d’un détachement face à une mentalité d’Église. Pas besoin d’être sorcier pour entendre une énième dénonciation du cléricalisme qui mine la crédibilité de l’institution. S’il en parle une autre fois, c’est parce que nous n’avons pas encore compris.
Le réflexe de vouloir sauver à tout prix les reliques d’un passé révolu doit faire place à la liberté qui est le fruit de l’Esprit-Saint. C’est Lui qui construit l’Église. François ne rejette pas les rites, appelés à se renouveler; il met même en garde contre une Église dépourvue de rituels. Or, comme à l’origine, l’Esprit souffle et inspire des pratiques nouvelles. Qui saura reconnaître et les encourager?
Pour le pape, deux forces complémentaires sont présentement à l’oeuvre. D’abord, la confusion voulue par l’Esprit à travers la variété des charismes.
De cette diversité, l’Esprit peut faire jaillir l’harmonie. L’Église sera plus belle si elle accepte de vivre en son sein confusion et harmonie. Pour rester fidèle à l’Esprit, un effort s’impose pour discerner dans quelle direction Il souffle.
La crise sanitaire ne transforme pas que l’Église. Le monde aussi! François presse les dirigeants et les citoyens à ne pas mettre de côté les pauvres. L’aide apportée aux plus pauvres ne doit pas être une simple parenthèse. Les efforts de plusieurs pays (à commencer par le nôtre) devront être consolidés.
À l’ère virtuelle, toute personne semble avoir perdu son poids de chair. Or, à travers les corps à soigner et à nourrir, il y a un rappel de la dimension corporelle de toute personne. C’est le «corps du Christ» qui est donné.
Privés de l’eucharistie pour plusieurs semaines, les chrétiens ont pu découvrir le Christ présent dans ce «sacrement du frère». Le retour des messes ne devrait pas éclipser cette réalité fondamentale et mobiliser toutes les énergies (humaines et financières) pour les besoins du culte. Ce serait faire diversion d’agir ainsi.
François se fait aussi porte-parole de la terre, notre maison commune. La surconsommation qui a caractérisé les dernières années mène à un cul-de-sac. La croissance à tout prix aussi! L’appel du pape à une conversion écologique est un écho à son encyclique sur la sauvegarde de la planète.
Salué dès sa parution par plusieurs écologistes, l’encyclique est demeurée dans les périphéries des priorités pastorales en Église. Dans ce domaine, le ministère prophétique du pape François semble être refusé par une large part des chrétiens. Dommage! Parce qu’en plus d’être un enjeu pour l’avenir de la planète, c’est un enjeu pour l’avenir de l’Église. S’il y a une cause qui mobilise les jeunes générations, c’est bien celle de la préservation de l’environnement. Nous ne pouvons pas tendre la main à des jeunes, sans tendre l’autre main à la terre-mère.
Chacun peut développer un lien plus intime avec la terre. Cela peut signifier d’entrer dans une phase de contemplation à l’égard de la planète. N’est-ce pas ce que l’été nous permet?
Avec les paysages de notre été. Avec les saveurs des fruits de la mer et des champs. Avec les odeurs de foin coupé et d’air salin. Avec les ardeurs des randonneurs et des baigneurs. Avec les sons de la vague et de notre musique. Avec nos corps renouvelés par le soleil, le vent et la mer. Avec toute la création, entrer dans une fête où nous sommes autant créateurs que spectateurs. ■