Pour un fonds rural digne de ce nom
Le gouvernement Higgs remplacera les fonds de développement économique du Nord et de la Miramichi par d’autres enveloppes, dont un fonds accessible à toutes les régions rurales de la province. Une mauvaise nouvelle qui en cache une bonne, mais qui vient aussi avec son lot de préoccupations.
Le Fonds de développement économique et d’innovation du nord du Nouveau-Brunswick et celui de la Miramichi sont en fait morts le 9 novembre 2018, date à laquelle le gouvernement progressiste-conservateur a officiellement pris le pouvoir. Et ses funérailles ont été célébrées le jour même, quand la député Andrea Anderson-Mason, de Fundy-Les-Îles-Saint-Jean-Ouest, a été nommée ministre responsable de la Société de développement régional.
Mme Anderson-Mason n’avait aucune espèce d’idée de ce qu’était la Société de développement régional le jour où le nouveau premier ministre lui a confié ce portefeuille crucial pour les entrepreneurs du Nord.
La ministre a partagé cette information ainsi que d’autres réponses très révélatrices lors de la Période des questions du jeudi 18 juin à l’Assemblée législative. Elle a soutenu ne pas comprendre pourquoi certaines initiatives «permettent d’aider les gens de Perth-Andover et non pas ceux de Bath. Les gens de Perth-Andover sont dans le Nord, ceux de Bath sont dans le Sud. Je veux un fonds qui aidera tout le N.-B. rural.»
La ministre Anderson-Mason faisait ainsi écho à des critiques souvent entendues chez les anglophones, soit que le Nord est indûment favorisé par ces fonds de relance régionaux. C’est toutefois la première fois qu’un gouvernement adopte cette position.
Les fonds de développement économique du Nord et de la Miramichi forment aujourd’hui des coquilles vides. Ils existent, mais ne jouent plus le rôle pour lequel ils ont été créés.
Ils seront remplacés par d’autres enveloppes, dont une qui ciblera toutes les régions rurales de la province. C’est une mince consolation.
S’il faut éliminer les programmes réservés au Nord et les remplacer par un «fonds rural» pour que le gouvernement Higgs joue enfin son rôle d’appui aux régions, ainsi soit-il.
Il n’est d’ailleurs pas le premier à préconiser une telle approche. La campagne électorale de 2006 avait mis aux prises le gouvernement Lord, qui proposait un programme de 120 millions $ pour toutes les régions rurales, et le Parti libéral de Shawn Graham, qui a présenté un fonds de 100 millions $ réservé au Nord (Restigouche-Chaleur, Péninsule acadienne et Miramichi). La vision des libéraux l’avait emporté.
Blaine Higgs n’a rien inventé. Il ne fait que recycler une vieille idée. Une idée, qui plus est, qui a déjà été rejetée par l’électorat.
Il y a néanmoins plusieurs problèmes avec le plan des progressistes-conservateurs.
Ceux-ci n’ont aucune intention de bonifier le budget. Les quelque 25 millions $ par année réservés aux entrepreneurs de la Miramichi et du Nord seront donc saupoudrés à travers la province. La plupart des régions devront se contenter de miettes.
S’il est sérieux avec son initiative de développement rural, le gouvernement devra au minimum doubler le budget prévu. Or, il est plus probable qu’il réduise son effort financier plutôt que de l’augmenter.
Ce n’est pas tout.
Les progressistes-conservateurs semblent incapables de préciser ce qu’est une région rurale. C’est problématique.
Si on se contente de définir ainsi tout ce qui sort des limites de Moncton, de Saint-Jean et de Fredericton, des villes adjacentes qui ne sont pas aux prises avec les mêmes défis particuliers que vivent nos communautés acadiennes pourront piger dans les maigres budgets réservés par le gouvernement.
Bonne nouvelle, l’Association francophone des municipalités du N.-B. a présenté au gouvernement une analyse au début du mois qui permet de mieux définir ce qu’est une région rurale, en tenant compte de plusieurs facteurs sociologiques (taux de chômage, âge moyen de la population, baisse de la population, revenu total moyen, etc.).
Nous invitons le gouvernement à utiliser cette grille afin de déterminer quelles régions auront accès à l’enveloppe rurale.
S’il ignore cette approche censée et s’obstine à ne pas augmenter le budget réservé au développement économique, il faudra comprendre que les changements apportés ne sont que de la bouillie pour les chats. Qu’ils n’ont pas pour but de venir en aide à la ruralité néo-brunswickoise, mais qu’ils visent plutôt à éliminer par la porte arrière ces formes d’aide spéciale au Nord qui frustrent tant de gens, autant dans le N.-B. anglophone qu’au sein du gouvernement Higgs.