Il faut remédier dès maintenant aux préjugés et au racisme systémique au N.-B.
En tant que représentants de la Nation wolastoqey, composée de six Premières Nations du Nouveau-Brunswick, nous sommes encouragés par la récente effusion de soutien public en faveur de notre peuple.
Pour plusieurs, cette année n’a pas été facile. Notre fragile système de soins de santé a fait l’objet d’une attention renouvelée face à une pandémie mondiale. Des marches et des manifestations sous la bannière de Black Lives Matter ont fait descendre des gens dans la rue contre le racisme systémique. Et des exemples de cette même discrimination systémique à l’égard des populations autochtones ont été mis en évidence ici comme partout au Canada.
Il est incroyable que le gouvernement provincial ait refusé de faire appel d’une décision en vertu de laquelle aucune sanction n’a été imposée à un conducteur ayant pris la fuite après avoir causé la mort d’un Autochtone.
Nous avons été choqués et troublés de la mort par balle de Chantel Moore aux mains de la police sur notre territoire sacré et traditionnel. Et nos coeurs été brisés lorsque notre frère Rodney Levi a été abattu par la police peu de temps après.
De ces tragédies, notre peuple se relève pour montrer la bonté qui l’anime. Nous avons défilé lors de vigiles silencieuses dans les communautés de toute la province. Nous avons célébré notre culture avec zèle ce mois-ci, à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones. Et nous avons plaidé pour notre peuple face à un gouvernement qui commence à peine à nous écouter.
L’histoire de notre lutte est longue. Il y a 295 ans, nos ancêtres ont signé le premier des traités de paix et d’amitié avec la Couronne britannique. Ces traités contenaient de nombreuses promesses qui, depuis, ont été brisées. Nous n’avons pas cédé nos terres en vertu de ces traités.
En fait, en concluant des traités avec nous, la Couronne a reconnu notre souveraineté et nos droits sur le territoire. Au lieu de cela, les gouvernements ont enfreint leurs propres lois et ont pris nos terres. Puis, ils nous ont retiré notre droit à l’autonomie gouvernementale.
Ils ont ensuite conçu des régimes tels que les pensionnats qui ont érodé notre culture et notre langue. Ils ont créé un système qui est intrinsèquement biaisé et qui rabaisse notre peuple. Ils ont mis en place un système qui favorise le racisme et sème la division au sein des habitants de notre province selon des lignes de fracture raciales.
Nous avons eu le plaisir de nous asseoir en solidarité avec les chefs des nations mi’kmaq et passamaquoddy il y a deux semaines pour demander à Blaine Higgs de mettre fin au racisme et aux préjugés systémiques du gouvernement à l’égard des Autochtones.
En tant que dirigeants wolastoqi, nous savons que le vrai changement ne s’opère pas en un jour et que la route qu’il nous faut parcourir est longue. Mais nous en sommes à un tournant. Nous sommes très reconnaissants du soutien que nous recevons de nombreux Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises.
Alors que nous demandons une enquête indépendante sur la discrimination et les préjugés systémiques, notre voix est entendue par les députés, députées, et les sénateurs, sénatrices, ainsi que par le ministre provincial des Affaires autochtones, Jake Stewart.
M. Higgs appuie, pour sa part, une option de moindre portée; un groupe de travail qui procéderait à l’examen d’anciens rapports et de recommandations restés sans suite. Il est tristement ironique que l’homme qui a nommé, pour la première fois, un ministre des Affaires autochtones à plein temps soit aussi celui qui ignore le plus nos défis.
Il refuse notre main tendue alors que nous proposons de collaborer à des changements qui amélioreraient notre province, et ce, au bénéfice de tous les peuples qui la composent. Un groupe de travail ne disposerait pas des pouvoirs nécessaires pour passer à l’action. Un mandat clair et ferme garantirait que le gouvernement ne puisse reporter sine die, comme par le passé, la mise en oeuvre des recommandations.
Pas plus tard que vendredi, M. Higgs a déclaré que sa propre proposition visant la constitution d’un groupe de travail était probablement trop ambitieuse. Au lieu de faire preuve de compassion face au traitement inégal et injuste que subit notre peuple, M. Higgs se préoccupe des difficultés que rencontrent les agents de police armés lorsqu’ils affrontent des Autochtones.
Au lieu d’examiner un système dont le fonctionnement même est à la base de nombreux problèmes tels que la violence contre nos populations, il se demande à voix haute si tous nos problèmes ne sont pas liés à la consommation de drogue. Le temps est venu de reconnaître que même nos plus hauts dirigeants ont tellement de préjugés inhérents qu’ils peuvent prononcer ces mots sans se rendre compte de ce qu’ils disent vraiment.
Nous demandons une enquête indépendante qui permettra aux gouvernements de travailler avec les Premières Nations et de collaborer à la recherche de solutions. Nous appelons également les dirigeants de tous les partis politiques à s’engager à mettre en oeuvre toutes les recommandations pour le changement réel, immédiat et significatif qu’une telle enquête apporterait. Alors que le gouvernement est minoritaire et qu’on ne sait pas lequel de nos quatre partis politiques pourrait diriger la province dans un avenir proche, cette garantie est vitale.
L’enquête doit être menée par des Autochtones et le mandat élaboré par les nations autochtones. Elle doit faire rapport dans un délai court, avec des mesures spécifiques prêtes à être mises en oeuvre. Cette enquête doit se dérouler rapidement et avoir des objectifs très précis, et non pas généraux ou idéalistes.
Nous élaborerons et proposerons un mandat afin de garantir que la justice puisse suivre son cours, de manière juste et équitable, sans être obstruée par des retards, des excuses et de perpétuels préjugés et iniquités.
M. Higgs a montré à maintes reprises que la justice pour les peuples autochtones n’est pas sa priorité et que nous n’avons pas son respect.
Lorsque Chantel Moore a été tuée, il a refusé de reconnaître l’existence du racisme systémique. Lorsque Rodney Levi a été tué, il a affirmé qu’il y avait probablement un problème, mais s’est ensuite dérobé lorsqu’on lui a demandé de confirmer cette analyse.
Il n’a assisté à aucun des deux enterrements. Il n’a participé à aucune des nombreuses marches de guérison organisées dans la province.
Lors de la Journée nationale des peuples autochtones, il n’a assisté à aucun événement et, contrairement à d’autres dirigeants politiques, il n’a même pas fait de déclaration.
Lorsqu’il nous a rencontrés, il a fait preuve de condescendance à notre égard et a exigé que nous nous réunissions à nouveau dans les deux semaines.
Enfin, M. Higgs a dit qu’il était trop occupé pour nous rencontrer avant le 9 juillet, 22 jours après notre dernière rencontre. Cet homme ne montre aucun respect à notre peuple.
Nous savons que M. Higgs est un obstacle que nous devons surmonter. Ce que nous demandons ne peut pas se réduire à une liste de tâches. Et nous ne devrions pas avoir à négocier lorsque des vies sont en jeu.
Nous apprécions le leadership et l’honnêteté du ministre Stewart, car il a fait preuve de compréhension à l’égard de notre histoire et de notre lutte pour l’égalité. Malheureusement, le premier ministre ne suit pas l’exemple de son ministre qui lui, se montre perspicace.
M. Higgs nous considère comme un problème à résoudre plutôt que comme un peuple qui a besoin d’un partenaire. Il doit cesser de penser comme un ingénieur. Il n’est pas en train de se frayer un chemin dans une liste de choses à faire. Nos problèmes sont liés au fonctionnement même de la société.
Nos défis sont noués dans la trame de notre histoire. Cette année a été difficile pour de nombreuses personnes sur de nombreux fronts. S’il y a un point culminant à l’horizon 2020, c’est que la voix de notre peuple est enfin entendue par la majorité des dirigeants et dirigeantes politiques du Nouveau-Brunswick.
Nous remercions les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises d’être solidaires avec nous. Avec votre soutien, nous parviendrons peut-être enfin à l’égalité et à la justice.
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