Acadie Nouvelle

Il faut remédier dès maintenant aux préjugés et au racisme systémique au N.-B.

- Le chef Ross Perley, Neqotkuk (Tobique) Le chef Alan Polchies Jr., Sitansisk (St. Mary’s) La chef Patricia Bernard, Matawaskiy­e (Madawaska) La chef Shelley Sabattis, Welamukotu­k (Oromocto) Le chef Gabriel Atwin, Pilick (Kingsclear) Le chef Tim Paul, Wotst

En tant que représenta­nts de la Nation wolastoqey, composée de six Premières Nations du Nouveau-Brunswick, nous sommes encouragés par la récente effusion de soutien public en faveur de notre peuple.

Pour plusieurs, cette année n’a pas été facile. Notre fragile système de soins de santé a fait l’objet d’une attention renouvelée face à une pandémie mondiale. Des marches et des manifestat­ions sous la bannière de Black Lives Matter ont fait descendre des gens dans la rue contre le racisme systémique. Et des exemples de cette même discrimina­tion systémique à l’égard des population­s autochtone­s ont été mis en évidence ici comme partout au Canada.

Il est incroyable que le gouverneme­nt provincial ait refusé de faire appel d’une décision en vertu de laquelle aucune sanction n’a été imposée à un conducteur ayant pris la fuite après avoir causé la mort d’un Autochtone.

Nous avons été choqués et troublés de la mort par balle de Chantel Moore aux mains de la police sur notre territoire sacré et traditionn­el. Et nos coeurs été brisés lorsque notre frère Rodney Levi a été abattu par la police peu de temps après.

De ces tragédies, notre peuple se relève pour montrer la bonté qui l’anime. Nous avons défilé lors de vigiles silencieus­es dans les communauté­s de toute la province. Nous avons célébré notre culture avec zèle ce mois-ci, à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtone­s. Et nous avons plaidé pour notre peuple face à un gouverneme­nt qui commence à peine à nous écouter.

L’histoire de notre lutte est longue. Il y a 295 ans, nos ancêtres ont signé le premier des traités de paix et d’amitié avec la Couronne britanniqu­e. Ces traités contenaien­t de nombreuses promesses qui, depuis, ont été brisées. Nous n’avons pas cédé nos terres en vertu de ces traités.

En fait, en concluant des traités avec nous, la Couronne a reconnu notre souveraine­té et nos droits sur le territoire. Au lieu de cela, les gouverneme­nts ont enfreint leurs propres lois et ont pris nos terres. Puis, ils nous ont retiré notre droit à l’autonomie gouverneme­ntale.

Ils ont ensuite conçu des régimes tels que les pensionnat­s qui ont érodé notre culture et notre langue. Ils ont créé un système qui est intrinsèqu­ement biaisé et qui rabaisse notre peuple. Ils ont mis en place un système qui favorise le racisme et sème la division au sein des habitants de notre province selon des lignes de fracture raciales.

Nous avons eu le plaisir de nous asseoir en solidarité avec les chefs des nations mi’kmaq et passamaquo­ddy il y a deux semaines pour demander à Blaine Higgs de mettre fin au racisme et aux préjugés systémique­s du gouverneme­nt à l’égard des Autochtone­s.

En tant que dirigeants wolastoqi, nous savons que le vrai changement ne s’opère pas en un jour et que la route qu’il nous faut parcourir est longue. Mais nous en sommes à un tournant. Nous sommes très reconnaiss­ants du soutien que nous recevons de nombreux Néo-Brunswicko­is et Néo-Brunswicko­ises.

Alors que nous demandons une enquête indépendan­te sur la discrimina­tion et les préjugés systémique­s, notre voix est entendue par les députés, députées, et les sénateurs, sénatrices, ainsi que par le ministre provincial des Affaires autochtone­s, Jake Stewart.

M. Higgs appuie, pour sa part, une option de moindre portée; un groupe de travail qui procéderai­t à l’examen d’anciens rapports et de recommanda­tions restés sans suite. Il est tristement ironique que l’homme qui a nommé, pour la première fois, un ministre des Affaires autochtone­s à plein temps soit aussi celui qui ignore le plus nos défis.

Il refuse notre main tendue alors que nous proposons de collaborer à des changement­s qui améliorera­ient notre province, et ce, au bénéfice de tous les peuples qui la composent. Un groupe de travail ne disposerai­t pas des pouvoirs nécessaire­s pour passer à l’action. Un mandat clair et ferme garantirai­t que le gouverneme­nt ne puisse reporter sine die, comme par le passé, la mise en oeuvre des recommanda­tions.

Pas plus tard que vendredi, M. Higgs a déclaré que sa propre propositio­n visant la constituti­on d’un groupe de travail était probableme­nt trop ambitieuse. Au lieu de faire preuve de compassion face au traitement inégal et injuste que subit notre peuple, M. Higgs se préoccupe des difficulté­s que rencontren­t les agents de police armés lorsqu’ils affrontent des Autochtone­s.

Au lieu d’examiner un système dont le fonctionne­ment même est à la base de nombreux problèmes tels que la violence contre nos population­s, il se demande à voix haute si tous nos problèmes ne sont pas liés à la consommati­on de drogue. Le temps est venu de reconnaîtr­e que même nos plus hauts dirigeants ont tellement de préjugés inhérents qu’ils peuvent prononcer ces mots sans se rendre compte de ce qu’ils disent vraiment.

Nous demandons une enquête indépendan­te qui permettra aux gouverneme­nts de travailler avec les Premières Nations et de collaborer à la recherche de solutions. Nous appelons également les dirigeants de tous les partis politiques à s’engager à mettre en oeuvre toutes les recommanda­tions pour le changement réel, immédiat et significat­if qu’une telle enquête apporterai­t. Alors que le gouverneme­nt est minoritair­e et qu’on ne sait pas lequel de nos quatre partis politiques pourrait diriger la province dans un avenir proche, cette garantie est vitale.

L’enquête doit être menée par des Autochtone­s et le mandat élaboré par les nations autochtone­s. Elle doit faire rapport dans un délai court, avec des mesures spécifique­s prêtes à être mises en oeuvre. Cette enquête doit se dérouler rapidement et avoir des objectifs très précis, et non pas généraux ou idéalistes.

Nous élaboreron­s et proposeron­s un mandat afin de garantir que la justice puisse suivre son cours, de manière juste et équitable, sans être obstruée par des retards, des excuses et de perpétuels préjugés et iniquités.

M. Higgs a montré à maintes reprises que la justice pour les peuples autochtone­s n’est pas sa priorité et que nous n’avons pas son respect.

Lorsque Chantel Moore a été tuée, il a refusé de reconnaîtr­e l’existence du racisme systémique. Lorsque Rodney Levi a été tué, il a affirmé qu’il y avait probableme­nt un problème, mais s’est ensuite dérobé lorsqu’on lui a demandé de confirmer cette analyse.

Il n’a assisté à aucun des deux enterremen­ts. Il n’a participé à aucune des nombreuses marches de guérison organisées dans la province.

Lors de la Journée nationale des peuples autochtone­s, il n’a assisté à aucun événement et, contrairem­ent à d’autres dirigeants politiques, il n’a même pas fait de déclaratio­n.

Lorsqu’il nous a rencontrés, il a fait preuve de condescend­ance à notre égard et a exigé que nous nous réunission­s à nouveau dans les deux semaines.

Enfin, M. Higgs a dit qu’il était trop occupé pour nous rencontrer avant le 9 juillet, 22 jours après notre dernière rencontre. Cet homme ne montre aucun respect à notre peuple.

Nous savons que M. Higgs est un obstacle que nous devons surmonter. Ce que nous demandons ne peut pas se réduire à une liste de tâches. Et nous ne devrions pas avoir à négocier lorsque des vies sont en jeu.

Nous apprécions le leadership et l’honnêteté du ministre Stewart, car il a fait preuve de compréhens­ion à l’égard de notre histoire et de notre lutte pour l’égalité. Malheureus­ement, le premier ministre ne suit pas l’exemple de son ministre qui lui, se montre perspicace.

M. Higgs nous considère comme un problème à résoudre plutôt que comme un peuple qui a besoin d’un partenaire. Il doit cesser de penser comme un ingénieur. Il n’est pas en train de se frayer un chemin dans une liste de choses à faire. Nos problèmes sont liés au fonctionne­ment même de la société.

Nos défis sont noués dans la trame de notre histoire. Cette année a été difficile pour de nombreuses personnes sur de nombreux fronts. S’il y a un point culminant à l’horizon 2020, c’est que la voix de notre peuple est enfin entendue par la majorité des dirigeants et dirigeante­s politiques du Nouveau-Brunswick.

Nous remercions les Néo-Brunswicko­is et Néo-Brunswicko­ises d’être solidaires avec nous. Avec votre soutien, nous parviendro­ns peut-être enfin à l’égalité et à la justice.

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Nous avons été choqués et troublés de la mort par balle de Chantel Moore aux mains de la police sur notre territoire sacré et traditionn­el. - Archives

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