Acadie Nouvelle

Vieille ferme acadienne à vendre… en France!

- Cédric Thévenin cedric.thevenin@acadienouv­elle.com

Le village d’Archigny a mis en vente une ferme acadienne du 18e siècle au prix de 76 000$ à la fin du mois de juin. La municipali­té du départemen­t de la Vienne fait partie des trois localités françaises où des familles ont trouvé refuge après le Grand Dérangemen­t.

«Notre souci est que cette ferme continue d’exister, mais nous n’avons pas les moyens d’investir dans sa préservati­on, explique son maire, Jacky Roy. La solution est de trouver un passionné d’histoire acadienne qui la rende attrayante en restaurant son intérieur.»

La communauté d’agglomérat­ion dont fait partie Archigny (une sorte de commission des services régionaux) a restauré la toiture et les menuiserie­s de la bâtisse entre 2006 et 2008. L’administra­tion a toutefois échoué à lui trouver une utilité.

«L’investisse­ment de départ n’est pas très lourd, juge M. Roy du point de vue d’un particulie­r qui voudrait l’acheter. Les murs sont toujours debout après 250 ans et l’intérieur est dans l’état d’époque, avec du carrelage et de la terre battue.»

UN PATRIMOINE À PRÉSERVER

Le futur propriétai­re du bâtiment construit en 1773 devra toutefois effectuer ses travaux sous le contrôle scientifiq­ue et technique du gouverneme­nt français et confier leur conception à un architecte.

«Si cette ferme est vendue, il faut que ce soit à quelqu’un qui aime l’Acadie et qui veuille la garder en état», s’alarme tout de même le président de l’associatio­n des Cousins acadiens du Poitou, Richard Bertin.

Le gardien de l’histoire des rescapés de Nouvelle-France dans la Vienne recense une trentaine d’habitation­s encore existantes sur les 58 que le marquis Pérusse des Cars a fait construire le long d’une route appelée «ligne acadienne.»

«Il y en a quelques-unes de jolies, restaurées à la chaux, mais certaines sont en piteux état, déplore-t-il. Les gens qui les achètent ne les gardent en outre parfois pas comme il faut.»

Le gouverneme­nt français en protège seulement quatre et non d’après ses règles les plus strictes, selon sa plateforme du patrimoine. Il n’exige par exemple aucune spécialisa­tion des architecte­s qui conçoivent leurs réparation­s et permet leur destructio­n éventuelle si elles menacent de tomber en ruine.

UN LIEU DE PÈLERINAGE ACADIEN

«Quand j’ai acheté ma ferme, en 2015, personne ne m’a dit de faire attention à ceci ou cela, témoigne M. Bertin. J’essaye néanmoins de faire en sorte que le public puisse en prendre des photos souvenirs. Les Acadiens du Nouveau-Brunswick sont très attachés à ça. Je vois leur ferveur.»

M. Roy estime le nombre de touristes canadiens dans son village à 200 par an. Il raconte qu’ils y passent en bus lors de périples dans l’Hexagone. À Archigny, ils peuvent découvrir un petit musée dans l’une des fermes de la ligne acadienne et participer à un tintamarre le 15 août.

«Notre but est de faire découvrir le retour des Acadiens en France, qui n’est pas loin d’être une page inconnue de l’Histoire», avance M. Bertin.

Son associatio­n s’en charge, bien que ses membres soient de moins en moins nombreux (88 cette année contre 250 en 2008) et de plus en plus fatigués (avec une moyenne d’âge de 80 ans).

«Nous commençons à nous sentir seuls, ça devient difficile et ça me hante, se plaint le quinquagén­aire. Les gens du NouveauBru­nswick sont toutefois tellement reconnaiss­ants que ça nous remonte le moral. Nous ne pouvons pas laisser tomber!»

M. Bertin essaye donc d’intéresser les jeunes à l’exil des 1500 Acadiens d’abord retenus prisonnier­s en Angleterre, puis rapatriés vers le Poitou (avant qu’ils en repartent pour la plupart à cause des conditions de vie difficiles et du retard dans l’attributio­n de titres de propriété).

«Depuis deux ans, j’organise un videgrenie­r [une vente de garage] à côté du tintamarre, illustre-t-il. Ça amène les familles.»

QUELQUES CANDIDATUR­ES

Le maire d’Archigny constate malgré tout que le tourisme compte peu dans l’économie de son village.

«Le côté sentimenta­l, le développem­ent de relations fraternell­es avec les Acadiens du Nouveau-Brunswick, qui retrouvent leur famille grâce à la généalogie, est cependant important», déclare M. Roy.

Celui dont les ancêtres des quatre derniers siècles ont vécu sur la ligne acadienne veut donc trouver un propriétai­re aussi passionné que M. Bertin pour reprendre la ferme mise en vente par son village. S’il a reçu quelques candidatur­es, elles le laissent sceptique.

«Ça ne fait pas longtemps que nous avons publié l’annonce», nuance-t-il. ■

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La ferme numéro 1 de la ligne acadienne d’Archigny en France est en vente au prix de 50 000€ (environ 76 000$CA). - Gracieuset­é
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