PRIVÉS DE RÉCONFORT EN FIN DE VIE
Faire face à la mort est angoissant. En raison des restrictions liées à la pandémie, un nombre très limité de visiteurs peuvent accéder au chevet des personnes mourantes, une situation déchirante pour bien des familles.
Dire adieu à un être cher, un membre de la famille, un ami proche, est une épreuve souvent difficile à traverser. Et malheureusement, la COVID-19 est venue amplifier le tout.
La soeur d’une patiente actuellement en phase terminale à l’Hôpital régional de Campbellton a accepté de partager - de façon anonyme - ce que traverse sa famille en cette période de crise.
La patiente en question souffre d’un cancer des poumons et des os. Sa santé est fragile, si bien qu’elle a été admise à l’unité de soins palliatifs au début du mois.
La qualité des soins et des services offerts par le personnel de cette unité n’est nullement remise en question par la famille. Ce qui alourdit l’ambiance, c’est l’accès limité accordé aux proches.
Actuellement, dans le Réseau de santé Vitalité, la règle pour les familles est d’autoriser au maximum deux visiteurs. Il s’agit d’une mesure mise en place par le réseau pour combattre la pandémie de COVID-19. On veut du coup limiter le nombre de déplacements dans l’hôpital et réduire les risques de propagations de la maladie.
Dans ce cas-ci, la patiente est mère de trois filles. Elle a également deux frères et deux soeurs. Pourtant, personne de ce groupe ne peut lui rendre visite.
«Ça aurait été trop déchirant de choisir qui de ses filles pourrait aller et qui ne le pourrait pas. Même chose pour nous, ses frères et soeurs. C’est donc son mari qui est à son chevet en compagnie du frère de ce dernier, venu l’appuyer dans cette épreuve. Car c’est très difficile pour lui», explique-t-elle.
Elle et d’autres membres de sa famille ont néanmoins pu faire leurs adieux en personne, samedi dernier. Assise sur un fauteuil gériatrique, elle a été escortée à l’extérieur de l’unité de soins palliatifs où elle se trouve. Une rare occasion, possiblement la dernière.
«Elle ne sort pas tous les jours, c’est trop exigeant pour elle. Bientôt, elle ne pourra plus le faire du tout. On a apprécié le geste, mais l’idéal aurait été que l’on puisse la voir dans sa chambre, là où elle est confortable et surtout dans un environnement plus privé. Ou le permettre à ses propres enfants, il me semble que c’est la moindre des choses», exprime sa soeur.
Outre le fait qu’elle aimerait être présente pour sa soeur dans ces jours difficiles, cette dernière estime qu’une plus grande diversité au niveau des visiteurs serait un geste très apprécié. Surtout par ceux qui effectuent cette tâche depuis le début.
«C’est vraiment difficile pour eux – physiquement et mentalement – d’être à ses côtés tous les jours. On aurait aimé partager cette tâche. Je ne crois pas que ceux qui ont pensé à ces limites ont réfléchi à tous ces petits détails avant de les mettre en place», exprime-t-elle.
PRÉOCCUPATIONS
Ce cas n’est pas unique dans la province et ces préoccupations sont partagées par l’Association francophone des aînés (es) du Nouveau-Brunswick. En mai, l’AFANB avait décrié cette situation. Aujourd’hui, elle revient à la charge en redemandant des assouplissements.
«On aimerait avoir un peu plus de flexibilité, idéalement qu’il y ait plus de personnes pouvant visiter leurs proches en situation de fin de vie. Parce qu’en ce moment, il y a clairement un manque d’humanité et de compassion», exprime Jean-Luc Bélanger, directeur général de l’association.
M. Bélanger l’avoue, depuis l’arrivée de la COVID-19, la question des visites – en milieu hospitalier ou en foyer – est source de grandes préoccupations au sein de la population plus âgée. Et c’est encore plus vrai lorsqu’il est question de visites auprès des êtres chers mourants.
«Ça s’ajoute à toute l’inquiétude, tout le stress entourant la COVID-19. Quelque part, c’est une question de santé mentale. Les gens doivent pouvoir dire au revoir à leurs proches», estime M. Bélanger.
S’il prône la sécurité, il note au passage qu’il n’y a pas de crise de la COVID-19 à gérer à ce moment-ci. Il ne reste en effet qu’un seul cas actif dans la province et aucun nouveau cas n’a été déclaré au cours des 13 derniers jours.
«On pourrait très certainement, avec un peu de bonne volonté, alléger les choses pour le bien-être des familles», indique-t-il. ■