L’homme dont la SANB a besoin
Alexandre Cédric Doucet est depuis deux semaines le nouveau président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick. Il n’a pas pris de temps à s’imposer. Les militants de l’organisme de défense des droits des francophones du Nouveau-Brunswick ne devraient pas regretter leur choix.
La campagne à la présidence de la SANB a été l’une des plus intéressantes des dernières années, alors que deux candidats crédibles se sont affrontés, qui plus est avec des visions différentes de leur rôle et de celui de l’organisme qu’ils aspiraient à diriger.
Au final, Alexandre Cédric Doucet, a remporté une victoire convaincante. Il a obtenu 414 votes contre 250 pour Mathieu Gérald Caissie.
À 25 ans, il devient le plus jeune président de l’histoire de la SANB. Cela ne l’a pas empêché de faire ses classes dans le milieu associatif.
Il a été président de la FÉÉCUM, où il a parlé avec conviction au nom des étudiants. Il a travaillé à l’Association francophone des municipalités du N.-B. auprès de son DG, Frédérick Dion. Il a été vice-président de la SANB et membre du conseil d’administration de la Coalition pour l’équité salariale. Il étudie le droit en prévision d’une possible carrière dans le domaine des droits linguistiques.
Il sait aussi se faire des alliés. Plusieurs personnes, y compris des poids lourds en Acadie, ont travaillé dans l’ombre à sa campagne pour la présidence de la SANB.
Bref, nous ne sommes pas témoins d’un coup d’éclat de la part d’un étudiant en manque d’attention. Alexandre Cédric Doucet est à prendre au sérieux.
La SANB avait devant elle deux candidats forts et n’aurait été dans le trouble avec aucun d’entre eux. Les membres ont tranché en faveur de celui qui a promis un militantisme acadien plus musclé.
Nous ne recommandons pas à Alexandre Cédric Doucet de couper les lignes de communication avec le gouvernement. Les coups de gueule et les chemises déchirées ne suffisent pas à faire avancer les dossiers. Il faut aussi créer des liens avec les décideurs.
Néanmoins, on sent qu’il sera moins patient et plus vindicatif que certains de ses prédécesseurs.
Ce n’est pas une mauvaise chose. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne fait pas du respect et de l’amélioration des droits linguistiques sa priorité.
Ça n’a pas commencé avec Blaine Higgs. À titre d’exemple, le gouvernement libéral de Brian Gallant avait pour habitude d’ignorer le rapport annuel du Commissariat aux langues officielles du NouveauBrunswick. Il ne commentait même pas ses recommandations.
Le premier ministre actuel est toutefois un cas à part. Il est au mieux indifférent aux droits linguistiques et au pire carrément hostile.
Son gouvernement ne compte aucun député dont la langue principale est le français. Il a poussé par ses décisions son seul élu francophone à la démission. Il s’est allié avec la People’s Alliance, une formation politique qui s’oppose à la plupart des droits linguistiques et acquis des Acadiens et francophones.
Unilingue anglophone, il a choisi pendant la pandémie de ne pas nommer un porteparole politique pouvant s’exprimer dans un français acceptable. Il soutient que la traduction simultanée permet d’offrir un traitement égal aux francophones, même si le Commissariat aux langues officielles du N.-B. a déjà tranché que ce n’est pas le cas.
Étant donné la situation, il importe que la SANB soit plus visible et plus ferme. «Il faut faire de l’action et pas juste de la réaction», a confié Alexandre Cédric Doucet après avoir été élu président.
Il n’a pas pris de temps à passer de la parole aux actes. Le 24 juin, les quatre provinces de l’Atlantique ont annoncé la création d’une bulle permettant la circulation des citoyens de la région.
L’annonce a eu lieu seulement en anglais. Il a fallu attendre plus d’une heure avant qu’un communiqué de presse en français soit diffusé. M. Doucet a réagi en déposant une plainte au nom de la SANB auprès du Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick. Le ton était donné.
Tous n’apprécient pas cette stratégie. Il vient toutefois un moment où un organisme comme la SANB doit montrer qu’il peut faire plus que surveiller le gouvernement. Il doit aussi le «talonner», pour citer M. Doucet lors du débat des candidats qui a eu lieu à la fin mai.
Alexandre Cédric Doucet est le président dont avait besoin la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick à ce moment-ci.
Nous croyons qu’il peut offrir une voix forte et convaincante au moment où elle est plus nécessaire que jamais.