Acadie Nouvelle

Rejetez l’ultimatum de Higgs

-

Le premier ministre Blaine Higgs demande aux partis de l’opposition de le maintenir au pouvoir jusqu’en 2022 ou jusqu’à la fin de la pandémie de COVID-19, sans possibilit­é de revenir sur leur parole, et ce, peu importe les circonstan­ces. Sinon, il déclencher­a des élections provincial­es cet été et jettera le blâme sur ses adversaire­s. Nous croyons que les libéraux et les verts ne doivent pas faire l’erreur d’accepter cet ultimatum.

C’est un secret de polichinel­le que Blaine Higgs et ses stratèges progressis­tes-conservate­urs sont prêts pour une campagne électorale provincial­e. Ils croient aux chances de leur formation d’obtenir la majorité qui leur a fait défaut lors du scrutin de 2018.

Le moment est opportun. Le gouverneme­nt a bien su gérer la crise de la COVID-19. Il n’y a présenteme­nt que huit personnes infectées dans toute la province.

Rien ne garantit toutefois que les choses iront en s’améliorant. De nouvelles éclosions pourraient survenir. L’année scolaire débutera dans moins d’un mois. S’il y a des problèmes, le dossier pourrait devenir rapidement un boulet pour le gouverneme­nt. D’où cette volonté de foncer pendant que le ciel est dégagé.

La seule chose qui semble pour le moment empêcher le gouverneme­nt de déclencher une campagne éclair est la crainte d’un ressac de l’électorat. Provoquer des élections dont personne d’autre ne veut, en pleine pandémie, malgré la collaborat­ion historique des autres partis, et ce pour des raisons opportunis­tes, est une bonne recette pour se mettre les électeurs à dos.

C’est sous ce spectre qu’il faut analyser la propositio­n de Blaine Higgs.

Son objectif est limpide: laisser les libéraux et les verts rejeter son plan, déclencher des élections provincial­es et leur transférer le blâme, en espérant que les électeurs avalent cette couleuvre.

Dans sa lettre, le premier ministre propose aux autres chefs de s’entendre avec lui sur un programme législatif conjoint. Une fois que tout le monde se sera entendu sur les grandes lignes, tous les députés signeront une entente dans laquelle ils s’engageront à laisser Blaine Higgs gouverner.

Cela signifie qu’ils ne pourront plus jouer pleinement leur rôle d’opposition. Ils devront par exemple s’assurer de faire adopter le discours du Trône et le budget avant même de l’avoir lu. Ils ne pourront empêcher le gouverneme­nt, lors des votes de confiance, d’adopter des mesures ou des réformes auxquelles ils se seraient normalemen­t opposés.

Le plan prévoit même que le gouverneme­nt Higgs restera au pouvoir dans l’éventualit­é où il devait perdre les trois élections partielles prévues à l’automne.

Les verts ont été les premiers à voir clair dans le jeu des progressis­tes-conservate­urs. S’ils se disent prêts à collaborer pour permettre l’adoption du discours du Trône, ils refusent de signer un chèque en blanc bon jusqu’à l’automne 2022. Avec raison.

Le chef libéral Kevin Vickers a de son côté surpris par son enthousias­me initial à cette propositio­n inédite du premier ministre. Il a toutefois laissé entendre préférer une entente jusqu’au 31 mars 2021 et la promesse de ne pas faire tomber le gouverneme­nt d’ici là.

Il n’est pas clair à quel point Blaine Higgs est ouvert à ce type de compromis. Il exige par exemple l’accord des trois autres formations. Il est à demander s’il ne fait pas exprès pour mettre la barre trop haute, afin de mener les discussion­s vers un échec et blâmer ensuite ses adversaire­s politiques.

Il n’y a rien qui justifie présenteme­nt un gouverneme­nt de coalition, ni que l’opposition abandonne son rôle de tenir le gouverneme­nt imputable de ses actes.

En particulie­r, si les libéraux acceptent de maintenir le gouverneme­nt en place jusqu’en 2022, ce sera un signe de faiblesse pour ce parti. Il s’agira de la preuve que le chef Kevin Vickers n’a pas confiance en ses capacités ni en sa formation pour faire face à l’électorat.

C’est sans compter que M. Vickers se retrouvera­it alors à collaborer de près avec la People’s Alliance, accordant ainsi une légitimité inacceptab­le à cette formation politique qui se bat chaque jour pour enlever des droits linguistiq­ues aux francophon­es du NouveauBru­nswick. Nous ne pardonnero­ns pas de sitôt aux libéraux (ou aux verts) s’ils devaient s’abaisser, comme les progressis­tes-conservate­urs depuis 2018, à choisir cette voie.

Blaine Higgs a le droit de déclencher des élections provincial­es, même sans véritable enjeu autre que sa quête pour obtenir un mandat majoritair­e.

Si nous en arrivons à ce point, les NéoBrunswi­ckois ne devront pas commettre l’erreur de croire que ce scrutin a lieu parce que les chefs des autres partis ont rejeté le plan de Blaine Higgs de le maintenir au pouvoir coûte que coûte pendant presque deux ans.

Il y aura des élections provincial­es parce que le premier ministre aura voulu ce scrutin, parce que les intentions de vote sont favorables à son parti et parce qu’il pense pouvoir gagner une majorité. Cela n’aura rien à voir avec un refus de l’opposition de lui laisser carte blanche.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada