Acadie Nouvelle

Être parent-éducateur, «le plus beau cadeau que je pouvais faire à mon enfant»

- Simon Delattre simon.delattre@acadienouv­elle.com @Simon2Dela­ttre

Des réticences face aux règles sanitaires, la volonté d’offrir un apprentiss­age adapté ou le goût de contrôler les apprentiss­ages de leur enfant ont pesé dans la décision de familles de privilégie­r l’école à la maison. L’Acadie Nouvelle donne la parole à des parents ayant fait ce choix de vie.

Pour certains, l’instructio­n en famille permet de préserver le rythme et l’équilibre des enfants tout en offrant la possibilit­é de délivrer un enseigneme­nt à la carte.

Le jeune Yabsira Thibodeau, 12 ans, ne fera pas sa rentrée dans le district scolaire francophon­e Nord-Est cette année. Sa mère Julie voulait l’aider à surmonter son trouble d’apprentiss­age tout en réduisant son niveau de stress.

«L’école à la maison, ç’a toujours été quelque chose qu’on aurait voulu faire. La COVID-19 nous a donné un dernier coup de pouce. Il ne se voyait pas porter le masque toute la journée», mentionne celle qui a oeuvré comme intervenan­te en milieu scolaire.

La transition a demandé beaucoup de recherches et une bonne dose de préparatio­n. Julie supervise l’enseigneme­nt de 9h à 14h, cinq jours par semaine, en imposant une certaine routine. Les intérêts de son jeune sont placés au coeur des apprentiss­ages.

«Il adore ça et j’ai plus de temps avec lui. Il doit faire un à deux gros projets par semaine sur des sujets qui l’intéressen­t: les astres, l’Amazonie, les animaux en voie de disparitio­n… Il regarde un documentai­re en anglais, puis il fait une rédaction en français, liste-t-elle. Nous faisons notre exercice au gymnase ou en nature. On visite la bibliothèq­ue tous les mercredis. Chaque jour, on fait de la lecture de 2h à 2h30.»

Après seulement quelques semaines, la résidente de Campbellto­n est convaincue d’avoir pris la bonne décision.

«Il n’a plus d’angoisse, il ne se compare plus avec les autres, il n’est plus perdu, car j’avance à sa vitesse d’apprentiss­age, constate-t-elle. C’est une grosse décision sur le plan financier, ça demande énormément de temps. Je n’ai pas de regret, je regrette juste de ne pas l’avoir fait avant. C’est le plus beau cadeau que je pouvais faire à mon enfant.»

DES POSSIBILIT­ÉS DE SOCIALISAT­ION

En favorisant le télétravai­l, la pandémie a aussi permis à Pascaline Wanotlyn et à son mari de se tourner vers l’instructio­n à la maison. Leur fille Emma, âgée de 9 ans, leur avait exprimé son désir d’étudier à domicile.

«Elle trouvait l’école trop bruyante, elle voulait plus de calme. Elle m’a dit que ça ne l’intéressai­t pas de porter un masque», confie la maman, qui avait déjà fait l’expérience lorsque la famille résidait en France.

Elle y voit l’occasion de privilégie­r l’enseigneme­nt de l’histoire, qu’elle juge déficient dans les écoles canadienne­s, et de mettre l’accent sur la maîtrise de la langue française, que sa fille pouvait plus difficilem­ent acquérir dans l’école anglophone où elle était inscrite.

Mettre la main sur les ressources éducatives ne lui a pas posé problème.

«De nos jours, on a accès à tellement d’informatio­ns. On peut trouver des curriculum­s dans n’importe quelle librairie, sur des sites web gratuits», dit-elle.

Pascaline Wanotlyn assure que la petite Emma ne manque pas d’occasions de socialiser, que ce soit lors des visites à l’église le dimanche, des cours de danse ou lors de rencontres avec d’autres enfants scolarisés à la maison.

«Elle peut davantage choisir ses amis plutôt que de côtoyer des camarades de classe qu’elle ne supporte pas, avance-telle. Et puis j’apprécie énormément l’interactio­n que j’ai avec ma fille cette année, on passe plus de temps ensemble.»

«UNE BELLE COMPLICITÉ»

Bien que la COVID-19 ait été le déclic pour certaines familles, ce choix n’est pas récent pour d’autres.

Allison Fontaine, de Bathurst, enseigne à domicile depuis huit ans. Mère de six enfants âgés de cinq mois à 13 ans, elle se dédie presque entièremen­t à cette mission.

«Mon travail c’est de faire l’école à la maison. Ça me prend toute ma journée», lance-t-elle.

La maman ne voulait pas forcer son aîné à «rentrer dans un moule».

«Il avait beaucoup d’énergie, il aimait bouger, je voyais mal comment il allait intégrer une classe où tu dois te taire et rester assis», raconte-t-elle.

En se chargeant de l’instructio­n de ses protégés, elle croit pouvoir mieux adapter l’enseigneme­nt au rythme de chacun.

«C’est un engagement, je le fais pour pouvoir passer plus de temps de qualité avec mes enfants. Je peux savoir ce qu’ils apprennent, où ils sont rendus, ajoute-telle. Ça peut apporter une belle complicité, et rendre la famille plus unie.»

UN ENSEIGNEME­NT LIBRE

Allison Fontaine apprécie aussi la grande liberté que cette méthode confère à sa famille, bien qu’elle nécessite «de la discipline et une certaine rigueur».

Le couple décide l’horaire, des outils pédagogiqu­es et gardait, jusqu’à cet hiver, la possibilit­é de voyager n’importe quand.

«Est-ce que je voudrais plus de soutien? Je ne crois pas si ça veut dire se voir imposer un plan, des tests, plus de contrôles», conclut-elle.

La situation sanitaire a également conduit Danielle Bernard, de Charlo, à prendre congé de son travail pour prendre en main l’instructio­n de son garçon de cinq ans, dont le système immunitair­e est affaibli.

Laissée à elle-même, la maman a pu compter sur les conseils d’une amie enseignant­e et d’un groupe de parents-éducateurs du Restigouch­e.

«On se rencontre une fois par semaine. On fait des activités ensemble, à la plage, au parc. On se propose des projets», détaille-t-elle.

Danielle Bernard privilégie avant tout des apprentiss­ages moins formels, comme le cordage de bois, et commence la journée par des activités qui permettent au petit Félix, plutôt hyperactif, de se concentrer pour la suite de l’enseigneme­nt.

«C’est l’école de la vie. Je lui montre des choses qu’il n’apprendrai­t probableme­nt pas à l’école et ça lui permet de brûler son énergie», plaide-t-elle.

«C’est sûr qu’il faut une discipline. Ce ne sont pas tous les enfants qui écoutent leurs parents! Et il faut être confiant d’avoir les connaissan­ces pour enseigner correcteme­nt.»

Toutes s’accordent à dire que ce choix de vie n’est pas un choix pour tous. ■

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L’éducation de ses enfants occupe Allison Fontaine à plein temps. - Gracieuset­é
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