Acadie Nouvelle

L’ENCRE ROUGE DE LA PANDÉMIE

- RICHARD SAILLANT

La pandémie a de nouveau fait couler de l’encre rouge sur les livres de la province. Lors de sa dernière mise à jour en juin, le ministre des Finances Ernie Steeves projetait un déficit de 343 millions $ pour l’année en cours. En mars, quelques jours à peine avant l’entrée dans le confinemen­t, le ministre déposait un budget prévoyant un surplus de 92 millions $.

Avec l’arrivée au pays d’une deuxième vague d’infections, les perspectiv­es financière­s de la province se sont quelque peu assombries. Supposons pour l’instant que la pandémie aura un impact financier d’un demi-milliard de dollars pour l’année en cours, ce qui implique un déficit d’environ 400 millions $.

Que penser d’un tel développem­ent? Pour une province qui ne compte pas davantage de résidents que la région de Québec et qui soutient déjà une dette totale (incluant les sociétés de la couronne) de près de 20 milliards $, il s’agit là certes d’un important contretemp­s.

Cela dit, il n’y a pas lieu, pour l’instant, de s’inquiéter outre mesure, car nous avons affaire avec ce que les économiste­s appellent un déficit «conjonctur­el» et non pas «structurel». La différence entre les deux est fondamenta­le. Contrairem­ent à la situation qui prévalait jusqu’à il y a quelques années, le déficit actuel n’est pas causé par des revenus chroniquem­ent inférieurs aux dépenses. Il résulte plutôt d’une contractio­n brutale, mais sans doute temporaire de l’activité économique. L’économie provincial­e a déjà repris du poil de la bête depuis la levée de la plupart des mesures de confinemen­t mises en place ce printemps.

Bien que la conjonctur­e demeure incertaine, la situation fiscale de la province devrait s’améliorer considérab­lement dès 2021-2022, et ce, particuliè­rement si l’immigratio­n revient à ses niveaux d’avant la crise. Pendant les élections, les libéraux ont été ridiculisé­s par les autres partis pour avoir promis un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2023. C’était la preuve, selon eux, que le parti dirigé par Kevin Vickers ne saisissait pas la gravité de la crise actuelle.

Seul le temps nous dira qui avait raison. Ce qui est clair à ce stade-ci, c’est que personne n’est en mesure de porter un jugement éclairé sur cette question tant et aussi longtemps que nous ne saurons pas combien d’argent nous allons recevoir d’Ottawa. Le Nouveau-Brunswick compte sur les transferts fédéraux pour près de 38% de ses revenus ordinaires. Ces transferts sont fort imprévisib­les et peuvent entraîner des fluctuatio­ns brutales de la situation financière de la province.

C’est particuliè­rement le cas pour les paiements de péréquatio­n. Pendant la première moitié de la dernière décennie, ceux-ci n’ont connu aucune croissance et la province a affiché des déficits colossaux.

Par contraste, au cours des dernières années, les transferts fédéraux ont affiché des bonds spectacula­ires et la province a renoué avec l’encre noire. L’importance des transferts fédéraux rappelle à son tour que le legs financier le plus inquiétant de la crise pour les Néo-Brunswicko­is se trouve à Ottawa, et non à Fredericto­n.

Une fois la poussière retombée, Ottawa aura probableme­nt ajouté plus de 500 milliards $ à sa dette. Cet océan d’encre rouge n’augure rien de bon pour une province qui dépend de la générosité des Canadiens pour boucler son budget.

Au sortir de la crise, toutes les provinces se tourneront vers un gouverneme­nt fédéral grandement appauvri pour remédier aux multiples failles dans leurs systèmes de santé, à commencer par les foyers de soins. Ottawa devra également faire face à une Terre-Neuveet-Labrador en faillite et à une Alberta décimée par la crise. Le Nouveau-Brunswick, avec sa population qui vieillit rapidement, devra faire la queue comme tout le monde.

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Ernie Steeves
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