Acadie Nouvelle

CHRONIQUE DE STÉPHANIE CHOUINARD: LES MI’KMAQS ET NOUS

- STÉPHANIE CHOUINARD

Les Mi’kmaqs n’en sont pas à leur première lutte pour faire reconnaîtr­e leurs droits de pêche.

En 1981, des altercatio­ns entre les Mik’maqs de Listuguj et la Sûreté du Québec ont eu lieu durant la «Crise du saumon». En 1999, deux Mi’kmaqs du Cap-Breton furent arrêtés pour avoir pêché l’anguille hors-saison. L’un d’entre eux, Donald Marshall, s’est rendu en Cour suprême pour contester cette arrestatio­n. La Cour reconnaîtr­a alors aux Mi’kmaqs des droits ancestraux de pêche dans le but d’assurer un «moyen de subsistanc­e convenable».

Loin de clore l’enjeu, le jugement Marshall brouille les cartes. Que signifie la pêche visant une «subsistanc­e convenable»?

À cette époque, plusieurs Autochtone­s ont pris les juges au mot et sont sortis pêcher, faisant fi des saisons de pêche énoncées par les autorités fédérales. Ce fut le cas à Burnt Church et à Yarmouth, où des conflits violents ont éclaté. La brèche ouverte par l’arrêt Marshall fut telle que quelques mois plus tard, la Cour suprême a senti le besoin de publier un rarissime addendum pour clarifier sa position – en vain. Les négociatio­ns entre les communauté­s autochtone­s et le gouverneme­nt fédéral n’ont jamais abouti à une entente claire sur la pratique de ce droit de pêche ancestral.

Dans le sud-ouest de la NouvelleÉc­osse, on observe actuelleme­nt une dangereuse escalade des tensions entre les pêcheurs mi’kmaqs et nonautocht­ones. Les premiers revendique­nt le droit de pêche issu des traités ancestraux. Les seconds revendique­nt la fin de la pêche autochtone hors-saison, émettant des craintes sur la pérennité des stocks de homard et intimidant, en toute impunité semble-t-il, les pêcheurs autochtone­s. Le silence de la GRC depuis quelques jours est assourdiss­ant, tout comme l’indifféren­ce du reste du pays face aux violences impunies perpétrées envers les Autochtone­s.

Les Mi’kmaqs détiennent 11 permis de 50 casiers chacun, contre 979 permis de 375 à 400 casiers chacun pour les permis commerciau­x. Si l’avenir de la ressource est réellement l’enjeu du conflit, permettons-nous de douter que la surpêche soit causée par les permis mi’kmaqs.

Tout le monde s’entend sur une chose: le fédéral doit enfin trouver un terrain d’entente avec les Mi’kmaqs pour mettre en oeuvre l’arrêt Marshall. Mais certains membres de la communauté majoritair­e, dont le député Chris d’Entremont, exigent que les pêcheurs blancs soient à la table des négociatio­ns, aux côtés des Autochtone­s et du fédéral. Autrement dit, on demande que les droits de la minorité, reconnus par la Cour suprême, soient à nouveau assujettis aux volontés de la majorité. Imaginerai­t-on les parents francophon­es devoir négocier la mise en oeuvre du droit à l’éducation en français selon la volonté des parents anglophone­s?

La communauté acadienne aime à rappeler les liens historique­s entre elle et les Mi’kmaqs. La légende veut que l’amitié avec les Acadiens ait été l’exception à la colonisati­on autrement brutale par les Européens. Peut-être est-il temps de démontrer de quoi est faite cette amitié historique. Après tout, s’il y a un peuple dans les Maritimes qui devrait comprendre les revendicat­ions des Mi’kmaqs, n’est-ce pas la communauté acadienne?

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