Acadie Nouvelle

Masquer les problèmes

-

Les problèmes d’Ambulance NB meublent les manchettes depuis déjà de nombreuses années. Le rapport de la vérificatr­ice générale, rendu public mardi, nous révèle toutefois une surprise inattendue. Le contrat qui lie l’organisme au gouverneme­nt provincial a été conçu de façon à maximiser les profits tout en masquant les faiblesses du service, en particulie­r dans les régions éloignées des grands centres.

Précisons d’abord que malgré les controvers­es, Ambulance NB constitue une grande réussite et surtout une améliorati­on par rapport aux dizaines de services locaux et régionaux d’ambulance qui existaient avant la réforme de 2007.

Le contrat signé avec Medavie comprend des clauses qui doivent permettre au gouverneme­nt d’évaluer le travail d’Ambulance NB tout en favorisant une bonne gestion des deniers publics.

La vérificatr­ice générale démontre toutefois que Medavie est passée maître dans l’art de les utiliser à son avantage. Et que cela lui rapporte gros.

Kim Adair-MacPherson dévoile dans son rapport un exemple flagrant. Le ministère de la Santé confie à Medavie un budget annuel de 110 millions $, en plus de frais de gestion de 3,2 millions $ par année. Si l’entreprise termine l’année avec un surplus budgétaire, elle peut en conserver la moitié.

Or, Ambulance NB est aux prises avec une pénurie de personnel depuis des années. Tous ces postes vacants ont un effet positif sur le bilan financier de l’entreprise. Résultat, Medavie a reçu 18,4 millions $ pour ses économies sur une période de 10 ans.

Les contribuab­les se retrouvent ainsi à récompense­r financière­ment Medavie pour son incapacité à pourvoir sa centaine de postes vacants de travailleu­rs paramédica­ux!

La découverte la plus préoccupan­te de Mme Adair-MacPherson concerne toutefois la façon dont le rendement d’Ambulance NB est évalué.

Le contrat prévoit des temps de réponse pour les appels urgents et non urgents en provenance du 911.

Une ambulance doit ainsi arriver sur les lieux d’une urgence en moins de 9 minutes dans une région urbaine (15 minutes pour les cas moins urgents) et en moins de 22 minutes dans les régions rurales (25 minutes pour les non-urgences), et ce, 90% du temps.

Là aussi, de gros sous sont en jeu.

Medavie reçoit chaque année 650 000$ si elle atteint ces objectifs.

Le contrat a été rédigé de façon à donner toutes les chances à Ambulance NB de réussir. Étant donné qu’il est beaucoup plus difficile de répondre aux urgences dans les régions rurales dans les temps impartis, leurs statistiqu­es ont tout simplement été noyées dans celles de quatre mégarégion­s.

À titre d’exemple, la région du Nord comprend un territoire qui va approximat­ivement de Grand-Sault jusqu’à Néguac. Étant donné que le volume d’appels est plus important dans les villes et qu’il est plus facile pour les ambulancie­rs d’arriver à temps, la faiblesse du service dans les communauté­s plus éloignées se retrouve à être camouflée.

La vérificatr­ice générale a ainsi découvert qu’en 2018-2019, Ambulance NB n’a respecté ses temps d’interventi­on que lors de 85% de ses interventi­ons urgentes à Lamèque (81% pour les cas non urgents). Le pourcentag­e de réussite est de 87% pour les urgences à Kedgwick (82% pour les non-urgences). À Belledune, les taux de réussite tombent à 69% et à 68%.

Ces statistiqu­es n’ont aucun effet négatif sur la prime versée à Medavie.

Cela cause aussi un problème de transparen­ce. Les citoyens ignorent si Ambulance NB réussit véritablem­ent à bien remplir ses engagement­s dans chaque collectivi­té.

Il est facile de comprendre pourquoi Medavie préfère cela ainsi.

Quand une communauté réalise que la qualité du service ambulancie­r est inacceptab­le, elle réclame d’être mieux servie. Nous avons été témoins de cette situation en 2017 et en 2018, quand les gens de Saint-Quentin et de Kedgwick se sont mobilisés.

De toute évidence, Medavie ne souhaite pas vivre cette situation chaque année un peu partout dans la province. Le contrat a été rédigé sur mesure pour lui éviter d’avoir ce problème. Et ce sont les régions rurales qui en font les frais.

L’entente étant valide jusqu’en 2027, il est illusoire de penser qu’elle pourra être renégociée de fonds en comble.

Le gouverneme­nt Higgs doit toutefois au minimum exiger de Medavie qu’elle dévoile chaque année ses véritables délais d’interventi­on par communauté, et non pas seulement dans quatre grandes zones rurales-urbaines.

Masquer les manquement­s d’Ambulance NB dans les régions ne sert d’aucune façon les intérêts de la population et des patients. Seulement ceux de Medavie.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada