FRANÇOISE ENGUEHARD: ABANDONNÉS COMME DE VIEILLES CHAUSSETTES
À l’aube de l’ouverture de la chasse au cerf de Virginie, les chasseurs de la zone 5 seront-ils chassés hors des autres zones?
L’an dernier, 42 483 chasseurs ont récolté 7303 cerfs de Virgine au NouveauBrunswick. De ce nombre, 703 de ces bêtes ont été récoltées à l’arc ou à l’arbalète.
Ce type de chasse est actuellement en branle dans la province, et ce, depuis le 5 octobre.
Rémy Maltais de Bathurst est l’un des heureux qui a touché la cible. Il a tué son chevreuil dans la région de Riley Brook. Un chevreuil de six pointes. Pas le plus gros des panaches, mais une belle prise. «C’est le troisième que je tue à l’arc. J’aime ça, c’est un plus gros défi qu’au fusil», raconte-t-il.
Celui-ci avait planifié un voyage de chasse au chevreuil en Alberta cette année. Dans le contexte actuel, il a annulé. Il se contentera de son expérience néo-brunswickoise.
À compter de lundi, la chasse à l’arc fera place à la chasse à l’arme à feu.
Comme c’est le cas depuis plusieurs années déjà, les zones d’aménagements forestiers 4, 5 et 9 demeureront fermées.
«Il y a des chevreuils dans ces secteurs, mais leur nombre n’y est toutefois pas suffisant pour soutenir une chasse», explique le responsable du bureau des Ressources naturelles de Campbellton, Bruno Pelletier, notant qu’il ne se souvient pas avoir vu de chasses au cerf de Virginie dans sa zone (4) depuis une vingtaine d’années.
Les zones où l’on retrouve le plus de chevreuils – donc en théorie les meilleurs endroits pour la chasse – se trouvent selon lui davantage dans l’ouest de la province, soit les zones 1, 2 (Nord-Ouest/Madawaska) et le centre de la province, soit la zone 7 (comté de Northumberland).
CHEVREUIL ET ZONE ORANGE
«Au Restigouche, même si les zones 4 et 5 demeurent fermées, la chasse au chevreuil a de nombreux adeptes. On retrouve beaucoup de chasseurs pour ce gibier, des gens qui ne manquent pas une saison», soutient-il.
Tout porte à croire par ailleurs que les citoyens de la zone sanitaire 5 (Restigouche) demeureront en phase d’alerte orange (ou même rouge) en lien avec la COVID-19 encore un moment.
Cela laisse du coup bien peu de marge de manoeuvre aux chasseurs de ce secteur qui prévoyaient se rendre ailleurs dans la province pour s’adonner à leur passe-temps.
Selon un porte-parole du ministère des Ressources naturelles, «le titulaire d’un permis de chasse au cerf résident peut chasser pour un cerf à bois (mâle) dans n’importe quelle zone de gestion de la faune ouverte à la chasse au cerf. N’importe qui peut acheter un permis de cerf résident tant qu’il répond aux conditions d’âge et de sécurité.»
Si c’est le cas sur papier, plusieurs craignent toutefois de rencontrer des problèmes en forêt en période de pandémie.
C’est que, bien qu’ils puissent en toute légitimité quitter leur zone – et donc en théorie partir chasser à l’intérieur d’autres régions sanitaires –, les chasseurs de la zone 5 demeurent fortement invités par les instances publiques à ne pas le faire.
C’est un peu la réalité d’André, un chasseur du Restigouche. Puisque sa zone d’aménagement de la faune est fermée, il prévoyait se déplacer dans une autre région de la province, comme la zone 6, la 7, mais surtout la 11. Craignant des tensions en forêt, il a préféré reporter à l’an prochain sa partie de chasse pour la saison.
«Je crois que les chasseurs du coin sont dans leur droit (d’aller chasser ailleurs), mais est-ce que les résidents des zones en jaune vont approuver?», souligne-t-il avec un sérieux doute.
Sa décision n’est toutefois pas basée que sur cet élément. La promiscuité en temps de pandémie l’a également fait réfléchir.
«Habituellement, nous sommes un groupe de six chasseurs. On se serait donc retrouvé six gars dans un petit appartement. C’est un peu trop tassé en période de COVID-19», ajoute-t-il.
De son côté, Bruno Pelletier confirme que ce cas est un exemple typique de la situation actuelle.
«Nous avons eu plusieurs appels jusqu’ici de chasseurs du coin qui ne savent plus trop quoi faire en raison du fait que nous sommes en zone (sanitaire) orange. Ce que nous leur disons alors, c’est de respecter la demande du gouvernement de demeurer autant que possible dans leur zone», exprime M. Pelletier, notant néanmoins qu’il n’y a pas d’interdiction formelle.
Il rappelle à ce propos l’incident d’un citoyen du Restigouche qui s’était fait apostropher l’été dernier alors qu’il pêchait sur les eaux d’un lac non loin de Plaster Rock, les deux zones étaient dans des phases d’alerte différente.
«On a tous entendu parler d’incident du genre et c’est exactement ce qu’on veut éviter. Déjà, on m’a raconté que des gens de la région avaient annulé leur voyage de chasse cette année. C’est malheureux, mais c’est peut-être mieux ainsi pour cette année», dit M. Pelletier.
Certains internautes de zones orange ont par ailleurs rapporté s’être vu refuser la location de chalets en zone jaune, d’autres se sont fait carrément demander de rebrousser chemin.
Selon un porte-parole du gouvernement, les chasseurs de la zone de santé 5 ont tout de même «la possibilité de chasser le cerf dans certaines parties des zones 3, 6 et 7.» Ce faisant, les remboursements de permis ne seraient pas une option considérée pour le moment pour les chasseurs des zones orange qui auraient décidé de changer d’idée.
L’autre option est d’attendre encore une semaine avant de prendre la route, dans l’espoir que le nombre de cas diminue suffisamment et que la zone 5 puisse retomber en phase jaune avant la fin de la chasse. ■