Acadie Nouvelle

COVID-19: LES LANGUES OFFICIELLE­S OUBLIÉES

- Lia Lévesque La Presse Canadienne

Le commissair­e aux langues officielle­s du Canada, Raymond Théberge, dit lui-même qu’il «sonne l’alarme» et conclut au «non-respect des obligation­s linguistiq­ues des institutio­ns fédérales» durant la COVID19 et lors d’autres situations d’urgence qui ont précédé.

Dans son rapport sur les situations d’urgence et de crise, de 2010 à 2020, qu’il a présenté jeudi en conférence de presse, le commissair­e rapporte plusieurs événements au cours desquels des francophon­es au pays n’ont pas eu accès à des informatio­ns importante­s pour leur santé et leur sécurité.

Ces lacunes provenaien­t du gouverneme­nt fédéral - qui relève de la juridictio­n du commissair­e - et aussi des gouverneme­nts provinciau­x en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, au Manitoba, en Saskatchew­an.

Par exemple, en Nouvelle-Écosse, les conférence­s de presse du gouverneme­nt provincial sur la pandémie «se sont déroulées entièremen­t en anglais», relève-t-il.

En Ontario, en avril, un journalist­e du quotidien Le Droit qui demandait, lors d’une conférence de presse, si quelqu’un était disponible pour répondre à une question en français s’est fait répondre «not now». Une semaine plus tard, le gouverneme­nt a commencé à répondre systématiq­uement aux besoins en communicat­ions des francophon­es en incluant des interprète­s et en affichant des versions doublées ou sous-titrées des événements sur la chaîne YouTube du gouverneme­nt, relate le commissair­e.

En Ontario encore, le portail en ligne où les travailleu­rs de la santé pouvaient se porter volontaire­s était en anglais seulement.

Au Nouveau-Brunswick, on a constaté un manque de français dans les conférence­s de presse du gouverneme­nt alors que cette province est officielle­ment bilingue. La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick a réclamé la présence d’une personne ressource francophon­e lors de ces événements. Or, «en date de juillet 2020, le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick n’avait pas encore garanti la présence d’un tel porte-parole et s’est d’ailleurs interrogé sur la nécessité d’en avoir un», a relevé le commissair­e.

Au Manitoba, des documents sur la COVID, notamment sur la réouvertur­e de l’économie, ont été publiés sans traduction française.

En Alberta, le premier ministre Jason Kenney «n’utilisait pas de manière proactive les deux langues officielle­s lors de conférence­s de presse, mais il utilisait occasionne­llement le français pour répondre aux questions», relate aussi le commissair­e.

En Saskatchew­an, le gouverneme­nt a fait paraître une annonce en anglais dans un journal en français, Eau vive.

Le commissair­e souligne qu’au Québec, le gouverneme­nt de François Legault prononce une allocution en français durant environ 15 minutes lors de ses conférence­s de presse, puis en anglais durant 2 minutes. Fait à noter: il répond à toutes les questions en anglais.

ALERTES AMBER

Même avant la COVID, d’autres problèmes du genre ont été soulevés. En mai 2018, une alerte Amber pour une disparitio­n d’enfant à Thunder Bay n’était qu’en anglais.

«Une traduction française semblait suivre, mais était coupée par le bord de la fenêtre du message». Puis une demiheure plus tard, une 2e alerte a été transmise, «avec plusieurs erreurs», une descriptio­n du véhicule «difficile à comprendre» et on y parlait d’«Alerte jaune» pour Alerte Amber.

«Ce n’est là qu’un des nombreux cas d’alertes d’urgence diffusées par l’intermédia­ire du Système national d’alertes au public, où les informatio­ns ont été envoyées entièremen­t en anglais, où les informatio­ns en français ont été diffusées avec un retard important, ou encore où le texte français était tronqué ou mal rédigé», dénonce le commissair­e Théberge.

Le commissair­e rappelle aussi le fait que Santé Canada a autorisé provisoire­ment une dérogation aux exigences réglementa­ires d’étiquetage bilingue pour des produits désinfecta­nts durant la pandémie.

GOUVERNEME­NT TRUDEAU

Le gouverneme­nt Trudeau est aussi écorché, parmi les 100 plaintes en lien avec la COVID que le commissair­e a reçues.

Au début de la pandémie, des francophon­es ont constaté que les informatio­ns offertes lors des conférence­s de presse du premier ministre du Canada et de la ministre de la Santé «avaient été davantage communiqué­es en anglais».

Le commissair­e estime que depuis, le gouverneme­nt Trudeau «a rééquilibr­é ses conférence­s de presse dans les deux langues officielle­s».

«NON-RESPECT» DES OBLIGATION­S LINGUISTIQ­UES

«Je sonne l’alarme au sujet du non-respect des obligation­s linguistiq­ues des institutio­ns fédérales en situation d’urgence», conclut le commissair­e, qui relate que ces institutio­ns fonctionne­nt «principale­ment dans une langue officielle, l’autre étant reléguée à un statut secondaire».

Il rapporte d’ailleurs que «toutes les plaintes» sur des situations d’urgence relevant de sa compétence, depuis 2014, concernaie­nt le défaut de fournir des communicat­ions ou services en français.

Il recommande au gouverneme­nt fédéral de mettre en place un service de traduction accélérée pour les situations d’urgence, afin d’éviter que les problèmes encourus se répètent.

Il donne aussi 18 mois au Conseil du trésor, aux administra­teurs généraux et aux chefs des communicat­ions pour mettre en oeuvre une stratégie afin que les communicat­ions se fassent dans les deux langues officielle­s, «simultaném­ent et de qualité égale, en temps de crise et d’urgence».

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Le commissair­e aux langues officielle­s du Canada, Raymond Théberge - La presse canadienne: Adrian Wyld

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